CHAPITRE TROIS :
" First Draft "
>> Point de vue de Jade
Depuis mon adolescence, j'avais appris à ne pas avoir de regrets. Ma mère me disait souvent que si je faisais les bons choix, il n'y aurait pas de place pour les regrets. Et, il est vrai que je n'avais pas à me plaindre, j'avais été choyée comme une enfant unique et mes parents m'avaient enseigné des valeurs fortes. Mais derrière ces algorithmes de choix et cette vie parfaite, j'avais rapidement conclus que les regrets étaient les seules choses qui vous rendaient vivant.
J'étais affalée sur mon petit lit et assommée par deux gros bouquins sur les cellules humaines. Dans la vie, je n'étais pas trop la nana qui sortait chaque soirs jusqu'à pas d'heure, j'étais plus le genre de nana qui appréciait d'être chez elle au calme. Mes parents et moi habitions en plein centre ville de Londres dans un vaste appartement au sommet d'un building typiquement anglais. Mon père occupait le poste de Neurochirurgien à l'hôpital central de Londres et ma mère était infirmière dans le même hôpital. Leur idylle était née entre les malades, les tables de réanimations et les murs blancs.
J'avais raconté mon épopée d'artiste à me proclamer dessinatrice à Shirley et depuis elle m'avait harcelé par téléphone sur le fait que Harry était la prochaine erreur sur ma liste. Shirley avait l'esprit ouvert, mais elle pensait que cette histoire ne se terminerait pas bien. Personne ne pouvait prédire la fin de cette histoire mais au fond de moi, j'avais l'ultime conviction qu'il fallait que je l'écrive. Shirley, au téléphone, était aussi revenue à la charge par rapport à sa soirée de zoulous. Après de multiples excuses, j'avais finalement accepté de l'accompagner à la soirée de son ami près des docks de Camdem. Les aiguilles de ma montre affichaient 21h30, et je savais que la petite blonde n'allait pas tarder à débarquer. Mes parents étaient de garde une fois de plus cette nuit, je vivais à travers leurs fantômes.
Je refusais d'entendre que les étudiantes en médecine n'avaient pas de vie et ne savaient pas s'amuser. Je me dépêchais d'enfiler une petite robe noire en coton qui s'arrêtait un peu au dessus du genou et surtout d'essayer de construire une chose potable avec mon imposante chevelure. Après avoir passé quelques coups de mascara sur mes longs cils et décoré mes lippes d'un rouge vermillon, je quittais l'appartement le cœur en trombe.
Je retrouvais Shirley en bas de mon immeuble, elle était adossée à ce lampadaire comme tout les Vendredi. Une cigarette était postée entre ses fines lèvres et son esprit semblait fixer le vide. Je lui tapotais l'épaule avant de lui offrir un sourire sincère.
- Hé mais Jade, on va pas au bal, c'est Camdem, pas Nothing Hill ! Se moqua t-elle
- Et bien, je serais la plus belle pour aller danser alors. Plaidai-je en souriant
Il est vrai que je n'avais pas forcément tout de suite tiquer, mais le quartier de Camdem n'était pas forcément réputé pour ses strass et paillettes, c'était plutôt dans le genre doc's marteens et vestons en cuir. Shirley portait un simple jean slim vert kaki et des petits bottines en cuir mais elle restait élégante en toute circonstance. Nous nous pressâmes de monter dans un bus en direction du quartier le plus populaire de la capitale. Mais encore une fois, je n'avais pas peur de relever le défi.
Lorsque je commençais à avoir des difficultés à marcher correctement sur les pavés de Camdem, je compris que nous étions arrivés. Les Dock's de Camdem était un endroit réputé pour ses concerts de rock, ses nombreux salons de tatouage, ses innombrables boutiques punks et j'en passais. J'avais pris soin d'enfiler un petit blaser de saison car les températures hivernales ne me feraient aucun cadeau. Shirley me prit par le bras et me poussa à nous aventurer à travers une grande foule. La fête se situait non loin du fleuve de la Tamise, et le côté portuaire donnait son charme à l'endroit.
La soirée avait déjà commencé lorsque mes oreilles bourdonnèrent au rythme de la musique rock, qu'un groupe local jouait sur scène. Shirley était à l'aise dans ce genre d'environnement, moi un peu moins. Ses petits mains me guidèrent jusqu'à un chapiteau ou ils vendaient de la bière. Le breuvage du guerrier. En quelques minutes, elle nous commanda deux grandes pintes de blanche. La petite blonde se retourna pour trinquer avec moi, c'était notre rituel.
- Alors, finalement, cette histoire avec Harry, tu as accepté son offre ? Me dit t-elle en buvant une gorgée de sa bière
- J'avais pas le choix, si je lui avais dit non, il m'aurait probablement prise pour une faible. Plaidai-je pour ma défense
- C'est quand même un truc de fou j'trouve, genre toi, Jade Powell, tu vas apprendre à dessiner avec Harry Styles ! Renchérit La blonde en souriant
- On va juste dessiner et ça s'arrête là, Shirley. Continuai-je en sirotant ma bière
Elle me donna un coup de coude qui en disait long. Je savais très bien ou elle voulait en venir et de côté là, j'étais rodée. J'avais 19 ans, et mon tableau de conquête était assez simple à résumer puis ce qu'il se comptabilisait à une personne : Louis Tomlinson. En vérité, je ne savais pas si je devais le compter comme un flirt ou comme une véritable relation. Notre idylle n'avait duré que quelques mois et s'était terminée aussi vite qu'elle ne s'était crée. Shirley nous guida jusqu'à un petit banc près d'un grand arbre.
- Et ça s'arrête là ? Repris Shirley en souriant malicieusement
- Oui, qu'est ce que tu veux qu'il se passe ? Objectai-je incomprise
- Je sais pas, il pourrait peut-être être tenté de voir ce qui se cache sous cette petite robe noire. Se moqua t-elle en me chatouillant le bras
- Il peut toujours rêver. Grommelai-je en levant les yeux au ciel
J'avais reçue une éducation stricte de la part de mes parents et le sexe avait toujours été tabou entre nous. Le fait est, qu'ils espéraient secrètement que je reste vierge et innocente jusqu'au jour de mon mariage mais je n'avais jamais pris le temps de penser à ce genre de chose. Shirley roula les yeux au ciel en me pinçant légèrement le bras. Elle me disait que je devrais essayer de coucher avec un garçon pour le fun, mais je n'en voyais pas l'utilité et secrètement j'espérais pouvoir garder ma virginité pour le '' bon '' comme disent les trois quarts des filles célibataires.
La fête battait son plein et pas mal de monde commençait à affluer sur les lieux. C'était une fête en plein air et le cadre était idéal pour attirer du monde. Une péniche était plongée et nichée près des quais rendant le cadre atypique. Je sentais le rouge me montait aux joues après avoir siroté ma quatrième pinte de bière. Shirley s'amusait à danser sur place au rythme des guitares électriques. C'était son élément, en ce qui me concernait, j'avais préféré rester en retrait et pouvoir observer la foule tranquillement. J'étais adossée contre cet énorme tronc d'arbre lorsque mes pupilles butèrent sur une importante chevelure bouclée. Aussitôt, mon muscle central s'emballa et mes doigts se crispèrent autour du gobelet de bière.
- Pas lui. Soufflai-je
Il venait d'arriver sur les lieux et tentait de parcourir la foule vers le chapiteau à bière. Il était accompagné du basané de cette après-midi ainsi que de trois autres personnes. Alors que Shirley s'amusait à pogoter avec des zoulous de première classe, moi mes yeux ne le lâchaient plus, tapis dans l'ombre. Il portait son habituel slim noir déchiré au niveau de ses articulations et il avait troqué sa chemise blanche contre un large t-shirt noir et une veste en cuir. Le noir le rendait réellement sexy à souhait. Un sourire innocent se cousu à la commissure de mes lèvres lorsque je le vis s'accouder au comptoir pour commander des bières. La musique retentissait toujours plus fort et rendait l'ambiance électrique.
Serviable, il ramena les bières à ses amis, assis plus loin le long d'un grand banc en bois. Parmi la foule, j'arrivais à reconnaître la barbe de Zayn, il était planté à côté d'une grande demoiselle. Les cheveux de cette inconnue étaient outrageusement long et d'un noir corbeau. Ses grands yeux étaient cernés de noirs et ses lèvres pulpeuses portaient un rouge criard. À contrario de son look complètement provoquant, je ne pus m'empêcher de la trouver très belle. Elle avait le visage fin et malgré ce maquillage outrageux, son visage traduisait une innocence certaine. Deux autres garçons se tenaient près d'elle, un petit blond tatoué à souhait ainsi qu'un brun un peu plus trapus. Je fus étonnée de voir que Harry n'avait pas pris de bière. Qui diable ne bois pas en soirée ?
- Complètement à l'ouest le gars. Murmurai-je à moi-même
Le bouclé s'était assis au bout du banc et il s'affairait à rouler une sorte de cigarette sur ses genoux. Je crus régurgiter l'ensemble de ma bière que j'étais en train de siroter quand je vis la grande brune se lever et se planter sur les genoux du bouclé. La science n'expliquait pas non plus pourquoi ma gorge se serra subitement. Je sentais la pulpe de mes doigts froissait le gobelet en plastique que je tenais dans ma main.
La brune passa son bras autour du cou du bouclé avant de lui susurrer quelque chose à l'oreille. Lorsque je vis le sourire de Harry naître sur ses lèvres, un sentiment de jalousie inexplicable s'empara de moi. Aussitôt, je détournais le regard en écarquillant les yeux pour me concentrer à nouveau sur Shirley et ses pas de danse douteux. Malgré le fait que Shirley dansait comme un manche à ballet et qu'elle était affreusement drôle, je n'arrivais pas effacer cette image de mon esprit. Étais-ce sa petite-amie ? Étais-ce cette fameuse Lola ?
- Viens danser ! Cria Shirley à travers la foule
Je lui fis signe de me laisser tranquille avant de me planter un peu plus contre l'écorce du tronc d'arbre. La danse était un mot proscrit de mon vocabulaire. Je portais le gobelet en plastique à mes lèvres et après quelques secondes, je me rendis compte que je venais de terminer ma quatrième bière. En soupirant, je jetais le gobelet dans une poubelle non loin avant de me frayer un chemin parmi ces rockeurs déchaînés. Il n'y avait qu'un seul chapiteau de bière et pas mal de monde commençait à être assoiffés. Après avoir esquivé une multitude d'aisselles en sueur, j'arrivais à bon compte.
- Une bière s'il vous plaît. Demandai-je en déposant un billet de 5£
Le petit roux derrière le comptoir du chapiteau s'empressa de remplir un énième gobelet avant de me le déposer et de me rendre la monnaie. Mes joues semblaient rosies et je sentais une fine couche de sueur s'immisçait à la naissance de mon front car j'avais chaud. Je n'eus le temps de me retourner que je butais contre quelqu'un et je faillis renverser l'intégralité de ma bière sur ma robe. De ma petite taille, je relevais la tête pour découvrir sa jungle de boucle devant moi. Un léger sourire était cousu à la surface de ses lippes.
- Pousse toi. Ordonnai-je froidement
- Qu'est ce que Madame Anti-Tattoo fait ici et avec une bière à la main en plus ? Demanda t-il en ricanant
Il s'empressa de s'accouder contre le comptoir du chapiteau et ses orbes jades me toisèrent de haut en bas. Je n'étais pas prête à lâcher l'affaire, je plantais mon regard dans le sien. La brise hivernal effleura mes jambes me faisant frissonner. Il sortit une cigarette artisanale de sa poche avant de la poster entre ses lèvres rebondies. Rapidement, il l'alluma avant d'extirper un épais nuage de fumée d'entre ses lippes. Harry avait toujours ce stupide sourire scotché à ses lèvres ce qui avait le don de m'agacer.
- Je m'amuse, et je ne te dois rien. Renchéris-je sur un ton sarcastique
- T'as vraiment l'air de t'amuser, toi et ta bière. Continua t-il sur une voix rauque
Je fredonnais un inaudible '' Ta gueule '' avant de lever les yeux au ciel. J'allais me retourner pour rejoindre Shirley mais sa voix me retint sur place.
- Demain le shop est ouvert, tu peux passer si tu veux. Proposa t-il sur un ton grave et calme
Mes pieds butèrent contre l'asphalte du sol et le son de sa voix me procura un long frisson. Finalement, je me retournais à nouveau pour lui faire face. L'espace d'un instant, mes orbes s'attardèrent sur sa cigarette qui était en train de se consumer entre ses lèvres.
- Ma vie ne tourne pas autour de toi Harry. Lançai-je en arquant un sourcil
- Je pense bien, mais plus vite tu sauras dessiner, plus vite tu pourras me tatouer. Conclua t-il avant d'écraser sa cigarette au sol.
- Tu sais l'idée de te tatouer quelque chose d'horrible me convient très bien aussi. Renchéris-je en souriant bêtement
- Elles ont toute le même sarcasme que toi les nanas en médecine, ou c'est juste toi ?
Je soupirais à cette énième remarque avant de lever mon verre au ciel en guise d'adieu. Aussitôt, je me retournais et avant de disparaître dans la foule, je crus entendre : '' à demain Jade. '' Sa voix était un élément de sa personne qui avait le don de vous faire frissonner. Les tonalités de sa voix étaient basses, rocailleuses et terriblement sensuelles et contre attente, elles ne me laissaient pas indemnes.
Samedi après-midi, Carnaby Street, le tsunami dans les rues. Généralement, j'évitais de sortir en ville en pleine après-midi pour éviter de finir assommer par les touristes. Mais ce jour-là j'avais un but bien précis. Je ne voulais pas baisser les bras et j'errais bêtement dans la rue du salon de tatouage LONDON TATTOOS. Il m'était arrivée de passer plusieurs fois devant la boutique afin de faire un peu de repérage à travers les grandes vitres du salon. Les rues ce jour-là étaient bondées, j'étais couverte. Je fus interrompue dans ma quête aux informations lorsque je sentis mon téléphone vibrait dans la poche arrière de mon jean.
De : Shirley
Tu portes une culotte Jade ? On couche pas après le premier dessin, tu le sais n'est-ce pas ? xx Shirley
Je ne pus m'empêcher de rire avant d'enfouir mon téléphone dans la poche de mon jean. Les aiguilles de ma montre affichaient 14h23 et par acquis de conscience je me donnais le défi de rentrer à l'intérieur à 14h25. Ne cherchez pas, c'était un vieux tique. Et lorsque les deux minutes furent écoulées, je me dirigeais la poitrine bombée vers l'entrée du salon. Lorsque mes mains s'emparèrent de la poignée de la petit porte, je sus que je ne pouvais plus faire marche arrière. Je devais assumer. Je fus accueillie une troisième fois par cette douce odeur de cannelle qui apaisa mes sens. Zayn était assis sur un grand tabouret derrière le comptoir noir et lorsqu'il me vit entrer, un sourire se cousu sur ses fines lèvres.
- Hi. Le saluai-je timidement
- Salut Jade, tu vas bien ? Demanda t-il en m'observant
- Comme un Samedi après-midi dans un salon de tatouage. Ricanai-je
- Hm, ça pourrait être pire. Renchérit t-il
Il était en train de dessiner une cigarette à la main. Les températures s'étaient refroidies et le métis portait un bonnet en laine rouge cassis. Je m'approchais timidement du comptoir et je pris le temps de le détailler. Sa peau était caramel sous la multitude de tatouage qui recouvrait ses bras dénudés. Il faisait bon à l'intérieur du salon, raison pour laquelle je retirais mon petit veston.
- Je cherche Harry, il m'a dit que je pouvais passer ici aujourd'hui. Annonçai-je en fixant le métis
- Il est en train de tatouer une personne, il a bientôt finit. Continua t-il en restant fixé sur son dessin
- Ohw très bien. Tu dessines quoi ? Demandai-je inopinément pour éviter les blancs
- Un dragon japonais. Rétorqua t-il concentré
- Oh. Soufflai-je à peine
Ses coups de crayons étaient fins et minutieux sur le papier. Je tapotais mes doigts contre la surface laquée du comptoir en scrutant chaque angle du salon. Derrière le comptoir se trouvait un petit atelier ou se trouvait un ordinateur portable, une cafetière ainsi qu'un petit réchaud. Lorsque le métis comprit mon agacement, il se stoppa et déposa son crayon de papier.
- Tu veux du thé ? Me proposa t-il
- Hm, oui, pourquoi pas. Avouai-je à demi-mot
Il se contenta de sourire. Zayn était ce genre de personne qui était constamment joyeux. Il se leva et se dirigea en traînant des pieds vers le petit réchaud à l'arrière du comptoir. Le métis n'était pas épais mais il possédait un charme malgré tout.
- Menthe ou Camomille ? Rajouta t-il en me montrant les deux emballages de thé.
- Camomille, s'il te plaît. Concluai-je
Du coin de l'œil, je vis qu'il avait mis de l'eau à bouillir dans une petite casserole. Il revint s'accouder contre le comptoir en face de moi en attendant que l'eau chauffe. En soupirant, il passa une main dans ses cheveux ébènes.
- Harry m'a dit que tu étais à la soirée au Dock's hier. Déclara t-il en me fixant
- Oui, j'y étais avec Shirley, c'est elle qui m'a un peu obligé à y aller. Déclarai-je simplement
- Obligée ? Tu ne t'ai pas amusé ? Me demanda t-il surpris
- Si, si. C'est juste que ce genre de soirées c'est pas trop... Rétorquai-je en cherchant mes mots
- Ta tasse de thé. Me coupa t-il pour répondre à ma place
J'acquiesçais timidement alors qu'il se redressa pour aller chercher deux tasses dans un des petits placards noirs. Dans la foulée, il vida le contenu de l'eau bouillante dans nos deux tasses respectives avant d'y plonger nos sachets de thé. Il m'apporta mon met avec un demi-sourire sur ses lèvres.
- Tiens, camomille. Déclara t-il en me tendant la tasse
Je n'eus le temps de le remercier que je vis une jeune femme apparaître à travers les franges rouges de la porte qui mène à l'arrière boutique. Son avant-bras était complètement recouvert d'un épais filme transparent me laissant croire qu'elle s'était faîte tatouer à cet endroit. Mon cœur n'eut non plus pas le temps de rebondir quand je le vis apparaître derrière la jeune fille. Il avait attaché ses cheveux dans un chignon désordonné ce qui semblait être un rituel lorsqu'il tatouait quelqu'un. Il tapota l'épaule de Zayn avant de planter ses iris dans les miennes. Automatiquement, un sourire timide se dessina sur ses joues.
- Tiens tiens, Madame Anti-Tattoo et qui boit de la bière est ici aujourd'hui ? Déclara t-il en me fixant
- Bien que je préférai être chez moi. Objectai-je froidement
La jeune fille paya ce qu'elle devait avant de sortir du salon de tatouage. Je portais la tasse de thé à mes lèvres en évitant de me brûler.
- Tu veux passer derrière avec moi, ou tu préfères rester ici ? Demanda t-il inopinément
Je vis Zayn sourire malicieusement dans sa barbe ce qui eut le don de m'agacer. Je déposais ma tasse de thé sur le support du comptoir avant de planter mes iris azurs dans ses émeraudes.
- Derrière. Répondis-je simplement.
Aussitôt, il se retourna pour passer à nouveau à l'arrière. Avec ma tasse de thé en main, je le suivis bien que je commençais à connaître le chemin par cœur. Quand je fus rentrée à l'intérieur de la pièce, je reconnus à nouveau son parfum qui flottait dans l'air. Je le vis ranger tout un tas de croquis sur son petit bureau d'angle en bois. Il empila minutieusement ses croquis en faisant un tas pour débarrasser la surface du bureau. Il prit place sur son fameux tabouret à roulettes avant d'aller en extirper un autre qui se trouvait sous le bureau.
- Approche toi. Proposa t-il calmement
Je déposais mon sac à main sur le sol non loin de la porte et accrochais ma petite veste sur un des crochets du mur. En tapotant sur mes cuisses je pris place sur le petit tabouret près de lui. Mes narines furent rapidement titiller par l'odeur de son parfum. Il sortit des feuilles vierges du tiroir du bureau avant de les déposer sur le bureau en face de moi. Il approcha par la suite plusieurs petits pots ou y étaient plantés des tas de crayons de toutes les couleurs. Je rapprochais mon tabouret de son bureau d'angle pour être plus à l'aise. Il rapprocha le sien du bureau pour pouvoir suivre ce que je faisais.
- Ok, Jade, dessine moi quelque chose. Commença t-il en me fixant
- Quoi ? Repris-je surprise
- Dessine-moi quelque chose. Repris t-il sur une voix basse
- Pourquoi ? C'est toi qui est sensé me montrer comment dessiner. Objectai-je
- Je veux évaluer ton niveau. Se défendit t-il en souriant
Comment pouvait t-il rester aussi calme en tout circonstance ? Ce mec était Bouddha réincarné, j'en étais certaine. Je soupirais une énième fois avant de m'emparer malgré moi d'un stylo au hasard dans un des pots.
- Pourquoi tu as choisi ce stylo ? M'interrompit t-il
- Je ne sais pas, je m'en fous Harry, j'y ais pas réfléchi. Rétorquai-je agacée
- Tu as tord, le choix du crayon est important, c'est ce qui va donner du caractère à ton dessin. Repris t-il en me toisant intensément
Je crus sentir le rouge me monter subitement aux joues. Mes prunelles s'attardèrent sur chacun des détails de son visage durant quelques secondes. Aussitôt, il prit un autre stylo dont la mine était beaucoup plus fine et me le tendit. Sans réfléchir, je m'emparais de ce crayon de papier avant de me reconcentrer sur ma feuille vierge. Mon esprit était tourmenté à l'idée faire un choix cornélien entre le fait de dessiner une vue en plongée d'une pompe artérielle ou de dessiner le l'os du cubitus.
Après quelques secondes d'hésitation, j'optais finalement pour le cubitus qui me semblait être le plus simple. Je commençais à croquer lentement et à faire danser la mine du crayon sur la surface du papier. Je n'osais pas détourner le regard de ma feuille car je savais pertinemment qu'il était entrain de m'épier dans les moindres détails.
- Tu dessines quoi ? Repris t-il
- Un cubitus. Rétorquai-je concentrée
- Un cubi quoi ? Demanda t-il surpris
- Le cubitus, l'os de ton avant-bras. Répétai-je agacée
- Ah, ouais, d'accord. C'est intéressant. Se moqua t-il
Je soufflais pour essuyer sa remarque et lorsque je posais à nouveau les yeux sur ma feuille, je me sentais fière de l'esquisse technique que je venais de produire.
- Ok, maintenant dessine moi quelque chose que tu ne sais pas faire. Continua t-il en se pinçant la lèvre inférieure
- Comme quoi ? Demandai-je étonnée
- Je ne sais pas, dessine moi une fleur par exemple. Proposa t-il
- Une fleur. Répétai-je ennuyée
Je pris une seconde page vierge et je commençais un croquis d'une rose parce que c'était la seule fleur que j'arrivais à visualiser dans mes souvenirs. Et c'est à ce moment précis que je me rendis compte que j'avais affreusement du mal à mettre en forme mon dessin. En vérité, ça ne ressemblait pas à une rose, mais plutôt à une sorte de plante ayant été écrasée par un tank de guerre. Je fus rapidement agacée et je déposais le crayon sur le bureau en soupirant.
- Tu vois, ce n'est pas si simple que ça. Rajouta le bouclé
J'allais lever les yeux une énième fois au ciel mais je fus surprise de le voir se lever et se placer dans mon dos. Ma gorge se serra lorsque je le sentis se pencher au dessus de mon épaule gauche. Il m'encercla de ses deux grands bras et de sa main gauche il attrapa un crayon de papier. Son parfum fut oppressant aux extrémités de mes narines ce qui me déstabilisa. Quelques-unes de ses boucles retombèrent légèrement à la surface de mon cou me faisant frissonner.
- Prends ma main. Ordonna t-il un peu plus fermement
Je fus surprise par la tonalité de sa voix encore plus grave qu'à son habitude. Sans réellement réfléchir, j'emprisonnais sa main autour de la mienne et il commença par redessiner les contours de ma rose. Plus les coups de crayons allaient, plus ma main tentait de suivre son rythme. Je pus remarquer qu'il avait de grandes mains comparées aux miennes. Sa mâchoire était adjacente à la mienne et ses lèvres à seulement quelques centimètres de ma joue gauche. Tout comme la veille, ce contact me gêna.
- Premier règle, avant de te lancer dans un dessin, il faut que tu visualises correctement ce que tu vas dessiner. Expliqua t-il sur une voix rocailleuse.
Il appuya plus fermement sur la pointe du stylo pour dessiner la tige de la plante. Mes pupilles étaient focalisées sur la pointe du crayon qui dansait contre le papier. Lorsqu'il retira sa main, je fus impressionnée sur le fait que ma rose avait retrouvé des couleurs. Je le sentis se redresser et la connivence de son parfum abandonna mes narines. Le bouclé retrouva sa place initiale sur son tabouret près de moi avant de s'adosser contre le mur derrière lui. Je sentis ses pupilles me brûler intensément et il n'y avait rien que je pouvais combattre, j'étais livrée à moi-même.
- Dis moi Jade, tu aimes ce que tu fais dans la vie ? Demanda t-il en me fixant sérieusement
- Oui, pourquoi ? Repris-je inopinément
- Je sais pas, ton regard est éteins, tu respires pas la joie de vivre. Continua t-il en me toisant
Aussitôt, je me levais du tabouret pour m'emparer de ma veste en cuir grise sur le crochet. Je n'étais pas venue ici dans le but de lui faire pitié mais plutôt de tenir ma parole. Il arqua un sourcil surpris par ma réaction. Quelque chose d'étrange brouillonnait en moi et je pouvais comparer mes jambes à de la guimauve.
- J'ai dit quelque chose de mal ? Repris t-il en passant une main dans ses boucles
- Non, je ne suis pas venue ici pour parler de ma vie. Objectai-je en entourant mon cou de mon écharpe en laine
- C'est mal de parler ? Demanda t-il en souriant légèrement
- Avec toi oui, c'est sans intérêts. Concluai-je amérement
- T'es incroyable Madame Anti-Tattoo. Ta vie doit être bien triste. Se moqua t-il
- Pas autant que la tienne je présume, vu que tu as du temps à perdre pour des filles malheureuses comme moi. Grommelai-je
Après avoir enfilé mon bonnet grenat et embarqué mon sac à main le long de mon bras, je sortis en trombe de la pièce. Je fis un rapide signe de la main à Zayn avant de sortir à vive allure. L'air s'était rafraîchie dans les petites rues commerciales. En remontant les pans de mon écharpe le long de mon nez, je pressais le pas jusqu'au prochain arrêt de bus. C'était mon premier cours de dessin avec lui et j'avais déjà l'étrange impression que mon petit monde était en train de trembler sous le poids de ses iris. Putain de Styles.
FIN DU CHAPITRE TROIS.