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Trente petites minutes après avoir répondu, un ami de Charlie passe nous chercher au café.

Installée seule à l'arrière, j'observe les bâtiments de la ville défiler dans la nuit, jusqu'à ce que la voiture rejoigne l'autoroute, puis la départementale. Sur le chemin, nous faisons un stop à la station d'essence du coin. Le conducteur sort, et Charlie profite de son absence pour se retourner vers moi.

— Ça va ? demande-t-il.

— Oui... Est-ce que Lydia sera là, ce soir ?

— Pas à ma connaissance. Pourquoi ?

— Non, pour rien...

Je me retiens de pousser un soupir de déception, tandis qu'un sourire étire ses lèvres.

— On m'a dit que vous étiez devenues les meilleures copines du monde, ce week-end.

À moins que je ne me fasse des films, une touche d'amertume vient nuancer son ton a priori amusé.

— La connaissant, elle a dû prendre plaisir à me tailler... J'ai une idée de ce qu'elle a pu te raconter à mon sujet, poursuit-il, mais il faut savoir qu'elle a une assez mauvaise opinion de moi. Après, libre à toi d'écouter ses histoires.

Je m'apprête à prendre la défense de Lydia, quand son ami revient dans l'habitacle. Charlie se retourne, le moteur démarre, et nous repartons.

La voiture emprunte ensuite la Route du Bois du chêne, pleine de nids de poule, pour finir sa course dans l'Impasse du clos. Nous terminons le trajet à pied par un chemin de graviers qui nous mène devant les grilles d'une grande maison.

La terrasse est tout aussi bondée que le salon, et il y a tellement de brouhaha que la musique est à peine audible. Agrippée au bras de Charlie, je le suis à travers la foule et nous retrouvons ses copains installés en cercle sur des coussins au sol. Après avoir fait la bise à huit personnes, dont fait partie Anne-Sophie, nous nous joignons au groupe. Une bouteille de bière m'atterrit dans les mains, et les discussions reprennent.

Au bout d'une heure, je commence déjà à vouloir rentrer.

Je pourrais être à la maison, au chaud dans mon lit, devant une série, avec M. Pingouin et une tablette de chocolat... Mais je suis ici, entourée de gens trop bruyants et trop cools pour moi, à m'ennuyer autant que Charlie fume et boit.

Il est tellement agité et occupé à rire avec ses amis qu'il ne remarque même pas les regards d'Anne-Sophie dans sa direction. J'ai compté, et ses yeux se sont posés sur lui soixante-dix-neuf fois depuis que nous sommes arrivés.

Les deux heures du matin sont passées, mais les gens restent toujours aussi éveillés. Le volume du brouhaha ambiant et de la musique ont augmenté, et seuls les moins endurants sont rentrés chez eux.

Alors que je détaille l'étiquette de ma bière à peine entamée, Charlie glisse un bras autour de mes épaules et m'attire à lui. Sa bouche s'approche de mon oreille où il baragouine un truc que je ne comprends pas, puis il s'affaisse dans mon cou, ivre. Ça n'a rien de romantique, mais de l'extérieur on pourrait presque croire qu'il m'enlace.

C'est bien pour ça que sentir le regard d'Anne-Sophie sur nous satisfait grandement mon orgueil - même si m'afficher en public fait partie des choses que j'aime éviter.

Mais si je pouvais, je me ferais un plaisir d'aller la narguer en lui hurlant que c'est moi que Charlie préfère, que c'est mon copain à moi et que c'est lui le plus beau.

Douce aigreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant