XVI - Samedi 17 février

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La garage de Mathieu était certainement le garage qui se faisait passer le moins pour un garage de tous les garages existants. Et ce n'était pas qu'un pléonasme : il était meublé, pourvu également d'une minuscule télévision accrochée au mur. Le seul défaut qu'on pouvait lui trouver, c'était qu'il n'y avait pas de chauffage - et encore, la chaleur des corps qui l'emplissaient nous convenait.

J'étais en train de parler avec Jasmine, assise dans un vieux canapé et couverte d'une grosse couverture. Sans Emma ou Ilona à ses côtés, cette fille était vraiment sympathique, sous ses airs de pimbêche. Tu jouais avec Mathieu et des amis de votre lycée au babyfoot, en même temps que vous parliez et hurliez à chaque tournant de votre partie.

- C'est pas une batterie, sous la bâche là-bas ? ai-je remarqué.

Jasmine a tourné la tête pour voir ce que je lui montrais et a soupiré en souriant :

- Oui, elle est à Mathieu. Mais les garçons ont arrêté de jouer ensemble il y a... pff ! quelques mois déjà.

Je l'ai interrogée du regard. Elle s'est légèrement redressée et a désigné d'un coup de tête les joueurs de baby-foot.

- Mathieu, Aubain et Enzo, le mec en pull rouge, formaient un groupe. Enfin, ils jouaient ensemble, quoi. Aubain jouait de la guitare et Enzo de la basse.

- Sérieux ?

Elle a acquiescé en riant et a repris :

- Ils ne faisaient que des reprises, mais ils étaient plutôt bons. C'était plus un passe-temps pour eux ; mais je sais qu'Aubain adorait ça. Genre c'était sa passion, tu vois. Ça m'étonne qu'il ne t'en ait pas parlé.

Je t'ai fixé quelques instants. Tu faisais mine de faire une danse de la victoire avec Mathieu, apparemment vous veniez de gagner votre match.

- Pourquoi ils ont arrêté ?

- C'est... c'est une histoire compliquée. Je sais juste que ça ne leur manque pas tellement, alors ça ne sert à rien de leur en parler, s'est-elle empressée de conclure.

Mathieu et toi vous êtes avancés vers nous et Jasmine s'est tue. Apparemment, ce n'était pas un sujet qu'il fallait évoquer en votre présence.

- Les filles, a annoncé Mathieu d'un air solennel, vous avez devant vous la célébrissime, imbattable et indétrônable doublette gagnante de tout le babyfoot-game, j'ai nommé : Aubain et Mathieu !

Vous avez fait d'indénombrables courbettes, ce qui eut pour effet de nous faire exploser de rire, et vous vous êtes avachis dans le canapé, en prenant bien soin de nous écraser quelques côtes jusque là encore valides.

- Vous voyez les filles, a continué Mathieu en plaçant ses bras autour de nos épaules, vous êtes vraiment chanceuses. Parce que nous savions bien, mon coéquipier et moi, que toutes les femelles de votre espèce sont sous le charme de notre sportivité légendaire. Alors ne soyez pas timides et faites-vous plaisir en nous assassinant de compliments.

Jasmine a levé les yeux au ciel et j'ai répliqué, sûre de mon petit effet :

- Bof, on préfère les musiciens.

J'ai senti ton corps à côté du mien se raidir et vu le visage de Mathieu se tordre dans une drôle d'expression.

- Les sportifs, c'est trop surfaits à mon goût.

Et j'ai tourné la tête vers toi, malgré les supplications muettes de Jasmine qui m'incitait à ne plus rien ajouter.

- Je ne savais pas que vous jouiez de la musique, les garçons.

Aubain (inachevée)Where stories live. Discover now