XIII - Mercredi 31 janvier

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- Regarde et admire.

Tu as inspiré, expiré. J'ai pouffé, et tu m'as assassinée du regard.

- Margaux, il s'agit là d'un geste de maître et je te prierai de respecter cet art.

- Oui, pardon.

Je t'ai donc regardé et admiré lancer une fraise Tagada dans la bouche grande ouverte de Mathieu, assis par terre à cinq mètres du lit, là où nous étions toi et moi. Suite au « geste de maître », vous avez tous les deux commencé à courir dans ta chambre en hurlant, pour atterrir dans le canapé en face de ta télévision.

- Vous êtes des gamins, ai-je soupiré.

- On t'a entendue, traîtresse ! s'est écrié Mathieu en brandissant son poing, tout en t'écrasant de tout son poids sur le canapé.

J'ai juste pioché une fraise dans le paquet que je tenais. Tu t'es débarrassé de Mathieu et tu m'as demandé de te lancer une fraise.

- Je vise hyper mal, ai-je lâché.

- Pourtant tu portes des lunettes.

- Très drôle, Mat, ai-je marmonné.

- Essaye au moins, m'as-tu encouragée.

J'ai soufflé, et ai brandi une fraise. Tu as ouvert la bouche, et j'ai visé et lancé tant bien que mal la fraise. Tu as simplement reculé de quelques pas et contre toute attente, la fraise a bien atterri là où elle était censée atterrir. Mathieu a poussé un cri de triomphe et tu t'es rué sur moi, comme Mathieu l'avait fait avec toi. Le paquet est allé s'exploser sur le sol et je suis partie en crise de rire, mon corps à moitié sous le tien. Tu riais toi aussi, seul Mathieu semblait comprendre la gravité de la situation.

- Merde, les fraises ! Elles sont toutes tombées par terre et ça vous fait rire ?

Tu as roulé sur le côté, me libérant de ton poids, mais j'avais toujours aussi mal au ventre, faute à mes abdominaux qui travaillaient sérieusement, tout comme les tiens.

Lorsqu'on s'est enfin calmé, Mathieu avait déjà ramassé toutes les fraises et avait le regard plongé dans l'écran de son téléphone.

- Qu'est-ce que tu regardes ? lui as-tu demandé, toujours aussi curieux.

Il n'a pas répondu. Tu t'es tourné vers moi, l'air interrogateur, et j'ai haussé les épaules pour te répondre. Puis tu as fixé ta platine, qui tournait et faisait passer Favorite Worst Nightmare. « Balaclava » venait de terminer, et tu t'es levé d'un bond, en tendant la main vers moi pour me relever. A peine ont raisonné dans ta chambre les premières notes de la musique qui suivait que mon sourire était déjà étiré jusqu'à mes oreilles. Et pendant un peu moins de trois minutes, au plus grand malheur de Mathieu, nous avons chanté à tu-tête « Fluorescent Adolescent » en dansant comme des fous, qu'on osait appeler « notre » chanson.

À la fin de la chanson, nous sommes revenus à notre point de départ - ton lit - souriants et essoufflés. Je me suis affalée sur toi, et comme un automatisme, tes bras se sont refermés sur moi. Les miens ont encerclés ta taille et nous sommes restés comme ça durant toute la chanson suivante, douce et mélancolique. On a entendu Mathieu se lever et il nous a fixé d'un drôle d'air pendant quelques secondes, avant de lâcher :

- Dites-le si je vous dérange.

- Pas le moins du monde, as-tu répondu en souriant.

Aubain (inachevée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant