Chapitre 4 : Le Drame

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Au même instant, Aelis se préparait à faire la pire bêtise de sa vie. Engagée dans l'artillerie, elle avait soigneusement retenu les endroits les plus intéressants pendant la visite de l'armurerie. A son plus grand désarroi, elle avait appris qu'il lui faudrait attendre peut-être une année entière avant de tirer son premier coup de feu. Les munition et la poudre étant limitées, les entraînement à munitions réelles étaient extrêmement rares. La rebelle avait tout d'abord décidé de s'offrir une exception, mais elle se rendit vite compte que voler un fusil était impossible. Pendant la visite de la poudrière cependant, elle avait réussi à subtiliser de la poudre sans être vue. Quelques mèches à canon avaient circulé entre leurs mains. Hop! ni vue ni connue, Aelis n'avait besoin plus que d'un contenant pour pouvoir finaliser sa bombe. A défaut d'une vraie coque en métal, elle dénicha cependant un petit pot en terre cuite à la bonne taille pour y vider sa poudre. Elle glissa ensuite la mèche dans la petite ouverture et colmata avec du tissus. Le tout tenait dans la main d'Aelis.

"Parfait!" se dit-elle.

Elle attendit le soir pour courir vers les remparts, une bougie à la main, la bombe dans sa poche. Elle finit par trouver une portion du mur déserte. Le garde en faction faisait une longue ronde et il était à ce moment assez loin d'elle et lui tournait le dos. Le temps qu'il fasse demi-tour, Aelis pourrait lancer sa bombe par dessus bord, la voir éclater en l'air et filer bougie éteinte jusqu'au dortoir. Elle s'approcha des créneaux, lança un bref coup d'œil pour s'assurer que personne ne pouvait la voir, puis, frissonnante d'excitation, elle bouta le feu à sa bombe.

 La mèche était trop courte. Aelis avait pris une mèche à canon, conçue pour s'enflammer rapidement, évitant une mise à feu trop longue. Les mèches à bombes prenaient plus de temps à brûler car elles étaient plus épaisses, et plus grasses. Elles étaient plus chères aussi. C'est pourquoi on ne leur en avait pas présenté ce jour là. Aelis s'aperçut de son erreur dés que la mèche fut allumée. Trop tard.

Thibault sursauta. Il était couché dans son nouveau hamac. Il aurait juré avoir entendu un bruit, un claquement. Les autres dormaient. Il avait passé une excellente journée, mais le soir venu, il avait senti la tristesse s'installer en lui. Il pensa à Nitram et se revit dans son ancien dortoir avec ses amis. Il les reverrait. Subitement, le visage de son ami qui flottait dans son esprit fut balayé par une sensation horrible suivit du visage d'Aelis. Il cru réentendre le son qui l'avait réveillé. Plus qu'un claquement, c'était une explosion lointaine. Une explosion ! Aelis ! Elle travaillait désormais chez les artilleurs. Il n'avait pas rêvé !

Se précipitant au dehors, il attrapa un cordon de sécurité, s'y attacha et entreprit de descendre le long du filet qui reliait le nid des voiliers au reste de la cité bien plus bas. Dominant la ville, Thibault aperçut un nuage gris qui achevait de se dissiper en contrebas. Des torches convergeaient vers ce point. Il se hâta dans une longue descente vers la ville suspendue bien plus bas. Parvenu au sol de la cité, il courut pour se rendre au point d'agitation et fut arrêté par un cordon de gardes.

"Que se passe-t-il? cria-til

-Un accident, répondit l'un d'eux

-Une novice qui a transgressé le règlement, apparemment" continua un autre.

Le malaise de Thibault s'accentua.

"Foutus artilleurs, reprit le premier des gardes, pas fichus de garder leurs explosifs hors de portée des gamins! Quand on joue avec le feu, on s'brûle. "

Thibault devait savoir, il profita d'un moment d'inattention chez les gardes pour forcer le passage. Poursuivit par deux d'entre eux; il courut jusqu'à arriver sur les lieux du drame. Il poussa alors un cris. Il l'avait reconnue. Malgré les ravages causés sur son corps et ses vêtements, il reconnaissait devant lui son amie Aelis complètement brûlée, couchée sur un linge posé au sol. Les gardes l'attrapèrent par les épaules alors qu'il commençait à comprendre.

"Non, dit-il, non. Non! Non non non! NON!"

Aelis disparaissait de son champ de vision à mesure que les larmes lui embuaient les yeux et que les gardes le tiraient hors de vue du corps de son amie. Il commença alors à hurler à la mort. Ses cris déchirant fendirent l'air alors qu'il se débattait, trop aveuglé par ses larmes désormais pour voir quoi que ce soit. Ses longs cris retentirent encore dans la cité jusqu'à ce que les gardes le conduise en cellule d'isolement provisoire. Le visage ravagé par les larmes et la douleur, Thibault resta ainsi prostré toute la nuit, assis sur sa paillasse, le regard vague. Informé des événements, Timon demanda exceptionnellement à être relevé pour la nuit. Il passa ainsi la nuit à veiller sur Thibault.

Cytad'ailesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant