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— Alors, Pauline, t'en es où ? C'est pas en dessinant des zèbres et des girafes que tu vas avancer.

A sa question, Alexandra reçoit un haussement d'épaules.

Par curiosité, je jette un œil à l'écran de son ordinateur et constate qu'une page Word est déjà remplie de caractères. Prise de remords, je m'empare de mon énorme classeur rouge pour commercer à relire mes cours, à la recherche d'un début de réponse à notre sujet de dissertation.

J'ai toujours pensé que rester avec des gens sérieux et travailleurs me motiverait. Mais à part me faire culpabiliser, ce n'est pas vraiment le cas.

Par contre, j'ai appris que les gens sérieux et travailleurs parlent souvent des cours, des profs, des devoirs, des exams... Chaque jour, chaque heure, même le week-end par message...

Au final, je ne sais que peu de choses sur Alexandra, ses gouts, ses passions...

À l'occasion d'une anecdote, elle évoque parfois sa famille, ou son copain avec qui elle vit depuis la rentrée. Et c'est tout.
Et comme je n'ai rien d'intéressant à lui raconter non plus, nous n'abordons pas d'autres sujets. Je suis quand même contente de l'avoir rencontrée, car il m'aura fallu attendre un mois pour me trouver une alliée parmi les centaines d'étudiants de notre promotion.

Alors que je commence à colorier un carreau de ma feuille au stylo, la bibliothécaire se décide enfin à nous chasser de notre table peu avant la fermeture.

Ce soir, à l'exception d'un homme en costume qui lit des articles de journaux sur son portable, l'abribus est désert. Mais surtout, j'ai mes écouteurs, et personne ne se moque de moi.

Le temps de patienter, je suis des yeux les nuages de vapeur qui s'échappent de ma bouche, avant de bloquer sur les petits flocons de neige qui fondent instantanément après avoir touché le goudron.

J'apprécie ce moment avec moi-même, perdue dans mes pensées au rythme lent de la musique dans mes oreilles, jusqu'à ce que le bus arrive.

Une fois assise côté fenêtre, je divague de nouveau puis me mets à compter machinalement le nombre de voitures blanches croisées sur la route. Je décide alors d'entreprendre une étude pour connaitre quelle couleur de véhicule est la plus répandue, même si je devine que le noir et le blanc seront premiers au classement.

Seule l'arrivée d'une personne en face de moi parvient à me sortir de mon hypnose.

Mon coup d'œil est trop furtif pour pouvoir confirmer qu'il s'agit bien du même garçon que la veille.

J'attends que le bus redémarre et quitte l'arrêt, avant de reporter mon attention sur mon voisin. Mon regard croise le temps d'une seconde celui du beau garçon sans doute trop méchant, trop hautain, trop critique et trop sûr de lui.

Il me semble avoir aperçu ses lèvres s'étirer jusqu'aux oreilles. Mes doutes se confirment lorsque j'ose de nouveau poser mes yeux sur lui.

Je lui réponds par un bref sourire, parce qu'il ne serait pas sympa de ne pas lui rendre, puis je tourne la tête vers ma fenêtre.

Je m'efforce de concentrer mes pensées sur le comptage de voiture et tente d'ignorer le regard du brun, qui me picote les joues comme un petit rayon de chaleur. Mal à l'aise, je finis par enfouir mon nez dans mon épaisse écharpe de laine.

Mais quand nos yeux se rencontrent de nouveau dans le reflet de la vitre, le trop beau garçon m'offre un deuxième sourire amusé, presque complice. Des scénarios improbables commencent alors à se jouer dans ma tête.

Douce aigreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant