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Tout en écoutant ma mère d'une oreille distraite, je regarde mon écran de télévision, où Jess se dispute encore avec Ingrid au bord de la piscine.
Il fallait s'y attendre, après la trahison de Jonathan, qui est allé flirter avec Ingrid alors qu'il était déjà en couple avec Jessica. Sauf qu'il ne s'est pas montré assez discret, et Sarah a tout vu. Bavarde comme elle est, c'était sûr et certain qu'elle irait tout répéter.

— Et tu as invité tes deux copines du lycée ? demande maman.

— Oui...

En plus, tout le monde sait que Jess est super jalouse.

— Hmm. Avec tout ce monde, le mieux serait de fêter ton anniversaire chez Abigaël et Fred. Nous serons moins à l'étroit qu'à la maison, et ils ont installé une véranda sur leur terrasse. Tu verras, c'est joli comme tout...

Les insultes fusent, puis les filles en viennent aux mains. Dans un excès de colère, ou de comédie, Jessica fait voler sa casquette en l'air, avant de se jeter sur Ingrid. Regarder deux furies à grosse poitrine se battre en maillot trop petit ne m'a jamais paru aussi fascinant.

Heureusement, Enzo est là pour s'interposer.

— Par contre, Tati Gabrielle et les enfants vont repartir le 25 au soir, poursuit maman. Elle s'en veut, mais...

Malheureusement, même avec son corps de rugbyman tatoué, Enzo peine à retenir Jess, devenue ivre de rage. Marc-Antoine, alias Marco, lui vient donc en aide.

— Pauline, tu m'écoutes toujours ?

— Oui, oui... grommelé-je.

— En tout cas, ton père et moi avons hâte de te revoir. Cette dernière semaine va vite passer.

— Oui.

— Et comment se fait-il que tu n'aies pas cours aujourd'hui ?

— Tous mes cours magistraux sont terminés pour ce semestre, dis-je. Et j'ai pas de TD le vendredi.

— Tu as de la chance. Profite bien de ton beau week-end de trois jours.

— Mouais. Faut que je finisse mes fiches de révisions... D'ailleurs, je rejoins Alexandra à la bibliothèque, après manger.

Quand je raccroche avec ma mère, un quart d'heure plus tard, Jess et Ingrid sont redevenues copines, et dansent collées-serrées lors de la soirée « ange et démon ».

À bien y penser, ça semble plutôt sympa d'être payé pour passer ses journées en maillot, à glander dans une villa à Ibiza.

***

Aujourd'hui, et comme les jours précédents, le ciel est chargé de gros nuages annonçant la venue de pluies, ou peut-être de chutes de neige.

La moitié du visage camouflé dans mon épaisse écharpe de laine, je presse le pas jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche de chez moi, dans l'espoir d'y être à l'abri du vent glacial qui souffle depuis la veille.

Le hamburger en néon du fast-food d'en face clignote pour la deux cent cinquième fois, lorsque le bus arrive. Le troupeau de personnes qui patientaient avec moi se rue devant les portes à leur ouverture.

Je monte à bord, sors ma carte d'abonnement, attends que les autres passagers valident leur titre chacun à leur tour, et mon cœur cesse de battre lorsque j'aperçois le trop beau brun. Assis là, avec ses cheveux qui pointent dans tous les sens, et les yeux rivés sur son portable. Difficile de savoir si la multitude d'émotions qui me foudroient trahit ma surprise, ma colère, ma tristesse ou ma joie de le revoir.

Douce aigreurWhere stories live. Discover now