V/ AEDEN

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Courir. Toujours plus vite, toujours plus loin. Courir. Traquer. Vivre.

Lorsque mes pattes foulaient le sol terreux de cette forêt, je me sentais vivant, comme si mes poumons apprenaient à respirer, comme si mon coeur apprenait à battre.

Mes liens avec la meute stabilisaient l'équilibre de mon loup, mais moi, ils m'étouffaient. Je rêvais par moment de tout plaquer et de parcourir les mondes, en quête de savoir ou même de liberté. Et puis, je pensais à mon frère, à ma meute, et je me sentais coupable. Les abandonner, alors que la meute était l'une des plus petite de ce monde ... On était peut être puissant, mais la supériorité des autres meutes ainsi que leur cruauté me faisaient à chaque fois reculer. Je voulais être là pour les protéger, même si cela voulait dire mourir avec eux.

Perdu dans mes pensées, je faillis percuter un arbre lorsque mon frère activa le lien si spéciale qui me reliait à lui.

- Aeden, mission sauvetage et exécution aujourd'hui.

Mon frère et ses phrases énigmatiques je vous jure.

- On sauve qui et on tue qui ?

- On sauve la meute de June et on tue des vampires.

Des vampires ? La journée s'annonçait divertissante.

- Lieu de rendez vous ?

- On se retrouve sur le territoire de June dans deux heures.

- Personnes qui m'accompagnent ?

- Adèle, Tahys, Ulysse et moi.

- J'y serais.

- Je m'en doute. Salut petit frère.

Et il coupa la communication. Auxanne avait gardé sa sale manie de m'appeler petit frère, comme si j'était encore un petit garçon désobéissant et fugueur. Une petite voix au fond de moi me souffla que c'était un peu ce que j'étais après tout.

***

Après ce qui me sembla durer que quelques minutes, j'arrivais sur le territoire de la meute de la Nouvelle Lune. Son nom rendait hommage à l'une des plus grandes faiblesse des lycanthropes. 

Le territoire de June était au coeur d'une forêt vieille comme ce monde, avec des maisons en bois de toutes les tailles et de toutes les couleurs, allant du rouge jusqu'au violet en passant par le vert et le bleu avec des aires de jeux naturelles pour enfants dispatchées un peu partout sur la propriété.

D'ordinaire, des guirlandes lumineuses de Noël ainsi que des petits rubans décoraient les arbres les plus proches des habitations et un sentier de bois traversait tout le village pour finalement mener directement sur le pas de la porte de la maison où résidait l'alpha et les loups instables. La joie et les rires d'enfants emplissaient cette forêt habituellement. Aujourd'hui tout ce que je voyais me faisait froid dans le dos.

Des maisons en feu, des bâtiments écroulés, une terre ravagée et noire de brûlures, des arbres déracinés, un ciel couvert de cendres et de fumée, des jouets d'enfants éparpillés sur le sol, déchiquetés, cramés. Aucune âme qui vivent.

Au loin, j'apercevais mon frère et sa bande, seaux en mains, essayant tant bien que mal de contenir le feu. Je m'approchais d'eux et me re transformais en humain.

Par chance, les transformations ne duraient que quelques minutes et étaient presque indolores pour moi. Les membres engourdis, je me relevais sur mes deux jambes, sensation au combien désagréable et perturbante. Une pile de vêtements atterrissant soudainement dans mon champ de vision, je levais mon regard vers mon alpha.

- Tous enlevés, des enfants jusqu'aux loups âgés.

La situation était claire. Les loups étant immortels, on considérait les loups âgés ceux ayant dépassé les quatre siècles, et pour survivre quatre siècles dans le milieu du surnaturel, il fallait être balèze. Entre guerres, exterminations, génocides et barbaries, la moyenne d'âge était d'à peine un demi siècle. Auxanne avait trois cent ans. J'en avait moi même deux cent trente et des brouettes.

Je me souvenais que dans cette meute, trois loups étaient considérés comme vieux. Cela nous apprenait plusieurs choses.

D'abord, que les vampires à qui nous avions à faire étaient organisés, préparés et méthodiques et ensuite, que la meute de June n'avait pas été choisi au hasard. Les mercenaires avaient sans doute appris par leur employeur que des membres puissants composaient cette meute. On pouvait donc en déduire logiquement que le commanditaire de cette attaque était puissant, bien renseigné et riche, les mercenaires vampires, surtout en masse, n'étant pas donné.

Ces derniers points n'étaient cependant pas une priorité dans l'immédiat, aussi je décidais de les ranger dans un coin de ma tête comme étant un casse tête à résoudre pour après la mission.

Mes fringues enfilés et les incendies à peu près maitrisés, Auxanne prit la parole, le groupe réuni autour de lui.

- Les trente six membres de la meute de la Nouvelle Lune ont été enlevé, des traces de sang se situent un peu partout sur le territoire mais aucun corps n'a été retrouvé.

- La question à se poser est pourquoi les enlever et pas les tuer sur place ?

La question de Ulysse était pertinente. Pourquoi s'encombrer de trente six personnes ?

Pour une vengeance ? Dans ce cas, ils les auraient tué sur place.

Pour faire du trafic d'esclaves ? C'était une prise de risque énorme, surtout que les lycaes se vendaient plutôt mal sur le marché à cause de leur indiscipline.

- L'employeur voulait probablement retrouver une personne en particulier.

Cela me paraissait être la piste la plus plausible.

- J'en étais arrivée à la même conclusion.

Mon regard se porta sur Tahlys. Elle et moi n'avions pas le même cheminement de pensée. Elle analysait tout de manière logique et structurée tandis que je me fiais plus à mon instinct et à mon experience. Une chose était sûre cependant, si l'on tombait tous les deux d'accord, il y avait quatre vingt dix pour-cent de chance pour que notre hypothèse soit juste.

- Reste plus qu'à savoir où ils devaient emmener cette personne et pourquoi ils ont finalement décidé de prendre toute la meute.

Adèle avait raison, pourquoi s'embarrasser de toute la meute ? Cette question ci restera probablement sans réponse.

Pour la question du lieu, ils leurs fallaient un endroit calme, accessible rapidement mais à l'abri des regards et qui réussirait à contenir trente six lycanthropes enragés sans éveiller les soupçons.

- Je crois que je sais.

Pendant notre petite discussion, Ulysse s'était éclipsé de la réunion improvisé et il se tenait à présent devant une trace de brûlure au sol. Un portail avait été ouvert. Restait plus qu'à savoir vers quel monde.

- Aeden.

Heureusement pour nous, ayant visité la plupart des mondes accessibles et possédant le fabuleux talent qu'était "analyse de portail", je pouvais, rien qu'avec les résidus de cette brulure, deviner où s'étaient dirigés les sangsues.

Reniflant les traces de flammes et la cendre déposées sur le sol, mon odorat capta des notes d'océan et de terre fraîche mais aussi de pollution et de tristesse.

Très peu de planètes avaient une telle odeur et une seule pouvait convenir pour le stockage d'êtres surnaturels.

Cette planète, les mercenaires l'appréciaient particulièrement pour procéder aux échanges entre argent et objets du contrat.

Avec une mine dégoutée et regrettant presque les paroles que j'allais prononcer, je déclarais avec une pointe de colère dans la voix.

- Ils sont sur Terre.

Les Ombres des Mondes : la reine dragonne et le mercenaire noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant