1 | Un grand loup gris en guise d'ombre

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Loaf.

Quand sa mère a été abattue par des chasseurs le lendemain, il est venu me retrouver devant la porte de notre maison. Ouais. Je ne suis pas seulement la fille bizarre, pour les gens du coin. Je suis aussi l'anormale jeune femme se déplaçant avec un grand loup gris en guise d'ombre, un arc à la main. Néanmoins, mon père étant respecté en tant que conseiller de notre roi, personne ne trouve grand chose à redire. Vous savez ce qui aide aussi ?  Devinez ! Je suis considérée comme jolie. Il parait qu'on pardonne tout à une belle femme. Je suis d'ailleurs sur le point de vérifier si cette stupide affirmation est vraie.

Hum.

Êtes-vous avec moi ? Si oui, nous sommes sur le terrain de tir à l'arc sous le rempart du château d'Eroly. Myras semble furieux, Jonas et Olios ricanant en compagnie de Loaf. Ne ricanant pas, puisqu'il est un loup.

Un loup peut-il ricaner ?

Bref. Ce n'est guère le moment idéal pour les questions existentielles.

— Tu as triché, Elora ! gronde le jeune homme.

C'est ça, c'est ça. Quel mauvais perdant !

— Ah oui ? le nargué-je, hautaine. Par quel tour de passe passe aurais-je pu réussir un tel exploit ?

Non mais sérieux ?! La mauvaise foi a ses limites !

— J'ai déplacé les cibles par la force de mon esprit, peut-être ? Je t'en prie, Myras, accepte ta défaite, cela vaut mieux que de continuer à te ridiculiser comme tu le fais !

— Franchement, tu es tellement bizarre que ça ne m'étonnerait qu'à moitié que tu en sois capable, grogne-t-il en s'approchant.

Ma petite voix intérieure me chuchote d'éviter d'insister.

Tu ne voudrais pas que le bruit se répande au sujet que tu sois une sorcière, Elora.

C'est ça, c'est ça.

Prudente, j'adresse au lord en colère une moue ingénue dans un sourire adorable.

Beurk.

— J'ai eu de la chance, voilà tout, exhalé-je. Je sais que tu es plus doué à l'arc que je le suis.

Et bien ! Heureusement que je suis bonne menteuse ! La vie m'a obligée à apprendre cet art, me direz-vous. Sinon je ne serais probablement plus là pour en parler, donc il n'y aurait aucune histoire à raconter. Soyons clairs, Myras Angü n'est aucunement meilleur archer que moi. Il s'agit juste d'un petit con arrogant de quatre ans mon aîné. Qui est aussi le neveu du roi et son héritier direct, son père étant le souverain du royaume d'Angü – plus au sud – de l'autre côté de la forêt. Ah. Cela vous étonne que je le tutoie ? C'est parce que nous nous connaissons – détestons – depuis mon enfance, nous côtoyant souvent de par la position de conseiller occupée par papa. Bref ! Sachez qu'un antipathique sourire se dessine sur son visage, ses yeux s'étant adoucis.

— Enfin des mots acceptables dans cette jolie bouche.

Ai-je déjà dit beurk ?

En tout cas et sous vos prunelles ébahies – au minimum – la jolie fille vient de se faire pardonner en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. La façon dont je lui ai parlé aurait valu un tour au cachot à tous les autres ! Intéressante théorie, donc. Voilà qui peut servir ! J'esquisse une révérence, retenant difficilement mon envie de lui flanquer une raclée amplement méritée.

Lorsque la forêt chanteWhere stories live. Discover now