Sang Bleu : La malédiction d'...

By AubeDunMonde

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Au Royaume de Merebor, Ray est encore une jeune femme pleine d'audace et rêvant d'aventures. Mais derrière ce... More

Prologue
01 - Le Monde De Ray
02 - Un Sort Obscur
03 - Histoire D'un Peuple
04 - La Guilde de Bosaria
05 - Le Nébuleux
06 - La Forêt de Béodème
07 - Lune de Sang
08 - Les Marais Brumeux
09 - L'Ordre Écarlate
10 - Entre Ombre et Lumière
11 - Au Vent du Large
12 - La Quête Des Assassins
13 - Sang Et Larmes
15 - La Chasse au Pirate
• Annexe 1 : le Royaume et les Mages •
Prologue Partie II
16 - Vers de Nouveaux Horizons
17 - Sous les Bannières des Forbans
18 - Le Palais D'Émeraude
19 - L'Empereur Des Océans
20 - En Eaux Pirates
21 - Un Honneur à Gagner
22 - La Cour de Bosaria
23 - Abysses Insondées
24 - La Noirceur des Flots
25 - L'Éveil De L'Âme
26 - Fouilles
27 - Landoria
28 - L'île aux Secrets
29 - Sous la Surface
30 - Le Laquais aux Gants Blancs
31 - Les Rebelles
32 - La Révolte de Delrin
33 - Les Crocs de l'Est
34 - Cristaux Pourpres
35 - La Cité Des Vengeances

14 - Le Bal Masqué

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By AubeDunMonde

Ils traversèrent la surface de l'eau et sombrèrent dans ce monde parallèle au leur, aux masses bleues agitées. Le temps d'une seconde avait du s'écouler, mais il lui sembla qu'une éternité se pressait au porte de sa conscience submergée par un flot d'émotions différentes. Son corps défait dans les profondeurs froides sous l'ombre du Nébuleux, ressentait à travers ses yeux semi-ouverts, qui perçurent le soleil cisaillant la surface tumultueuse de rayons ondulants. Ses oreilles bourdonnèrent au chant de l'océan.

Puis le jeune homme entra dans sa vision et le présent la rattrapa de sa glaçante réalité. Ses mèches noires et lisses nageaient autour de sa figure claire.

Seff lui attrapa le poignet et tout s'accéléra dans leur remontée. Ray retient son souffle encore quelques instants et ils refirent soudain surface à l'ombre d'une coque d'un long navire guerrier. Elle haleta avec peine, écartant les cheveux moites et froids collés devant sa vision, dans une expression crispée par l'eau glacée. Le jeune homme toussa, le front plissé.

- Dépêchons-nous, souffla-t-il en nageant silencieusement vers l'arrière d'un autre voilier. Ils sont peut-être déjà à notre recherche.

Reprenant un visage composé, elle le suivit diligemment. Malgré sa peur, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir de l'excitation. La jeune femme eut une esquisse de sourire face à cette impression de délivrance qu'elle n'avait pas ressentie depuis bien longtemps. Elle avança de ses membres engourdis, atteignant le dos d'une barque. Quelques clapotis accompagnèrent leur présence.

Les deux jeunes gens se risquèrent à glisser un regard vers le port. Des soldats patrouillaient de long en large. Aucune trace des rebelles. D'un hochement de tête, ils s'entendirent pour continuer à chercher un endroit plus à couvert.

Tels deux fantômes revenant des abysses mortuaires, ils avançaient entre les brumes qui léchaient la surface de leurs bras tentaculaires.

Arrivés non loin de petites bicoques sur pilotis aux airs délaissés, ils sortirent et grimpèrent sur les planches de bois. Se couvrant de quelques capes oubliés dans la cabane de pécheurs, ils quittèrent les lieux sans demander leur reste.

***

Le jeune combattant au visage sombre et mystérieux comme à son habitude, dévisageait la nuit face à la ville et ses multiples lumières vacillantes. À ses cotés, Ray était accroupie sur le bord d'un toit, habituant sa vision aux ténèbres de la nuitée.

- Tu es sûre ? demanda à nouveau Seff, le front plissé.

- Oui. Comment pourrait-je partir ainsi de ma ville natale, telle une voleuse... Il faut que je la vois une dernière fois, et voir à qui elle est ainsi promise, siffla-t-elle d'une voix sombre.

Elle parlait bien sûr de Rebekka. Le fait de l'abandonner à son sort lui brisait le cœur, mais elle savait déjà la réponse que lui donnerait son amie si elle lui proposait de quitter la cité du roi avec elle. Un goût amer emplit sa bouche, à l'idée des multiples dangers qu'elle encourait.

- Ne pense-tu pas qu'il y ait une infime chance qu'elle nous dénonce ? C'est une rebelle, après tout.

- Et quoi encore, condamner sa vieille amie ? cingla-t-elle en retour.

Il lui lança un regard noir.

- À ton bon vouloir alors... mais si on est démasqué, je te laisse gérer la situation, grommela-t-il.

Elle soupira, déjà agacée de devoir supporter son caractère pendant leur imminent périple.

- Je pense savoir pourquoi tu es si rebuté à l'idée. Les nobles des Hauts Quartiers seront tous présent au bal des jeunes mariés. Dont très certainement, tes parents...

Seff la fusilla du regard. Elle avait bien touché le point sensible. Ne voulait-il donc pas voir de loin sa famille une dernière fois ? Ray ne put comprendre cela, elle n'ayant plus de famille.

- Tâche de ne suivre que mes instructions. Personne ne nous reconnaîtra. C'est un bal masqué, après tout.

Dans un sourire qui trahissait un plan mesquin, elle sauta lestement du toit et atterrit sur le faîtage d'une autre maisonnée.

Elle courut à petit pas, prit ses appuis sur le rebord d'une fenêtre et se propulsa de l'autre coté de la rue, les muscles bandés. Dans un frottement sourd, elle se raccrocha au bord du toit et agrippa la pointe de ses bottes dans les irrégularités du mur.

Ray se balança avec force le long d'une gouttière et sauta à quelques pas dans une expiration sur les rebords en fer d'un balcon orné. Collée au mur, la poitrine soulevée par l'effort, elle ne bougea plus d'un pouce. De son point de vue, elle perçut la silhouette du jeune homme se découper sur la voûte céleste, empruntant un chemin plus sûr.

Ray tendit l'oreille, aux aguets. Le silence était maître. Elle se tenait sur le balcon de la chambrée d'une riche dame, d'où une chaude lumière sortait des portes grandes ouvertes. Prise facile, invitation aux voleurs des ténèbres.

La jeune femme trottina allégrement le long de la balustrade, ses cheveux tressés se balançant dans son sillage, puis sauta sur les dalles de marbre. Elle se releva devant la salle vide illuminée par une douce chaleur provenant d'une lampe à l'huile. Les rideaux se soulevèrent sous une brise mystérieuse. Dans un léger sourire, ses yeux se posèrent sur l'objet convoité qu'elle avait repéré depuis son repaire. S'avançant à pas de loups, elle glissa sa main sous le tissu de satin finement tissé et agrémenté de dentelles. Charmée devant la pièce de vêtement d'un bleu de nuit chatoyant, elle était telle une enfant découvrant la beauté du voile qui éveillait sa curiosité féminine. Car jusqu'à présent, la jeune femme avait tout fait pour éviter une vie normale de femme à marier, et n'avait ainsi jamais porter de robes de bal.

Quelques minutes plus tard, elle reparu au balcon et rejoignit de quelques sauts la toiture humides sous ses pieds nus.

- Tant pis pour cette pauvre jeune noble, dit Ray d'un ton plaisantin à Seff, quelle déception quand elle verra que tout aura disparu...

Il l'a dévisagea quelques secondes, comme s'il ne la reconnaissait pas dans cette tenue aux formes élégantes et féminines. Puis le jeune homme détourna le regard. Elle ne put lire son expression dans le noir total.

- Très bien, déclara-t-il, j'arriverais en second.

Ils se séparèrent ainsi et Ray fit face, déterminée, à la silhouette des Hauts Quartiers qui se découpait sur le paysage, flamboyante de lumières face aux quartiers pauvres qui rasaient le sol de leur sombre cape endormie. Le cœur serré à la vue de sa ville d'origine, elle refoulait le moment où elle lui ferait ses adieux.

Ombre dans la nuit, elle épiait la cité, se sentant comme un maître au milieu de cette noirceur vide ou personne n'osait s'aventurer.

Mais cette nuit là, depuis l'attaque, voyait arriver de nouveaux prétendants rôder dans les rues. Les gardes royaux, qui scrutaient chaque allées, chaque ruelles en quête de rebelles, dérangeaient le silence habituel au goût de la jeune femme.

Ses talons de velours à la main, elle fila sur les toits, et s'amusa à narguer ces silhouettes qui n'avaient pas leur place dans ce terrain de jeu qu'offrait la noirceur de l'ombre. Voltigeant sur les toits, sa course créait de simples mouvements d'air suffisant à les faire frissonner de peur.

Elle n'était cependant plus la seule joueuse, ils étaient nombreux à présent. Depuis plusieurs semaines elle avait observé ces silhouettes si silencieuses qu'elles en devenaient invisibles, s'en aller du Palais d'Émeraude, vaquant à leur travail habituel, fidèles espions et assassins du Royaume.

Les habitudes changeaient, les dangers se pressaient aux portes de Bosaria, et le roi avait peur pour en arriver à déployer ses escouades secrètes. Odiris se sentait menacé, Ray en était sûre. Quant à Brisimur, on n'en entendait plus parler, du moins pour l'instant. Le pirate rusé semblait s'être rendu à l'évidence que chacun de ses mouvements étaient épiés par les rebelles, et s'était littéralement volatilisé en pleine mer.

Dans un souffle de vent, Ray trottina et se tint accroupie sur les tuiles. Elle avait retroussé sa belle robe sur ses genoux, ne voulant pas salir le bas du léger vêtement. L'espionne observa la demeure qui se dressait devant elle, aux larges ouvertures en voûtes sur les façades qui donnaient sur un petit jardin intérieur illuminé de lanternes.

De nombreuses personnes, des coupes d'un liquide doré tenues dans leur main gracile, déambulaient dans le patio. Tous étaient très bien habillés, dévoilaient leurs plus beaux atours lors de ce mariage de deux jeunes gens provenant de la plus haute noblesse. Un couple prometteur, disaient-ils du haut de leur charmantes voix. Ray en douta dans un rictus amusé, car son amie n'allait pas être une épouse exemplaire. La jeune rousse n'abandonnerait pour rien au monde son mauvais caractère et son côté rebelle.

La combattante s'élança sur un toit plus proche, et de son nouveau perchoir elle put aisément bondir et se réceptionner sur le toit de la salle du bal. La musique d'une valse cadencée lui parvint doucement, et elle se glissa le long d'un auvent pentu pour atterrir dans un coin sombre du jardin. Le couple qui était là auparavant s'était évaporé. Pourquoi s'embêter à duper les gardes aux entrées, les balustrades donnaient directement sur la fête. Son alibi ; se prétendre bien sûr pour une personne de la haute société.

La jeune femme enfila son masque noir décoré de plumes, et lissa les plis de sa toilette de satin. Elle enfila alors les petits chaussons assortis, dissimulant parfaitement la plante de ses pieds salis par sa course virevoltante. Ray gloussa silencieusement en pensant à la tête que ferait Rebekka si elle la reconnaissait. Son apparence était méconnaissable.

Plusieurs étages plus bas, des diligences s'arrêtaient devant les portes du bal, déversant des dizaines de hauts nobles.

Elle déambula quelques temps dans les jardins, admirant la richesse des propriétaires qui pouvaient s'offrir toutes ces fontaines et bosquets de fleurs parfaitement taillés. De doux parfums sucrés s'en échappaient, tout comme du plan d'eau où de petits pétales de roses y flottaient allègrement.

Sa fine silhouette se dirigea vers le brouhaha grandissant des invités, et entra discrètement dans la salle où se déroulaient les festivités. Au fond perchés sur un balcon, de nombreux musiciens faisaient chanter leurs instruments, dont les notes entraînaient les danseurs infatigables sur la piste.

Elle reconnut la mariée, Rebekka, à sa longue robe dorée assorties de perles. Son cœur se serra à cette vue d'une tristesse fatale, qu'elle seule semblait sentir. La noble scintillait de sa jeune beauté.

Son époux semblait s'amuser non loin, vêtu dans le même état d'esprit.

Un nombre incalculable d'invités échangeaient gaiement entre eux, ne tarissant pas d'éloges quant au couple somptueux fraîchement liés par leurs vœux.

C'était un mariage arrangé, une famille souhaitant l'argent, l'autre la renommée.

Alors ce soir, elle tenterait de cerner cet homme, quitte à devoir se faire passer pour quelqu'un d'autre.

Elle alla prendre un verre au petit buffet de nappe couleur crème, sinuant à travers la masse de nobles tout en volants et galanterie. Elle attrapa une coupe remplie d'un liquide doré, dont quelques bulles s'échappaient vers le haut. Ray scruta les gens qui l'entouraient, essayant de dénicher des visages familiers.

Alors qu'elle contournait une imposante dame aux jupons roses bouffants, un homme au masque argenté se présenta à elle. Elle fixa sa main qu'il lui proposait, puis son sourire. Ray reconnu immédiatement Seff.

- Te voilà, finalement, souffla-t-elle.

Il semblait nerveux, jetant des coups d'œils inquiets aux convives.

Elle posa poliment son bras sur le sien, et lui adressa son plus charmant sourire. Il ne fallait pas attirer l'attention de yeux trop indiscrets.

- Vois-tu, l'homme en doré est le fiancé, chuchota-t-elle, toujours simulant son poli rictus.

Il continua à la mener à travers la foule, faisant mine de faire connaissance avec elle.

- Je ne vois toujours pas ce qui pourrais nous amener ici, à part nous faire embrocher par les gardes comme de vulgaires gibiers.

- Tu as toujours eu de très charmantes comparaisons, je ne m'en laisserais jamais, ironisa-t-elle amèrement. Je suis venue m'assurer que mon amie de longue date ne signe pas son arrêt de mort en acceptant cette union. Quel est son nom déjà ?

- Mersen Pandelor. Je le connaît un peu, pour l'avoir côtoyer ces derniers mois à la cour. Tout ce qu'il veut, c'est la renommée. Mersen veut accéder aux bons vœux du Roi, à sa confiance, et surtout devenir un homme populaire et célébré de tous, car on sait tous qu'ici l'influence fait le pouvoir.

- Il risque de vouloir user de ton amie pour arriver à ses fins, reprit-il. On raconte aussi que lui-même a arrangé l'union, au lieu de laisser le choix à ses parents. Je ne pense pas que ce soit la meilleure union qui soit, pour un mari en soif de pouvoir et une terrible rebelle de sa sorte, à ce que je connais d'elle en tout cas, glissa-il d'un ton légèrement hésitant.

Elle avait entendu ce qu'il lui fallait. Ray s'en était doutée, Rebekka n'aurait pu être liée qu'à un homme de cette trempe. Une jolie fille de nobles conseillers, toute prête à être mariée : n'importe quel aristocrate en quête de reconnaissance et popularité aurait sauté sur l'occasion.

Anxieuse, elle jeta quelques regards en douce aux jeunes mariés.

- Alors maintenant tu peux t'en aller, je t'ai révélé une bonne partie de l'histoire, affirma-t-il.

- Pourquoi souhaite-tu tant à m'éloigner ? Je ne me suis même pas amusée ! plaisanta-t-elle.

Elle ricana d'amusement devant son expression soucieuse.

- Tu m'offres une danse ?

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et le tira sur la piste de danse circulaire. Son cavalier affolé n'eut pas le loisir de protester qu'elle le menait déjà dans une valse tournoyante, flottant dans sa légère robe bleue nuit.

Les faïences ornementées au sol se brouillèrent dans leur ronde, et leur couple de danseurs se mêla aux dizaines d'autres qui valsaient sur le rythme soutenu des musiciens. Seff reprit son assurance et la fit tournoyer de plus belle, certainement dans le désir de lui donner le tournis. Mais la jeune femme était fière de ses capacités de danse et le nargua de son habileté. Elle pouvait en remercier ces horribles leçons de sa nourrice. Les deux danseurs aguerris faisait honneur aux mariés de ce joli spectacle, et s'attirèrent les regards des conviés.

La valse ralentit enfin, et s'arrêta, l'orchestre préparant un autre morceau. Le jeune homme emmena sa partenaire hors de la piste en lui jetant un regard courroucé, mais la jeune femme était réjouie. Ils se séparèrent et elle s'éloigna à travers la foule. Ray avait déjà rassemblé de nombreuses informations quant à ce Mersen Pandelor, mais aimerais en savoir plus de sa propre bouche.

La jeune femme réfléchissait encore à son plan lorsqu'elle distingua enfin l'homme dans son fringant costume doré. Elle approcha son petit groupe de convives dans se cacher, en acceptant au passage une coupe venant d'un serveur.

Mersen se retourna à se moment là et elle en profita pour le saluer galamment, en lui dévoilant un magnifique sourire. Ray s'empressa de le féliciter pour ce mariage prestigieux, qui ferait son bonheur et son honneur.

- Je vous en remercie, ma chère ! Profitez de la fête ! Mais, pardonnez-moi, vous ai-je déjà rencontré auparavant ?

- Tout le plaisir est pour moi, dit-elle en employant une voix mielleuse. Oh, c'est bien normal, je viens tout droit de Volantis pour célébrer votre union ! Je m'en excuse, j'aurais dû me présentez à vous. J'ai été invitée de la part de la famille des Timorès.

- Bien sûr, ne vous excusez pas ! Je ne peux me souvenir de tous ces noms, vous comprenez. Puis-je vous inviter à danser ?

Il usait d'un ton si aristocratique et poli qu'elle en avait le cœur soulevé. Avec son costume pétillant, il ressemblait à ces horribles papillons qui tournaient sans cesse autour des lumières dans leur idiotie perpétuelle.

Ray accepta bien volontiers, et il mena sa partenaire de danse dans une lente valse ennuyante, mais elle n'était que plus réjouie de la facilité de son plan. Elle amorça une discussion.

- Me voici enfin en train de parler à un haut noble de Bosaria ! le flatta-t-elle. Voyez-vous, je suis une des conseillères du Roi de Volantis, et c'est un plaisir pour moi que de découvrir la cour de mon île voisine lors de ce bal.

Elle tentait la carte du culot, un mensonge trop gros pour paraître faux.

- Me voilà flatté, je ne suis en rien un des nobles les plus influents, enfin, pas encore !

Il gloussa à la manière d'un paon qui étale sa gloire. Que d'envie et de désir dans ce cœur avide de pouvoir. Il reprit, plus passionné dans ses paroles.

- Je pense que nous devrions renforcer nos liens entre nos deux pays, cela ne serait que bénéfices. Et par les temps qui courent, c'est à se demander si nos citoyens commenceraient à se retourner contre nous. Enfin je veux dire, un assassinat comme celui-ci, ce n'était pas arrivé depuis la dernière guerre !

Il abordait un sujet sensible. Plus jamais qu'à cet instant devra-t-elle tenir sa langue. Elle devait mieux le faire parler.

- Eh bien qu'en pensez-vous plus précisément ? Il est vrai que les temps changent, répondit-elle, non sans méfiance.

- Nous devrions allier nos forces pour assujettir le peuple, qui s'est bien trop révolté ces derniers temps. D'autres rumeurs courent, les villes s'échauffent dans leur trop pleine confiance. Mais les armées du Roi doivent remettre la paix en place. Et je compte devenir chef de nos armées ! Tel est mon but, assurer un meilleur ordre pour notre Royaume si grand.

Il lui adressa un rictus radieux, qui la dégoûta plus que tout. Cet homme était un manipulateur et une vermine de la noblesse, prêt à lécher les bottes du Roi. Quelle n'aurait pas été sa surprise s'il s'était rendu compte qu'il dansait avec une fille de basse extraction ! Avec dégoût, Ray reprit sa politesse.

- Bien sûr, quel engouement vous avez ! Un cœur aussi courageux saurait mener notre Royaume vers une paix des plus favorable.

Il continua à la faire tourner doucement, déblatérant des atrocités inintéressantes, mais qui renforçaient son antipathie envers cet homme. Soudainement, son regard fut accroché par un autre.

Celui de Rebekka, qui venait de la reconnaître. Elle paraissait blanche de stupeur, terrifiée, et la jeune rousse échangea un coup d'œil de détresse avec elle. Ray gloussa de sa réaction, et Mersen fronça les sourcils, perturbé.

Mais alors qu'elle détournait son attention de la jeune noble, elle aperçu Seff qui fut soudainement bousculé par une dame semblant d'âge mûr. Par ses mouvements raides elle comprit que le jeune homme était troublé, mais ne saisit la raison. Il s'excusa et la dame s'éloigna sans un sourire.

Alors que la riche noble se retournait, Ray eut un hoquet de surprise en reconnaissant la mère de Seff. Lui, immobile, semblait fixer en silence sa mère. Qui ne l'avait pas reconnu, malgré sa voix. Ray sentit son cœur se briser pour le jeune homme. Dans une famille qui n'espérait de son fils que sa réussite auprès du souverain, le jeune homme devait penser que sa propre mère l'avait déjà oublié, le pensant mort où partit loin parmi les rebelles.

Seff se retourna brusquement et s'éloigna de vifs pas. La jeune femme aurait voulu le suivre mais l'homme continuait à lui parler dans leur danse interminable. Une boule d'anxiété siégeant en son cœur serré. Elle ne put continuer la discussion avec aisance.

La musique s'acheva enfin à son grand soulagement, et elle prétexta un léger mal pour s'éclipser du cœur de la fête. Elle en avait assez vu, assez entendu. Ses oreilles bourdonnaient de tout ce bruit asphyxiant. Rebekka était mariée à un horrible et égoïste noble qui ne lui mènerait pas la vie facile. Ray avait tout de même confiance dans le caractère bien trempé de la belle rousse, qui ne tombera pas facilement dans son jeu.

Fendant la foule, elle fila sur les traces de la dame qui avait bousculé son coéquipier. Ray savait qu'une femme, peut importe sa relation avec son enfant, ne pouvait le chasser de son cœur.

Elle s'arrêta net, les yeux fixés sur le dos de la noble, qui tenait un mouchoir de soie en ses maigres mains. Ray s'avança et lui saisit doucement le poignet. Inconnue derrière son masque, elle s'approcha de son oreille pour lui souffler quelques mots.

- Votre fils est sain et sauf, de plus innocent et bien accompagné.

Dans un sourire qui se voulait rassurant, elle s'éclipsa aussitôt, ne voulant pas attirer l'attention. Ayant rejoint un point de vue sur l'assemblée, Ray regarda d'une expression soulagée la mère de Seff, qui resta immobile, serrant avec force son mouchoir de poche. Émue, elle s'éloigna.

Alors qu'elle longeait les parapets sur les hauteurs de la scène, une silhouette familière se dessina sur son chemin. S'immobilisant, elle fit face à Enlin, qui s'arrêta en l'apercevant. Penchant légèrement la tête, Ray étudia la réaction de la rebelle, tout à fait calme. Elle s'attendait à la croiser. D'un mouvement à peine visible, la jeune femme l'invita à sa suite alors qu'elle s'éloignait. À son grand soulagement, la terrasse supérieure était à présent vide.

Elle se retourna pour faire face à son ancienne mentor.

Entre elles gisaient les débris d'un vieil attachement mêlé à de la haine. Une tension électrique vibrait dans l'air pluvieux de la nuit qui s'étiolait dans ses derniers soupirs.

- Tu m'as l'air bien calme pour les dangers que tu brave en ce moment même, clama la rebelle aux longs cheveux noirs.

- Je ne te crains pas, Enlin. Je sais que tu ne me dénonceras pas.

Elle la fusilla du regard, comme percée à jour. Mais Ray ne la connaissait que trop bien. Malgré qu'elle le cache sous son masque implacable d'assassin, son aînée tenait beaucoup à elle.

- Garde un œil sur Rebekka, et fait en sorte que rien de lui arrive, souffla Ray. Cela me suffirait pour disparaître d'ici le cœur tranquille.

Enlin demeura silencieuse et détourna le regard.

- Part donc, murmura-t-elle d'un ton grave.

Puis la rebelle à la longue silhouette d'ombres et de ténèbres disparut, ne laissant distinguer dans son sillage que l'ébauche de sa chevelure raide et noire.

L'aube apparaissait doucement, affirmant les formes encore sombres des riches demeures de Bosaria.

Ray prit une grande inspiration, la gorge serrée. Elle grimpa lestement sur le toit par le chemin qu'elle avait emprunté pour venir et tomba nez-à-nez avec Seff. Debout, il se tenait, invisible, sur le bord de la charpente. Gardant le silence, elle glissa un coup d'œil au vide qui s'étalait sous ses pieds. Un mauvais pas lui vaudrait de se retrouver écrasée d'une chute de cinq étages.

Exaltée, l'adrénaline fourmillant dans ses veines et vrombissant dans sa poitrine, ses yeux pétillants tombèrent sur les formes floues mais bien reconnaissables de Nio et Rebekka. Le frère et la sœur conversaient sérieusement, le long d'une avancée se trouvant sous leur repère.

Sa poitrine se serra. Leurs adieux étant déjà échangés, elle ne trouvait la force de les approcher. Rebekka avait décidé de rester à Bosaria pour mieux servir la rébellion aux côtés du Roi, espionne de choix déguisée en servile conseillère au beau milieu du plus beau gratin de la cour.

Ce fut ici que leurs chemins se séparèrent.

Eux iront à la chasse au pirate, loin dans les îles et mers de leur Royaume.

Ray se tourna vers le jeune homme, qui lui rendit un regard cette fois-ci adouci et empli de force. Jetant son masque sur les tuiles, il s'éloigna dans la direction opposée.

Prenant son courage à deux mains, elle se détourna de la vision qu'offraient ses chers amis et lui emboîta le pas.

Mais alors qu'ils arrivaient à l'extrémité du toit, une dague vint soudainement se ficher entre eux, à quelques centimètres de la botte de Seff. Lâchant une exclamation de surprise, Ray se recula. Le corps de Seff se bandit comme à l'apprêt d'un combat, et dans un grondement de rage s'élança en avant.

Reprenant ses esprits, Ray souleva un pan de sa tenue et dégaina le long poignard de son père. Quelques pas, un coup d'œil cernant les alentours d'une fausse apparence désertique et elle bondit du toit, ses sens aiguisés tels ceux d'une proie en fuite. 

______________________________________

Un assez long chapitre mais qui permet de clôturer une partie de l'histoire... ;) ! J'espère qu'il vous as plu, dîtes moi vos impressions ! Sur le mariage de Rebekka, la séparation des personnages...

Voici un petit dessin à l'encre de Ray pour ce chapitre !


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