Chapitre 16: Jour Décisif

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La Marie, seule cloche fondue en plein vol, et de taille considérablement supérieure aux autres cloches à bord, sonna. Elle avait été créé pour l'occasion, et son son étrange et solennel à la fois fit vibrer les cœurs tout autant que les corps à Bord de la cité.

Depuis le matin même, la cité amorçait une lente descente... aux enfers? Que ce soit de peur, une simple coïncidence, ou bien un phénomène dû à la baisse d'altitude, un grand nombre des habitants de la cité s'était senti mal et s'était mis à vomir. Mais l'opération était lancée.

Haru était à l'armurerie. On lui donna l'uniforme de combat de la garde, que l'on finissait de produire, et c'est avec une certaine fierté qu'il l'endossa avant de se tourner vers son bataillon. Pour l'occasion, il avait reçu une grande responsabilité. Une quarantaine de gardes étaient sous son commandement, et deux chevaliers devaient les rejoindre pour le seconder.

La Marie continuait de sonner, alors que la cité amorçait la phase d'approche. Puis elle se tut. Les consignes avaient été très claires. Sitôt la Marie silencieuse, la cité devait ne plus émettre un son. On avait atteint l'altitude où les sons pouvaient porter jusqu'au sol. La cité accéléra sa descente. On avait passé les derniers nuages et le moins de temps la cité serait visible dans le ciel, le plus elle avait de chance de passer inaperçue.

Haru se demandait où en pouvait être Aelis. Si elle se remettait bien de ses blessures, et si ils seraient capables de tenir les monstres à distance au moins le temps qu'elle ait recouvré ses forces. Il balaya rapidement ces pensées en apercevant le sol. Sa mission allait commencer et il devait être impitoyablement concentré. Il fit le vide dans son esprit puis s'efforça de le remplir avec tout ce qu'on lui avait appris. Il avait appris à compartimenter ses pensées et ainsi à prévoir un certain nombre de réactions face à diverses sortes de situation, en veillant à toujours laisser une partie de lui-même disponible à l'improvisation en cas d'imprévu.

Les chevaliers les rejoignirent, et Haru fut surpris de voir Sir Thibault accompagné d'un autre chevalier nommé Hekkatus s'avancer vers lui.

"Vous... vous êtes sous mon commandement?

-Effectivement, mais c'est une relation assez libre de la hiérarchie, nos deux corps d'armée étant séparés, disons que nous sommes rattachés à ton escouade sans tout à fait devoir obéir au moindre de tes ordres."

Haru voulut poser d'autres questions, mais le chevalier lui intima le silence.

"L'heure n'est plus aux paroles, Haru. C'est désormais à l'acier et à la poudre de parler."

Un silence pesant régnait sur la cité qui n'était plus à grande distance du cratère prévu pour l'atterrissage. Les voiliers manœuvrèrent adroitement de sorte à ralentir la course de la cité de dans une distance suffisamment grande pour éviter une décélération trop importante, mais suffisamment petite pour minimiser les chances d'être repérés. La coque toucha le sol, et s'enfonça quelque peu dans une terre meuble. Pas un chant d'oiseau ne retentissait, pas un bruit hormis le vent dans les arbres mutilés par ce qui semblait être des coup de griffes acérées.

La population commença à évacuer la cité, transportant le bois qui avait pu être récolté en son sein même, tandis que d'autres équipes s'attelaient à préparer l'abatage d'arbres. Les équipes de gardes avaient pour mission quant à eux, d'aller se poster au niveau des bords du cratère et de surveiller tout en restant discret. Les chevaliers avaient pour mission de ne pas laisser de monstre s'échapper vivant en cas de contact. L'escouade de Haru s'élança à sa suite dans la direction prévue après un rapide briefing auprès d'un officier supérieur.

Le groupe s'avançait silencieusement dans une verdure éclatante, bien que visiblement malmenée par la cause de la disparition des autres animaux. Haru vit Kennec,  Aoued, Yoru et Tiermond, ses camarades de ses débuts dans la garde qui passaient dans l'escouade qui devait se rendre sur son flanc droit. Il remarqua que chacun serrait sa lance à s'en faire saigner les doigts avant de se rendre compte que c'était aussi le cas des gardes de son escouade, bien qu'ils soient plus âgés. Haru se savait capable de mener des hommes, mais il se rendit compte que bien qu'il ne le montrât pas, il était aussi nerveux que ses hommes, aussi demanda-t-il à Sir Thibault s'il pouvait tenter un discours inspirant pour calmer l'angoisse de l'escouade.

Le chevalier avait quelque chose de changé. Son regard était dur, et perçait violemment au travers de la visière de son casque. Il avait toujours l'allure aussi noble, mais quelque chose émanait de lui, de sauvage et violent. Le chevalier leva le poing pour intimer un arrêt et fit face à l'escouade, pour chuchoter d'une voix glacée:

" Depuis que j'ai quitté le sol, et que ma promise a été réduite en lambeaux par ces charognes, le sens de ma vie est de tuer ces horreurs. Vous avez pour mission de défendre les innocent, moi de mettre un terme à leur misérable existence. Vous pouvez reculer, j'avancerais pour vous, vous pouvez vous faire tuer, je serais là pour veiller à ce que ce soit le sort de ce qui vous aura ôté la vie. Mais si vous faites un pas de côté. Si vous abandonnez votre rôle, et ceux que vous avez juré de protéger. Alors vous prierez les dieux de vous donner une mort rapide, parce que je vous traquerais et que votre mort sera bien pire que ce qu'elle aurait pu être entre les griffes de ces bêtes. Suis-je clair?"

Personne n'osa répondre; et même Haru se prit à déglutir.

"Ce n'est peut-être pas.... la méthode à laquelle je m'attendait... " Songea-t-il en regardant l'un des gardes qui, semble-t-il, s'était uriné dessus. 

L'escouade poursuivit son chemin et finit par rejoindre son poste sans encombre. Le groupe entier, chevaliers excepté, était dans un état de tension encore jamais atteint. Le silence, ce silence de mort, pesait sur le moral. La nature bien que verdoyante, portait ça et là des marques de violence inouïe. On eu dit que les plantes, victimes de la sauvagerie gratuite des monstres -car ces derniers étaient des prédateurs carnivores- tentaient d'alerter les gardes du sort qui les attendait...

Cytad'ailesWhere stories live. Discover now