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Je ne souvenais pas à quel point courir pouvait être atroce.

De l'extérieur, je dois ressembler à une grosse larve en insuffisance cardiaque, dégoulinante de sueur et rougie par le moindre effort fourni. Impossible pour moi de parcourir trente mètres sans être essoufflée ou avoir un point de côté.

Lydia s'efforce de ralentir, de faire plusieurs arrêts, et je culpabilise de la ralentir. Même si ça n'a pas l'air de la déranger. Au contraire, elle profite de ces pauses pour me raconter sa vie.

Au cours de la matinée, elle reçoit un message d'Anne-Sophie l'invitant à la rejoindre au plus grand centre-commercial de la ville. Après un dernier kilomètre qui m'aura fait cracher mes poumons, nous prenons donc le tram pour rejoindre la blonde.

J'ai essayé d'esquiver ce rendez-vous, mais Lydia tient absolument à m'offrir un repas diététique dans un restaurant pour clôturer notre séance d'exercice.

A notre arrivée, je repère d'abord Charlie avant Anne-Sophie.

Ils sont tous deux assis sur un banc au soleil, à l'entrée du bâtiment, à papoter le sourire aux lèvres.

Quand elle nous remarque, la blonde retire son bras jusqu'alors agrippé à celui de Charlie. L'un et l'autre ont l'air surpris de me voir ici. Et moi, je m'étonne de constater que mon copain flâne sur un banc, un samedi matin, lui, qui prétend n'avoir jamais de temps pour moi.

— Ah, t'es là, toi ? lance Lydia à Charlie sur un ton peu enjoué.

En réponse, elle obtient un bref sourire ironique.

Le malaise flotte dans l'air. La blonde regarde ses ballerines comme si elle les découvrait pour la première fois, Lydia se plaint de la présence de Charlie, qui cache toute émotion derrière ses lunettes de soleil et un visage stoïque, et moi, je me sens en trop.

Perdue dans mes pensées, je n'arrive même pas à me concentrer sur leur début de conversation. Elle n'est qu'un bruit de fond.

J'essaie de me rassurer, de me dire que Charlie et la blonde sont amis, qu'ils ont le droit de trainer ensemble, et qu'elle peut lui agripper le bras si elle en a envie, même si ce dernier point me donne envie de pleurer. Et je suis juste dégoutée. Dégoutée de constater que Charlie est bien plus souriant en sa présence, et que leur complicité dépasse indéniablement la nôtre.

Aujourd'hui plus que jamais, je me demande vraiment pourquoi il sort avec moi alors qu'il m'accorde si peu d'importance.

Quand le groupe bouge et passe les portes du centre-commercial, je ne sais même pas ce qui est prévu. Je marche en retrait et dévisage Charlie s'en même m'en rendre compte.

Ce dernier finit par se retourner, vérifiant que je suis toujours là. Il ralentit le pas jusqu'à arriver à mon niveau puis glisse un bras derrière les épaules pour m'attirer à lui.

Il sent bon, comme d'habitude, et contrairement à moi qui pue la sueur dans mon t-shirt humide de transpiration.

— Comment ça va, Poupouille ? demande-t-il. Tu boudes ?

J'ai toujours détesté ce surnom débile qui m'infantilise. Comme si ma tête de bébé ne suffisait pas.

— Non.

Mon ton est trop sec pour sonner sincère.

— Si, dis-moi.

— Y'a rien.

— Ok... Tu viens chez moi après ?

En réponse à sa proposition, je hausse juste les épaules.

Douce aigreurWhere stories live. Discover now