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Pour fêter la fin des examens, certains étudiants de notre promotion organisent une soirée bowling. Malgré ma réticence, Alexandra me force à l'accompagner, « histoire de s'intégrer un peu plus et de voir d'autres têtes ».

Sauf que je me révèle être d'une nullité astronomique à ce jeu. Aucune de mes boules ne roule droit et la plupart terminent leur course dans les rigoles, avant même d'atteindre les quilles. À la fin de notre première partie, je me retrouve dernière de mon équipe sur l'écran des classements, avec un total de 19 points. Quelques remarques fusent.

— C'est écrit sur son front qu'elle est pas douée pour les jeux de boules, ricane un débile qui est à peine mieux classé que moi.

— Normal, c'est la première fois que j'y joue...

Malgré les encouragements d'Alex et d'autres filles, ma motivation s'est envolée, et ce, dès mon troisième échec.

Une nouvelle partie débute, et quand mon tour approche, la perspective de me taper la honte me fait fuir aux toilettes.

Assise sur une cuvette, j'ouvre l'application de calcul mental sur mon portable. Voilà au moins une chose pour laquelle je suis douée. Les niveaux s'enchainent jusqu'à ce qu'un message d'Alexandra me demandant où je suis apparaisse à l'écran.

Quand je la retrouve, les gens sont déjà en train de récupérer leurs affaires.

— T'as quelque chose de prévu pour nos jours de répit avant la reprise des cours ? s'enquiert ma camarade, en retirant ses horribles chaussures de bowling.

— Rien pour l'instant, et toi ?

— On part en week-end demain, avec mon copain. Ses parents nous ont offert une smartbox pour glander trois jours dans une maison d'hôtes dans la Loire.

— La chance... Ça a l'air super sympa.

J'en deviens presque jalouse. Moi aussi j'aimerais bien passer trois jours entiers avec Charlie dans un joli endroit. Mais c'est à peine s'il me donne de ses nouvelles. Même si je commence à comprendre qu'il n'est pas vraiment du genre à envoyer des messages ou à appeler sans raison, ça ne m'empêche pas d'attendre après lui tous les jours.

Une fois dans le tram, je finis par écrire à Charlie. S'il doit déserter ce week-end, j'aimerais au moins le voir un peu, ne serait-ce qu'une heure ou deux.

Le lendemain matin, je découvre sa réponse parvenue en milieu de nuit.

***

La pluie se remet à tomber juste au moment où je quitte la bouche de métro. Même protégée par mon imperméable, je ne traine pas et me réfugie sous le grand porche du cinéma. Un éclair illumine le ciel, le tonnerre gronde. Cette avenue commerçante, en général noire de monde, est presque vide.

Je compte d'abord les quelques passants qui défilent devant moi avec leur parapluie, avant que mes yeux ne bloquent sur les pavés au sol. Puis un coup d'œil à mon portable m'indique que je patiente déjà depuis un quart d'heure. J'ai pourtant fait l'effort d'arriver cinq minutes en retard.

Un autre type adossé contre une paroi vitrée du cinéma commence à râler, et le fait de ne pas être la seule à poireauter me réconforte un peu.

Au bout de vingt-cinq minutes d'attente, je me décide à envoyer un message à Charlie pour savoir où il est. La séance qu'on avait prévu de voir est déjà passée, mais ce n'est pas ce qui m'embête le plus.

Douce aigreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant