Demain je pars

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La lame était affutée, et l'objectif parfaitement maitrisé. Héla se donnait un jour. Un jour pour s'enfuir et ne jamais revenir.

La jeune femme avait passé la journée dans la serre plus par crainte de croiser Miranbeau que par réel attrait botanique. C'était seulement un moyen... De s'évader. En fin d'après-midi, Héla entendit les talons de Miranbeau approcher. Lorsque la femme d'affaire ouvrît la porte, elle fît mine de ne pas la remarquer.

"-Ramasse ce que tu es en train de faire Juliette, ce soir, nous avons une invité.

Héla rougît avant de relever la tête, elle savait parfaitement à quoi Miranbeau faisait allusion mais elle préféra ne pas en tenir compte. Elle interrogea la femme d'affaire du regard.

-Tu te souviens de notre amie Justine ?

-V-Votre... amie...? Rectifia Héla, la médecin ?

Miranbeau opina.

-Je suis allée régler notre affaire au tribunal ce midi. 

Héla se crispa, avait-elle raté une occasion de s'enfuir ?

-Ce soir, reprît la femme d'affaire, elle apporte les derniers papiers pour ta mise sous tutelle.

Héla ignora les derniers mots prononcés par sa geôlière. Au fond, elle espérait que cela soit impossible, même si l'aplomb de Miranbeau la déstabilisait.

-J'aimerais, reprît Miranbeau en regardant Héla qui retirait son bleu de travail, dévoilant son jean noir et son tee-shirt ample, que tu fasses un effort pour t'habiller. J'ai pourtant souvenir d'avoir demandé à ce que ton armoire soit pleine.

-Elle l'est. Répondit plus bas Héla en ramassant la combinaison tombée au sol.

-Alors je suis curieuse de savoir pourquoi tu persistes à mettre les mêmes habits tous les jours ?

Héla ne répondit pas, elle savait que Miranbeau connaissait déjà la réponse à sa question au sourire qu'elle arborait fièrement.

-Oh... Pauvre chérie... Se moqua Miranbeau avec un regard hargneux, ce n'est pas à ton goût?

La jeune femme ignora sa tortionnaire et se contenta de rejoindre la demeure en marchant à grandes enjambées. 

Lorsque Miranbeau ouvrît la porte, elle monta à l'étage sans se retourner.

-J'ai dit présentable ! Lança Miranbeau depuis le rez-de-chaussée. 

Héla partit se laver les mains dans la petite salle de bain accolée à sa chambre. Elle eût un haut de coeur en croisant son regard dans le miroir. Ces derniers jours, elle faisait du mieux qu'elle pouvait pour se soustraire à son reflet. Un rapide coup d'oeil pour voir l'évolution des blessures que lui avait infligé Miranbeau, rien de plus. Pourtant, là, ses yeux restèrent bloqués de longues secondes dans le miroir. Quelques larmes ruisselèrent sur ses joues. Elle ne pensait pourtant à rien en particulier. Elle s'efforçait de survivre, du mieux qu'elle pouvait, pourtant, elle se détestait. Elle souffrait, bien sûr qu'elle souffrait, mais c'était comme si cette souffrance était invisible, cachée. Elle avait perdu du poids, certes, ses joues s'étaient creusés, elle portait encore quelques bleus au niveau du cou, mais rien de plus. Son regard restait vif malgré les larmes qui ruisselaient de ses yeux. Peut-être avait-elle espéré au fond se trouver sans un état bien plus misérable, un état qui ne laisse place à aucun doute quand au sévices infligés par Miranbeau. Mais le fait est qu'elle allait bien, ou du moins, qu'elle en donnait l'impression.

Héla ouvrit le robinet et se passa de l'eau froide sur la figure. 

-Demain, je pars, se murmura-t-elle à elle même en guise d'encouragement.

Après quoi, la jeune femme explora de nouveau la penderie qui faisait face à son lit à baldaquin. Elle farfouilla, se contentant de grimacer à chaque nouvelle tenue qui se présentait à sa vue. Qui mettait se genre de chose ? La plupart des vêtements, si l'on pouvait appeler cela ainsi, étaient outrageusement vulgaires. En cuir et en latex pour la plupart, et avec si peu de matière qu'on aurait eu de la peine à en faire une chaussette complète même tous mis bout à bout.

Héla se surprît à sourire pour la première fois depuis plusieurs jours. Pour qu'elle porte des choses pareilles, Miranbeau devrait la tuer avant, parce que vivante, ça, jamais.

Héla sortit de la chambre sur la pointe des pieds, et partit explorer les pièces voisines. À l'étage, en plus de la troisième pièce dans laquelle la jeune femme se garda bien d'entrer, il y avait trois chambres, et leur douche attenante, à peines plus spacieuses que celles dans laquelle dormait Héla. Il y a avait également une salle de bain supplémentaire, avec un sonna ou peut-être un hamam, la jeune femme ne savait pas faire la différence, et puis, de toute façon, cela n'avait jamais trop été sa tasse de thé. Héla fût surprise de voir que la chambre de Miranbeau ne se trouvait pas à l'étage, finalement, il n'y avait qu'elle ici. Héla attendit un moment en haut des escaliers avant de descendre, au fond d'elle, elle avait espéré trouvé de quoi se changer pour satisfaire Miranbeau sans pour autant se mettre à nu devant sa tortionnaire.

En bas, Miranbeau était installée devant son ordinateur sur la table de la salle à manger. 

"-Troisième porte à gauche au bout du couloir. Siffla Miranbeau sans relever la tête de son ordinateur. Héla fronça les sourcils. Si tu veux de quoi te changer. Troisième porte à gauche au bout du couloir. Répéta Miranbeau concentrée sur son travail.

Héla ne la fît pas se répéter une troisième fois, sans rien dire, elle se dirigea vers la direction indiquée par Miranbeau. Là-bas, elle poussa une porte qui donnait sur une pièce dressing, Héla leva les yeux au ciel, elle ignorait même que cela soit possible. 

-Des gens dorment dehors et crèvent de faim, et elle, elle vît seule dans une villa complètement vide... Murmura la jeune femme pour elle même. Elle ouvrit le premier placard attrapa le premier pantalon et le premier tee-shirt qui s'offrit à son regard et se changea sur place sans plus de cérémonie. Fouiller l'armoire de Miranbeau à la recherche de la tenue idéale, non merci. 

-J'avais espéré que tu mettes plus de temps à te faire belle pour moi. lança Miranbeau à Héla lorsqu'elle la rejoignit dans le salon.

Héla serra les dents, quel toupet, comme si elle avait la moindre envie de lui plaire.

-Nous nous amuserons plus lorsque tu commenceras à me répondre.

Héla baissa les yeux. Il y avait un paquet de choses qu'elle aurait voulu dire... Mais ce n'était ni le bon moment, ni la bonne personne à qui parler. 

-Lorsque... Je vous réponds, marmonna Héla, vous me frappez.

Un large sourire éclaira le visage de Miranbeau, elle se leva et approcha d'Héla.

-Ça, c'est seulement lorsque tu es insolente chérie. La jeune femme resta immobile, et observa Miranbeau qui retirait l'une de ses épingles à cheveux. Elle contourna Héla et se positionna derrière elle, bien trop près pour que la jeune femme sois à l'aise.

-Je... Je... N'aime pas avoir les cheveux attachés, bégaya la jeune femme en tentant de se retourner, mais Miranbeau la retint fermement contre sa poitrine. 

-Laisse-toi faire, siffla Miranbeau à l'oreille d'Héla en enfonçant férocement la pointe de la barrette dans son cou, la jeune femme gémît, ce n'est pas le moment de me faire une scène. 

Voyant qu'Héla était trop terrorisée pour bouger, Miranbeau consentît à se servir de la barrette pour lui attacher les cheveux.

-Tu vois... Souffla Miranbeau en déposant un baiser dans le cou d'Héla qui fît bondir la jeune femme hors de ses bras, ce n'était pas si terrible.

La minute suivante, la sonnerie de l'interphone résonnait dans le rez-de-chaussée.

-Miranbeau, j'écoute ?... Très bien faites là entrer. "

Madame MiranbeauWhere stories live. Discover now