Chapitre 30

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Grayson venait de rejoindre Draco, assis dans son fauteuil devant la cheminée de la bibliothèque. C'était là sa pièce préférée et il y passait de nombreuses heures à lire et à s'instruire sur la nature humaine. Personnellement, Grayson n'en ressentait pas le besoin. Il connaissait le fond de l'âme humaine et l'exécrait au plus haut point. Les hommes étaient tous mauvais. Il avait eu le temps de s'en apercevoir durant tous ces siècles. Les Terriens ne rêvaient que de pouvoir, de richesse et peu leur importait d'écraser les plus faibles pour obtenir ces choses futiles. Ils se faisaient la guerre, tuaient et massacraient sans une once de pitié ou de remords. Il n'accepterait jamais cela et évitait les humains comme la peste.

Chaque incursion dans leurs vies le rebutait. Malheureusement, il n'avait pas plus le choix que ses cousins. Leurs ennemis se dissimulaient parmi eux et ils étaient de leurs devoirs de chasser et d'éradiquer ces monstres sanguinaires. Il vint s'asseoir près de Draco. Celui-ci leva vers lui ses prunelles d'un vert éclatant. Son visage semblait apaisé et une lueur confiante luisait dans ses yeux. Il sourit à Grayson. Mal à l'aise – comme toujours en sa présence –, Grayson éleva aussitôt une barrière mentale pour protéger ses pensées. Un rire amusé s'échappa des lèvres de Draco.

– Me dissimuler tes pensées est inutile, mon petit. Les ondes négatives que tu dégages sont assez explicites.

Grayson grommela. Un éclat de tristesse passa dans le regard de Draco.

– Tu as perdu confiance en le genre humain et je le comprends.

– À la bonne heure, ricana-t-il.

Draco étudia son visage assombri. Bien qu'il soit le petit-fils de son défunt frère Markus, il l'aimait comme s'il était le sien. Il l'avait recueilli, élevé et choyé, car le petit avait énormément souffert durant son enfance passée dans le clan Sinclair. Grayson était devenu un homme beaucoup trop tôt. Il avait oublié jusqu'à l'insouciance de la jeunesse, se jetant à corps perdu dans le maniement des armes, dans l'apprentissage de ses pouvoirs. Tout cela pour enfin châtier les assassins de sa famille. Il avait réussi au-delà de ses espérances, mais sa vengeance n'avait jamais été réalisée.

Le bourreau n'était autre que lui-même. Il avait châtié ce clan de fous sanguinaires et l'avait privé par la même occasion de sa vengeance. Malheureusement, Grayson affrontait chaque jour ses démons intérieurs et ses peurs d'enfants refaisaient surface dès qu'un deuil les frappait. La vengeance avait un prix lourd de conséquences. Il bloqua le soupir gonflant sa poitrine et reprit le dessus. Il posa ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil et l'interrogea d'un ton qu'il voulait neutre :

– Qu'as-tu à m'apprendre, mon petit ?

En dehors de Draco, personne n'osait le nommer ainsi sous peine de mourir dans la seconde. Draco était son mentor et il l'aimait quelque soit le ton et les paroles qu'il employait envers lui. Il songea un instant à Kara, à son regard dévasté et sa fragilité émotionnelle.

– J'ai retrouvé la compagne de Dale.

Grayson laissa Draco porter ses propres constatations.

– J'ai conscience que cette tâche est délicate pour toi, mais en attendant le retour de Dale, Kara a besoin d'être protégée.

Un rire sarcastique monta en lui. Draco ignorait tout de cette jeune femme, de son caractère et de sa détermination à se couper du monde, à s'éloigner d'eux. Malgré ses efforts, il n'avait su la convaincre du bien-fondé de sa démarche. Il devait la surveiller et la protéger, mais elle le refusait et le craignait. Comment Dale avait-il pu s'amouracher d'une femelle aussi têtue ? D'accord, elle était superbe, rayonnante même, mais cela ne justifiait pas un tel débordement de sentiment. Heureusement, ce n'était pas lui qui avait été frappé par cette malédiction. Pour lui l'amour en était bel et bien une, de malédiction. Comment protéger l'être que l'on était censé aimer de toutes les fibres de son âme alors que les sentiments n'étaient ni plus ni moins qu'une marque de faiblesse, qu'un moyen inéluctable de sombrer dans un gouffre sans fond ? Il se racla la gorge, nouée par des émotions dont il se serait volontiers passé.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant