4 | Le tour de vos griefs

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J'étais bien, là, pourquoi a-t-il fallu que tu viennes gâcher ma soirée ? Qui n'en est qu'à son début ! Et que je dois passer avec toi ! Oh, misère... ça promet !

— Suivez-moi si vous y tenez, marmonné-je.

En dépit de la sécheresse de mon ton, il affiche un air ravi menaçant de me faire sortir de mes gonds. Je décide donc de marcher le plus rapidement possible, car si je me dépêche ce tête-à-tête durera moins longtemps.

— N'avez-vous aucune crainte de vous faire mal ?

Voilà une question me semblant sortir tout droit de nulle part.

Mais de quoi parles-tu ?!

Je lui lance une œillade incrédule par-dessus mon épaule, le découvrant hilare que je n'ai saisi le sens de son interrogation.

— Aux pieds.

Oh. En quoi est-ce ton problème ?

Prenant le parti de l'ignorer, je continue à me frayer un chemin parmi les herbes hautes, Loaf, Nerad – et lui hélas – sur mes talons. Sans chaussures, en effet. Ni me soucier de me blesser, non. Ok, peut-être puis-je comprendre que la situation paraisse surréaliste à un homme du royaume voisin en tenant compte du fait qu'elle l'est toujours pour les gens me connaissant depuis ma naissance. En tout cas, sachez que la grange ne m'a jamais parue aussi lointaine que ce soir !

— Vous ne voulez pas me parler.

Wahou. Perspicace !

Sincèrement, c'est plus sûr que je reste silencieuse, étant inquiète de mal contrôler les mots pouvant sortir de ma bouche si je n'ai personne pour m'inciter à me contenir. In fine, je pose enfin les doigts sur la porte en bois tant espérée, l'ouvrant avant de m'effacer pour laisser entrer l'équidé. Je lui passe rapidement un coup de brosse, cure ses pieds avec application sous l'attention persistante du prince-incruste-toi, puis lui sers une ration de céréales sur laquelle il se jette, heureux. Ensuite j'attrape un seau, me dirigeant naturellement vers le puit.

— Parlez-moi de votre cheval.

Non merci ! Tu ne peux guère m'obliger à te faire la conversation !

Un soupir m'échappe et avec lui, un semblant de politesse me rattrape.

— Nerad est gris.

Juste un tout petit semblant, comme vous pouvez le constater. Au lieu de s'offusquer face à mon insolente réponse, il réprime un éclat de rire, s'approchant alors que je suis occupée à remonter de l'eau. Son bras se tendant spontanément en direction de la chaîne que je tire, le regard noir que je lui adresse l'incite à se raviser.

Je n'ai pas besoin de ton aide ! Rentre-toi ça dans ton fichu crâne princier !

Circonspect, il s'appuie sur le muret en pierres, me dévisageant attentivement.

— Sa peur du contact est-elle liée aux cicatrices présentes sur ses flancs ?

Hum. Existe-t-il une possibilité pour que tu t'y intéresses sincèrement ?

J'attrape le récipient, le posant sur le rebord avant de m'arrêter pour le jauger.

Non. Je m'en fous. Tu n'es qu'un connard arrogant dont je dois me débarrasser, je n'ai aucune envie de me confier à ce sujet.

Le détaillant distraitement de bas en haut, je me détourne pour attraper une écuelle posée à proximité, servant à boire au loup. Me laissant ensuite glisser jusqu'au sol pour le câliner, je ne peux retenir un petit rire quand son museau trempé rejoint mon cou.

Lorsque la forêt chanteWhere stories live. Discover now