Les créateurs de monde - tome 1 Verthe

32. (GABRIEL)

— Bon sang, pourquoi t'es frais comme un gardon alors que je déguste avec un mal de crâne carabiné ?

— Ça s'appelle le talent, mon cher, ça ne s'explique pas.

Je m'assois au bord du lit pour observer le chérubin.

— Elle est réveillée ?

— Oui, elle a vomi deux fois d'après les rumeurs.

— Laisse-moi une minute et je vais la voir. Si j'y vais maintenant, je risque de ne pas être aimable.

— Parce que tu l'es habituellement ?

— Je fais des efforts.

— Vous êtes comme chien et chat, je me demande encore pourquoi Moniris t'a choisi.

— Parce que je suis le meilleur. J'ai pas besoin de m'entendre avec elle pour jouer la nounou.

— Et modeste.

— J'y peux rien si la vérité te blesse.

Cupidon porte une main à son cœur et feint d'avoir été touché par une flèche invisible.

— Arrête tes bêtises. On a du pain sur la planche, j'ai deux têtes à faire tomber.

— On peut dire que tu ne perds pas de temps, tu expliques ?

— Il n'y a rien à expliquer, j'ai accès à tous les souvenirs de mon vaisseau et si ce bon à rien n'a pas su quoi faire, je vais me charger de lui montrer.

Et la première tête à quitter les épaules de son cou sera celle derrière laquelle se cache ce mangeur de chair, Kasum. Il a souhaité lui faire du mal, je vais extraire son âme de la pourriture qui lui sert de corps et la détruire. Je m'occuperais ensuite de celle du prince Elrohîr, Dieu-créateur ou pas il mourra. Personne ne s'en prend à elle sans conséquence. Mon Dieu m'a donné une mission, rien ne m'arrêtera.

Je me lève, chauffe mes articulations puis enchaine quelques mouvements de combat. Cette chair ne vaut pas la mienne qui repose au sanctuaire, mais elle fera l'affaire pour l'instant. J'enfile les vêtements posés sur le dessus du lit et fais signe à Cupidon de me suivre.

— Occupe-toi de faire venir la femme qui sert de mère à cet incapable, je dois récupérer mon épée dans le plan astral.

— Bien.

— Je me charge de l'apprentie déesse. Exécution.

Cupidon file sans demander son reste. Je ne sais pas si c'est cette migraine ou la médiocrité des gardiens de cette planète, mais j'ai le sang en feu.

Je ne frappe pas, j'entre. Allongé sur le lit, le vaisseau de Calys me sourit. Elle cherche la bagarre ?

— Alors la morveuse, bien dormie ?

— Rae ?

Elle s'élance dans ma direction et m'enlace. Je la dévisage un instant. Ses yeux affichent une profonde bonté colorée d'inquiétude, mais je ne suis pas dupe. Je la repousse doucement.

— Très drôle, Calys.

— Je ne comprends pas ce que tu dis. Où est Massala ? Et Fala ? Que leur est-il arrivé ? Cupidon possède-t-il toujours son corps ?

De grandes larmes noient l'émeraude de ses yeux. Je recule d'un pas.

— Calys ne joue pas avec mes nerfs, ce n'est pas le moment !

Elle fixe son regard innocent au mien.

— Rae ? Tu me fais peur.

Soudain, je comprends. L'éveil n'a pas eu lieu ? Je penche la tête sur le côté. C'est étrange, elle rayonne de l'aura divine de Calys. Pourquoi n'a-t-elle pas pris sa place ? Je m'approche. Une inspection s'impose.