Chapitre 51

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Elle courrait dans un long tunnel sombre à la recherche d'une lumière, d'un son, quelque chose qui la guiderait dans les ténèbres. Le souffle court et la poitrine douloureuse, elle avait la sensation que son coeur allait jaillir de sa poitrine et atterrir directement dans ses mains. Plus elle s'enfonçait dans l'obscurité, plus son corps la faisait souffrir, comme si quelqu'un s'amusait à l'entailler de part en part. L'odeur poisseuse du sang embaumait dans cet air nauséabond. D'ordinaire, ses rêves se situaient toujours dans un contexte bien particulier. Elle voyait des scènes, entendait des voix et sentait une foule d'odeur, mais ne pouvait intervenir. Elle était tel un spectateur attendant la fin de la représentation.

Or, cet endroit sinistre n'était pas une vision de l'avenir. C'était plutôt, une sensation de flottement, un état de stase. Son esprit avait pris le contrôle et son âme se détachait lentement de son corps, afin de refouler le plus loin possible, les souffrances infligées. Elle déglutit tout en frissonnant. Était-elle morte ? S'aventurait-elle vers l'au-delà ? Si c'était le cas, elle aurait dû rencontrer d'autres âmes dans les parages. Elle était seule, irrémédiablement seule. Elle ne parvenait pas à se souvenir du moment où elle avait plongé.

Comme si quelqu'un avait effacé ses souvenirs. Elle fit un pas en avant et tout à coup, son corps se contracta de douleur et elle tomba à genou. Le goût âcre de la bile remonta dans sa gorge, puis son estomac dansa la sarabande. Elle se mit à vomir, encore et encore jusqu'à cracher du sang. Ces spasmes firent naitre des larmes sous ses paupières. Un ricanement morbide explosa dans le silence, se répercutant directement dans son crâne. Elle tenta de se relever. Elle devait avancer, trouver la sortie de ce trou sans fin et s'échapper. Elle ne pouvait se résigner contre la fatalité.

Inconsciemment, elle porta une main tremblante sur son ventre encore plat. Une douce chaleur l'envahit, la réchauffait de l'intérieur. Ses enfants, ils étaient en elle, profondément encrés dans sa chair et ce constat la soulagea un peu. Si elle sentait leurs présences, cela signifiait qu'elle était toujours en vie. Elle devait simplement s'accrocher. Quelqu'un viendrait la sauver.

M'man où es-tu ?

Le son de cette voix grave empreinte d'une pointe de douleur résonna en elle.

Maman, dis-nous où tu te trouves.

Celle-ci était légèrement différente, plus mature peut-être.

Parle-nous, nous pouvons t'aider.

Deux visages flottèrent devant ses yeux. Leurs iris saphir cerclés d'améthystes brillaient tel un phare dans l'obscurité. Elle tendit la main, crachant et toussant à la fois. Des mains apparurent au même instant que deux silhouettes floues. Ses fils se tenaient au bout du tunnel.

Approche vers nous.

Son corps perclus de souffrance refusait de la porter.

Courage, nous allons t'aider.

Viens vers nous M'man.

Je ne peux pas... je ne peux plus avancer....

Bats-toi ! Tu dois faire ta part du chemin.

Elle chassa ses larmes du bout des doigts, serra les dents et se redressa.

Oui avance, continue.

L'encouragement dans leurs voix, la lumière de leur regard l'hypnotisait. Elle chuta encore. La désagréable sensation que tous ses os étaient brisés, traversa tout son corps.

Avance Maman, avance.

Elle ne pouvait plus marcher, néanmoins, elle ne se laisserait pas abattre si facilement. Avec la force de ses bras, elle rampa vers eux, lentement, trop lentement.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant