Chapitre 1

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Si seulement j'avais pensé à fermer la cage de Fripon avant-hier, je n'aurais pas eu à courir dans tout mon appartement pour l'attraper cinq minutes avant que le taxi ne vienne nous chercher pour nous emmener à la gare  ! On va être en retard si ça continue, à cause de son goût pour l'escalade et l'aventure. J'ai dû l'amadouer avec du jambon. Oui, du jambon, comme un chien, pas avec du thon  ! Monsieur n'aime ni la pâtée, ni les croquettes, ni le poisson, et mon véto m'a bien fait comprendre que ce n'était pas une nourriture adaptée, mais ce chat ne veut rien savoir. Il n'en fait qu'à sa tête, comme sa maîtresse  !

Je suis donc arrivée in extremis à la gare de Lyon Part-Dieu. J'ai couru sur les quais comme une marathonienne mais je pense plutôt que les gens m'ont prise pour une folle furieuse avec ma valise vert pomme et la boîte de transport rose fluo de Fripon. Cette course ne pouvait pas se passer d'une belle cascade. Je plante mon talon de chaussure dans la seule fissure du quai, je fais un vol plané en direction du seul banc disponible et je m'étale dessus. Il ne me reste plus qu'à attendre mon train, qui a du retard, comme d'habitude.

Avec la SNCF, j'aurais dû m'y attendre mais, bon, il y a toujours de l'espoir. Je n'avais peut-être pas besoin de me presser ce matin... Ou peut-être que si... Bref  !

Avec Fripon bien installé à côté de moi dans sa boîte, j'attends que le TGV qui doit m'emmener à Paris se pointe. Dix minutes de retard, ce n'est pas grand-chose, mais, avec un chat farceur et ma poisse légendaire, elles sont devenues les dix plus longues de ma vie.

Au cours de ce laps de temps, il a réussi à mordre la main d'un gosse qui tentait de le caresser, à passer sa patte à travers la grille et à planter ses griffes dans la cuisse de la deuxième personne passée trop près de lui. Bien sûr, je vais pour m'excuser mais mon pied s'emmêle avec celui du banc et je renverse le café que le mec tenait à la main sur sa chemise blanche impeccable. Oups.

– Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas, je...

– Vous pourriez faire attention quand même  !

Qu'est-ce que je disais ? Les pires dix minutes de ma vie.

Parce que, évidemment, il se trouve que c'est le mec, celui des romans qui apporte un peu de piment dans la vie de la jeune protagoniste qui s'ennuyait à mourir jusque-là. C'est le mec sûr de lui, avec la veste de costume bien taillée et cintrée, le pantalon droit à la coupe parfaite qui moule les fesses comme il faut et qui joue l'élément perturbateur de l'histoire.

Et le meilleur pour la fin, le regard émeraude, le menton carré, la coupe de cheveux parfaite et la légère barbe qui repousse et irrite la peau sensible du cou d'une fille quand ses lèvres charnues s'y posent. Le cliché que beaucoup rêvent d'avoir dans leur lit, que je rêve d'avoir dans mon lit.

– Qu'est-ce que je peux faire pour...

Son regard envoûtant se pose à peine une seconde sur moi qu'il tourne déjà les talons.

– Je n'ai pas le temps.

Le mec se tire avec des grognements incompréhensibles qui me retournent le cerveau. Non mais, quel goujat ! Une telle situation ne se termine jamais comme ça dans mes romans, je suis déçue  ! Il aurait au moins pu me regarder. Zut  ! Quoique... je ne suis pas au meilleur de ma forme et je dois encore avoir ma tête de folle furieuse marathonienne épuisée. C'est peut-être mieux, finalement.

Je me rassieds pour me relever sans encombre quelques minutes plus tard, en faisant attention à ne rien renverser et à ne bousculer personne.

Victoire  !

Le quai est quand même noir de monde qui se presse pour rejoindre son train. Je me fais bousculer et manque de laisser échapper la cage de Fripon.

Miss Catastrophe vs Mister Control [Publié Aux Éditions Addictives]Where stories live. Discover now