Le commencement

317 6 0
                                    


1-Le commencement

Je me suis longtemps demandée si j'avais un avenir.

Mais je ne sais pas si la réponse aurait changé quoi que ce soit.

J'étais là en plein hiver, à regarder le monde. Cela se résumait à des dizaines d'immeubles plus grand les uns que les autres. Je me trouvais au sommet de l'un d'eux au bord du toit, un rebord de petite taille me séparait de la grande chute d'environ cinq cents mètres, c'était une pensée fugace qui m'avait traversé l'esprit tant de fois, pour m'envoler au loin, loin de cette cité. En résumer sur ce toit, le vent glacial sur mes joues rosies et mes longs cheveux blonds dansant au gré de ses envies, vêtue d'un simple trench noir entrouvert, on apercevait un pull en cachemire blanc et un vieux jean délavé rentré dans des bottines de cuir marron à talon, le tout s'accompagnait de mes vieilles mitaines Jack et d'une grosse écharpe rouge. Je regardais ce paysage si familier, si terne, pour la dernière fois. Un fin sourire se dessina sur mes lèvres craquelées par le froid et d'un mouvement de folie, je me mis sur ce rebord tout en regardant vers le bas. Des dizaines de voitures roulaient, klaxonnaient, les passants se promenaient. J'eus le souffle coupé, mon cœur s'emballa et l'adrénaline brûlait tout mon corps, si un corps s'écrasait cela perturberait le quotidien des gens d'en bas, mais qui s'estomperait dans les deux ou trois jours. Après un soupir, je descendis et me dirigeai vers l'escalier, un dernier regard vers cet horizon de béton, aucune nostalgie, un adieu sans cérémonie, j'étais prête à prendre la route.

Après un soupir, je descendis et me dirigeai vers l'escalier, un dernier regard vers cet horizon de béton, aucune nostalgie, un adieu sans cérémonie, j'étais prête à prendre la route. De la colère, une envie de tout détruire de tout briser comme on m'a brisée. Je la hais. Sans vouloir l'admettre totalement elle m'a tout pris et je n'ai rien fait pour l'empêcher, j'ai regardé en espérant que quelqu'un d'autre le fasse. J'étais trop bête pour agir et j'ai raté ma chance, maintenant il ne me reste plus rien, enfin, plus rien ne m'appartient et on m'a délaissée pour elle. Même en pensant à eux, ceux qu'elle a charmé et qui n'ont fait que la suivre en lui donnant tout, aucune tristesse ne me traverse juste ma colère envers elle. Elle qui a eu ma vie, lui laissant tout sans agir, je me dégoûte et cette colère se transforme en déception. Je me calme, ce sentiment s'est rendormi attendant le prochain déclencheur pour s'enflammer encore et encore. Il faudrait que je fasse le deuil de cette situation, que je passe à autre chose que j'accepte, mais c'est bien trop ancré en moi.

Je soupire, j'ai fait le choix de partir, qu'elle garde tout, elle ne m'aura pas. Je rangeais le peu d'affaire qu'il me restait, en autre une petite valise qui contenait quelques jeans, des vieux t-shirt, des sweets et des sous vêtements ça devait être ce qui coûtait le plus cher et qui était le plus beau, une paire de converse rouge montante avec des craquelures sur la semelle mais toujours d'un rouge vif, une grosse veste de cuir rembourré à l'intérieur de laine, un sourire se dessina sur mon visage en repensant à qui elle appartenait et combien j'avais dû le tanner pour l'avoir, une dizaine de seconde passa et il ne restait qu'à mettre un nécessaire de toilette et une couette de laine tressé bordeaux ainsi qu'un oreiller, je tenais toujours à un minimum de confort. Je regardais mes affaires qui semblait peu par rapport à la grandeur du coffre, je m'imaginais bien allongée dedans en regardant les étoiles, il devait être d'à peu près deux mètres avec une petite marche au fond, la roue de secours se trouvait dans un compartiment à droite, toute l'autre partie était couverte par de la mousseline grise que j'avais installé il y a plusieurs mois, j'avais déjà dû imaginer dormir dedans pour mettre ce genre de tissus. Je claquais la porte du coffre et me dirigeai vers la porte conductrice, mon sac à dos noir fermé par des lanières de cuir noir en bandoulière sur l'épaule gauche et un sac en papier dans la main droite qui contenait deux bouteilles d'eau, quelques fruits et un bout de pain, j'ouvris la porte et m'installa dans ma vielle Cadillac de 1952, en déposant mes affaires plus loin sur la banquette avant, je repensais à tout ce temps passé pour restaurer cette petite merveille. C'était un modèle coupé type 62 d'un noir mat qui faisait ressortir les jantes blanches, mais c'était l'intérieur que j'adorais, l'avant et l'arrière se composaient d'une banquette blanc et gris sur la partie supérieure et d'une douceur incroyable, ma voiture me tentait pour que je dorme dedans. Son compteur vitesse était énorme impossible de le rater, j'avais dû y faire quelques modifications après avoir augmenté les capacités du moteur celui-ci montait désormais jusqu'à 300 km/h.

Aujourd'hui elle était prête à prendre la route avec moi, je ne savais pas quelle était notre destination, mais tant que c'était loin d'ici ça me convenait. Je démarre la voiture, un regard dans le rétroviseur intérieur et je prends la route.

Tu ne m'auras pas, ce fut la dernière pensée qui me traversa en quittant cette ville.

Nouvelle RouteWhere stories live. Discover now