Last of the World | Tome 1

29 : Eden

— Sur le pont d'Avignon, on y danse, on y danse, sur le pont d'Avignon, on y danse tous en rond !

Liv rit doucement alors que Myles reprend de plus belle.

— Les beaux messieurs font comme ça. Et puis encore comme ça !

— T'as perdu dix ans cette nuit ou quoi ?! demande Noah en se tournant vers Myles qui continue de marcher en chantonnant.

— Il est juste content, contrairement à moi, marmonne Juliette.

Celle-ci traîne des pieds en fixant le sol depuis que nous avons quitté pour la seconde fois l'hôpital. Quand nous lui avons annoncé que nous repartions, elle nous a supplié à genoux de revoir notre décision, mais c'était peine perdue, les autres sont déterminés à rentrer.

Noah ouvre la marche avec Liv et Jules tandis que la benjamine traîne derrière nous.

— Sur le pont d'Avignon, on y danse, on y danse, sur le pont d'Aïe !

Myles se stoppe net en ramenant sa jambe contre lui. Je lui souris innocemment, mais il sait parfaitement que c'est moi qui vient de lui écraser le pied.

— C'est bon, je me tais...

Nous reprenons notre marche dans un silence de mort.

— Finalement, c'était mieux quand tu chantais, bougonné-je en ralentissant pour marcher à sa hauteur.

— Ah, tu vois ! Tu m'as agressé pour rien.

Je lève les yeux au ciel tandis qu'il passe un bras autour de mes épaules et me ramène près de lui.

— Euh, tu fais quoi là ?

Il m'ignore royalement en continuant de marcher, un sourire idiot plaqué aux lèvres. Je soupire en reportant mon regard devant moi.

Nous arrivons bientôt devant la grande maison. Rien n'a changé depuis la dernière fois, du moins, à l'extérieur.

Nous nous stoppons tous devant les marches du perron donnant sur la porte d'entrée. Le silence règne toujours, il ne semble y avoir personne aux alentours. Nous nous regardons pendant un instant, comme pour trouver en l'autre le courage qu'il nous manque.

Liv prend une longue inspiration et passe la porte en première, suivie de Noah, Jules et enfin nous. Juliette reste un moment dehors, les bras croisés, elle fixe encore le sol. Je m'arrête sur le perron pour l'interpeller.

— Allez, viens, tu ne vas pas rester dehors quand même !

Elle obéit sans cesser de bouder. Je lâche un rire en secouant la tête de droite à gauche. Il y a des fois, j'en viens à me demander si Juliette a réellement quinze ans.

Nous nous ruons tous vers la cuisine, affamés. Et puis, à force de manger la nourriture de l'hôpital ces derniers jours, nous avons oublié le goût des bonnes choses. Liv se propose pour préparer un bon repas et Juliette l'aide à contrecœur. Myles et Noah vont s'installer dans le grand canapé du salon en lâchant un soupir d'aise et Jules et moi montons à l'étage pour checker les chambres. Tout est en ordre, rien n'a bougé. La chambre de Noah est toujours en bordel, le lit de Liv est encore défait et les dessins de Juliette sont éparpillés un peu partout dans sa chambre.

Nous redescendons rapidement pour rejoindre les garçons dans le salon. En m'allongeant dans le canapé, mon dos me remercie. Ce n'est pas la même chose qu'un matelas aussi fin que mon petit doigt.

— Ouah, on est quand même nettement mieux ici ! s'exclame Myles en retirant son pull pour se retrouver en tee-shirt.

Ce n'est pas moi qui risque de le contredire. Et puis, la température est tellement bonne ici, l'eau chaude, la lumière ! Ce n'est clairement pas la même chose.

Myles finit par se lever en soupirant, sous les cris de Liv qui lui ordonne de mettre la table. Je me retrouve seule pendant quelques minutes avec Noah.

Tiens, ça faisait longtemps...

Heureusement pour moi, il ne m'adresse pas la parole, bien trop concentré sur le feu qui crépite dans la cheminée.

Myles revient rapidement et dépose les assiettes sur la table. Je me lève pour rejoindre la cuisine et aider à apporter les choses à table moi aussi.

Rassasiés, nous nous laissons tous tomber dans les canapés en soupirant d'aise.

— Plus jamais je quitte cette maison pour cet hôpital infernal ! s'exclame Myles.

Juliette lui lance un regard noir et enfouit sa tête sous une couverture.

Quelques minutes plus tard, nous somnolons tous devant la cheminée. Le crépitement du feu est si apaisant que nous en oublions presque la situation. Nous oublions surtout de nous méfier.

Alors que j'ouvre les yeux, à moitié endormie, j'aperçois un homme debout au beau milieu du salon. De longs cheveux blancs comme la neige lui retombent sur les épaules et une grosse barbe lui couvre la moitié du visage. C'est le père Noël ? Je suis en train de rêver n'est-ce pas ?

— Euh, les gars. Je suis pas en train de rêver, y a bien un homme au milieu du salon ? demande Liv d'une voix légère, comme si elle parlait dans son sommeil.

Je me redresse vivement en me frottant les yeux. Je ne suis pas la seule à le voir ? Alors je ne peux pas être en train d'halluciner ! Sauf si ces fameuses personnes qui venaient soit disant nous chercher ont mis quelque chose dans notre nourriture !

Je secoue de toutes mes forces Myles endormi à mes côtés sans quitter le vieil homme du regard. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres lorsque son regard croise le mien.

C'est quoi ce délire ?!

Myles émerge enfin en grognant, lorsqu'il se redresse en passant une main dans sa nuque, un hurlement traverse ses lèvres.

— C'est qui lui ?! s'écrie-t-il en reculant comme s'il voulait disparaître dans le canapé.

— Rendez-vous ! Nous sommes six contre un ! s'exclame à son tour Liv en attrapant un vase posé sur une petite table à côté du canapé.

L'homme ne se départit pas de son sourire, comme si cette situation l'amusait profondément.

Nous sommes désormais tous bien réveillés, à fixer cet homme qui ne dit pas un mot. Mon cerveau tourne à mille à l'heure, prêt à exploser. Sont-ils venus nous chercher en fin de compte ?