Chapitre 8

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Dale observait la foule hétéroclite du Sùil Beatha. Les humains et les Atridès se retrouvaient dans ce no man's land. Les uns ignoraient la nature cruelle et impitoyable des autres. Pourtant, ils discutaient, buvaient et riaient ensemble. Bien entendu, les Atridès ne montraient jamais leur véritable visage à leur proie potentielle. Ils étaient tous d'une beauté si stupéfiante que les humains, femmes et hommes confondus, ressentaient une profonde attirance envers ces monstres.

Assister à ce débordement d'hormone lui donnait la nausée et personnellement, il mourrait d'envie de trainer ces rebuts de magie noire à l'extérieur et d'abréger leur misérable existence. Malheureusement, cette envie resterait ce qu'elle était. Sellan, le propriétaire du Sùil Beatha – et accessoirement druide du clan Campbell – avait édicté plusieurs règles et personne n'osait les enfreindre de peur d'être expulsé du club, mort ou vif. Les foudres de Sellan étaient presque légendaires. Un jour, il avait grillé sur place un Atridès ayant eu le culot de boire au cou d'une humaine dans son club.

Ce souvenir amena un sourire sur les lèvres de Dale. Malgré toutes ses protestations, Sellan avait l'âme d'un barbare. Dale adorait le taquiner sur ce point de sa personnalité. D'autant que lui et les siens ne craignaient pas ces mesures ridicules. Les Drakions étaient devenus un mythe. Le sujet d'histoire effrayante pour les enfants Atridès et cela leur permettait de chasser ces monstres tranquillement. Seul Riwan connaissait leur existence et quelques Atridès de son entourage. Pour les autres, ils étaient tous morts depuis des siècles. Or, c'était une réalité que Dale ne pouvait nier. Sa race était sur le point de s'éteindre définitivement.

Agacé, il saisit son verre de bière posé sur le comptoir et sirota une gorgée en surveillant d'un regard acéré un couple assis au fond de la salle. D'un simple battement de cil, il aurait pu expédier ad patres l'Atridès penché sur l'humaine. La voir sourire ainsi le rendait littéralement malade. Quelle pitié de devoir protéger ces imbéciles sans cervelle de la lie des Atridès, songea-t-il. Il détourna la tête, dégouté, en fixant son reflet dans le miroir du bar. Ses yeux avaient pris une teinte sombre, presque noire. Un muscle tressautait sur sa mâchoire contractée.

À cet instant, il ressemblait plus à un sauvage qu'à un homme ordinaire. Si seulement, il n'était pas aussi perturbé par Kara, il aurait été capable de réfléchir correctement. Ses projets afin de se rapprocher d'elle, étaient eux en bonne voie de réussite. Même si sa conscience le taraudait. Ses mensonges le conduiraient beaucoup trop loin et vivre dans cet état d'esprit lui rongeait l'âme. Son humeur massacrante atteignait son summum ce soir. Il grimaça en songeant à son implication dans les projets houleux de son père. Doryan voulait se servir de Kara dans le but de combattre leur ennemi en sachant parfaitement qu'elle mourrait en utilisant ses dons à forte dose. Pour lui, elle n'était qu'un dommage collatéral dans une guerre sans fin, rien de plus.

Au départ, il n'avait pas protesté. Le clan avait lui aussi sacrifié beaucoup de vie. A leur tour, les Salvis devaient payer le prix du sang, un but noble selon Doryan. Ses frères ainsi que Grayson avaient rejeté d'emblée cette solution. Ils étaient des guerriers et non des assassins dépourvus de conscience. Lui, il était resté impassible, presque indifférent. Mais en rencontrant la jeune femme, quelque chose avait changé en lui. Elle avait ouvert une brèche dans son coeur et il s'en voulait à mort de devoir l'utiliser, de la placer face au danger, à la mort et plus encore de lui mentir sans aucun scrupule. Il était un salaud de la pire espèce et Kara avait raison de le repousser.

Sa méfiance à son égard était bien réelle et elle touchait un point sensible chez lui. Bon dieu, il était l'Alpha et ne devait strictement rien à son père ! Jamais, il ne laisserait Kara périr au nom d'une cause chimérique. Son devoir était de la protéger, pire, il ne supporterait pas de la perdre.

Sombres Héritages-1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant