La rôdeuse du nord : messagère de l'ombre

Chapitre 17

                Les rayons du Soleil rasaient très largement l'horizon lorsque la rôdeuse abandonna sa recherche dans une fureur qui faisait presque frémir ses membres. Bilbon n'était nulle part. Ses traces de pas l'avaient fait tourner en rond autour de Dale, puis avaient fini par disparaître lorsque le vent d'aval s'était levé, chassant poussière et graviers. La Lunard se rendait dorénavant vers la ville en ruine, incapable de trouver le voleur. Elle n'avait que les gemmes en sa possession et n'était absolument pas en mesure de négocier la liberté de Darian. Maudissant son sort et celui de ce dernier. La Lunard fut soudainement lasse de la situation. Elle devait à son compagnon de voyage une loyauté et une dette certes, mais la priorité de sa liberté semblait s'amoindrir. Pourrait-elle vraiment se sentir aussi concernée au point de mettre en danger sa propre vie en défiant le roi elfe ? La jeune femme en doutait fortement. Elle n'était pas attachée à lui, comment son cœur glacé pourrait-il battre de la sorte. Celle-ci se trouvait également imperméable à la solitude. Néanmoins, il y avait bien une chose qui ne la laissait pas indifférente : l'ennuis. Si la douleur de l'exil n'avait aucun effet sur son esprit de fer, arpenter la Terre du Milieu seule relevait d'une lassitude mortelle. Se laisser choir sur un rocher ou près d'un cours d'eau sans rien faire possédait le même intérêt que de passer le restant de ses jours sans âme qui vive près d'elle. Mais les interrogations tourbillonnaient dans ses pensées comme des feuilles prises dans une tornade. Ferait-elle l'effort de sortir Darian de son cachot par pur désir de distraction ? Sa réponse négative brillait comme une flamme au fond de son esprit.

                  Aux abords de Dale, une certaine fièvre émanait de se remparts défoncées, sillonnés par des gardes elfiques et humains. La panique flottait dans l'air comme une odeur de fumée près d'un feu. Beaucoup s'agitait, des ordres et messages se ciraient de tous les côtés. Gaviria comprit qu'une attaque se préparait. Elle ne saisissait pas tous les mots qui fusaient autour d'elle, concentrant toute son attention sur la présence de Thranduil. Si son armée s'était déplacée, il devait forcément se trouver avec cette dernière.

               L'agitation était telle que personnes ne faisait réellement attention à la rôdeuse, jusqu'à ce qu'une main lui saisisse brusquement le bras. La Lunard s'apprêtait à repousser avec force l'intrus, mais la voix qui surgit l'arrêta dans son élan :

                  - Que faîtes-vous ici ? fit un homme, la surprise transperçant sa voix telle une lance.

               La Lunard posa ses yeux sur Barde. Il avait le visage tiré, semblait épuisé, rattrapant péniblement son souffle. Tandis que la concernée se dégageait de son étreinte, elle remarqua l'épée scintillante qui pendait à son ceinturon. Une arme elfique, sans aucun doute. Ignorant sa question et le reproche infondé sur le point de fleurir sur sa langue, la jeune femme prit un ton inquisiteur :

               - Où se trouve le roi Thranduil ? voulu-t-elle savoir.

             - Le roi Thranduil ? fit Barde, quelques peu déstabilisé.

               - Je dois le voir.

               - Je crains que ce ne soit pas le bon moment, protesta l'homme.

            Dans son regard brillait une lueur de blâme envers la rôdeuse, que cette dernière ne comprit pas. Elle n'en fit rien, et s'approcha de son interlocuteur, insistante. Les deux jeunes gens se trouvaient au milieu d'un passage visiblement éminent, puisqu'un flot constant de gardes se pressait contre eux. Barde luttait pour rester face à Gaviria, tandis que celle-ci semblait plus faire l'effet d'une colonne de marbre pour les passants. Leur bousculade la dérangeait autant qu'une volée de papillons. Sa force surhumaine l'empêchait de ciller face aux coups de coudes et enjambées brutales, ce qui lui attira quelques regards curieux.