Lunaire

By _--Moonchild--_

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Walter et Liesel Eisenmann. Le frère et la sœur, deux gamins détestables qui passent leur temps à se disputer... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32

Chapitre 29

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By _--Moonchild--_

« Putain de merde... »

Aucun mot n'aurait pu mieux résumer la situation. Les titans étaient en train de tenter d'entrer dans la tour, et le petit groupe de recrues dévalait actuellement les escaliers pour les en empêcher. Cette idée était presque risible. Ils n'avaient aucune arme, rien qui puisse faire office de barricade... L'issue d'un éventuel affrontement était prévisible.

« Je ne peux pas vous promettre qu'on viendra vous chercher, avait averti Lyne après leur avoir ordonné d'aller stopper les titans qui tentaient de forcer la porte. Je ne sais même pas si nous serons encore en vie à ce moment-là. »

Les mots de la soldate tournaient en boucle dans la tête de Liesel. Si même eux, des vétérans du bataillon, doutaient de leur capacité à gérer les titans, c'était que leurs chances de survie étaient très minces.

« Hé, Reiner, ralentis ! » appela Connie.

Ce dernier, en effet, était en train de foncer vers les étages inférieurs. Il les devançait d'une bonne quinzaine de marches. Comme d'habitude, il fonçait tête baissée, sans se soucier de ce qu'il pourrait trouver en bas.

« On devrait d'abord essayer de trouver de quoi faire une barricade avant de descendre, il n'y a rien en bas ! argumenta Liesel.

- Rassemblez tout ce que vous pouvez trouver, je vais voir jusqu'où ils sont allés. » Dit-il simplement.

Quelle andouille, il va finir par se faire tuer, à force, songea la jeune femme avec un froncement de sourcils inquiet. Elle ne releva pas et obtempéra en silence, s'arrêtant à cet étage.

« Liesel, on a trouvé un truc pour barricader la porte, on a besoin de tes muscles. » l'interpella Ymir, un sourire moqueur au coin des lèvres.

Elle alla l'aider, sans répondre à son trait d'humour. Ce n'était pas le moment de se vexer pour des âneries. La brune avait trouvé un canon en fonte, le genre d'objet si lourd qu'il aurait pu broyer la nuque d'un titan juste en étant posé dessus.

« Tu comptes vraiment traîner ça jusqu'en bas ? Il reste deux étages... Fit-elle remarquer en haussant un sourcil.

- Viens m'aider au lieu de te plaindre. Tu vas quand même pas nous laisser faire tout le boulot ? »

Elle soupira et retroussa ses manches avant d'aller aider Ymir et Christa. Connie vint bientôt les épauler, et à eux quatre, ils finirent par réussir à déplacer l'énorme masse de fonte.

« Je suis en bas ! Ramenez quelque chose, vite ! » Fit une voix depuis l'étage inférieur.

Reiner. Et d'après le ton de sa voix, il avait des ennuis. Avant que Liesel ait le temps de réagir, Bertholdt fusa vers les escaliers pour aider son ami. Elle brûlait de le faire elle aussi, mais avait conscience que si elle partait, il serait beaucoup plus compliqué de traîner ce truc. La jeune femme redoubla d'efforts, s'arc-boutant contre ce foutu canon pour réussir à le faire bouger. Il avait certes des roues, mais ces dernières étaient si rouillées qu'elles ne servaient plus à grand-chose.

« Poussez-vous ! » Brailla Ymir, une fois arrivée en haut de l'escalier.

Les quatre jeunes gens poussèrent le canon de toutes leurs forces, et ce dernier alla s'écraser contre la porte d'en bas. Liesel releva les yeux, essuyant son front, et comprit enfin ce qu'il s'était passé. Un titan de petit gabarit avait dû essayer de forcer le passage, et Reiner l'avait retenu de son mieux. Ça avait marché, apparemment, puisque la créature était désormais bloquée sous le canon et laissait échapper des borborygmes pâteux. Son ami l'avait échappée belle... Il aurait pu ne pas avoir le temps de fermer la porte et se faire dévorer vivant. Heureusement pour lui, et pour eux tous, il avait eu de bons réflexes.

« On devrait essayer de trancher sa nuque ? J'ai trouvé un couteau, ça pourrait suffire, non ? Suggéra Connie en brandissant une lame rongée par la rouille.

- Il est coincé, il n'est plus dangereux, et en plus ça bloque à peu près l'entrée. On devrait le laisser là. Répondit Liesel.

- Pour l'instant, on ferait mieux de remonter... Il y en a peut-être plus d'un qui est entré. » Conseilla Christa d'un air angoissé.

Ses cinq camarades hochèrent la tête de concert et tournèrent le dos à la petite porte pour remonter, encore secoués par ce qu'il venait de se passer. Ce n'était que le début, ils s'en doutaient. Un moment viendrait où les barricades ne suffiraient plus, et où ils n'auraient plus rien de lourd à envoyer sur les titans. Le couteau de Connie servirait peut-être, en fin de compte. Mais pas forcément pour les titans. 

« Connie ! » Hurla Christa au bout d'à peine une seconde.

Liesel tourna la tête dans la direction de son camarade, juste à temps pour voir le titan derrière lui ouvrir la bouche. Un autre petit gabarit, que personne n'avait entendu ou vu arriver.

Elle se trouvait en haut de l'escalier. Trop loin pour tenter quoi que ce soit. Elle n'hésita cependant pas et se précipita vers son camarade. Trop tard. Reiner avait été plus rapide qu'elle, et avait écarté leur camarade du chemin du titan. C'était son avant-bras qui se retrouva presque aussitôt entre les mâchoires du monstre.

Liesel s'arrêta net au beau milieu des marches, pétrifiée. Quelque part, elle n'avait jamais imaginé que son ami puisse être blessé. Ça n'était pas arrivé jusque là, pourquoi maintenant ? Et pourtant, des dents qui valaient bien celles d'un cheval étaient à présent ancrées dans sa chair. Son cri de douleur avait glacé la jeune femme jusqu'aux os. Le temps qu'elle reprenne ses esprits, il avait déjà chargé le titan sur son dos et monté trois marches.

« Qu'est-ce que tu fais ? » demanda-t-elle d'une voix blanche.

Puis elle comprit. La fenêtre, qui se trouvait pile entre deux. Ils étaient au premier étage, sachant que chaque volée de marches faisait une bonne dizaine de mètres de haut, la chute serait mortelle pour le titan. Mais pour lui aussi. Même si le corps de la créature amortissait sa chute, ses congénères s'empresseraient de le dévorer vivant. Elle s'interposa immédiatement entre lui et l'ouverture.

« Hors de question !

- C'est la seule solution.

- Non. »

Une panique à l'état pur se lisait dans ses yeux, malgré la fermeté de sa voix. Elle tremblait comme une feuille, mais sa résolution était prise. Elle ne le laisserait pas sauter. Il y avait forcément un autre moyen.

« Liesel, je vais pas tenir longtemps, bouge ! Maintenant ! La pressa-t-il.

- Connie. Ton couteau. Mâchoire. Maintenant. » Lâcha-t-elle sans détacher ses yeux de ceux de Reiner.

L'adolescent au crâne ras comprit immédiatement de quoi elle parlait et sectionna dans un geste adroit les muscles de la mâchoire du titan. Ce dernier fut forcé de lâcher prise et tomba dans la direction de Liesel, qui eut tout juste le temps de s'écarter avant qu'Ymir ne balance le titan par la fenêtre d'un coup de pied puissant.

« Merde... » Souffla la jeune femme en voyant le monstre s'écraser une quinzaine de mètres plus bas.

Elle s'éloigna du bord et se tourna vers Reiner.

« Ne fais plus jamais une chose pareille. » Murmura-t-elle d'une petite voix.

La terreur était en train de redescendre lentement, tout comme l'adrénaline, mais son corps ne semblait pas vouloir s'arrêter de trembler. Son ami posa une main sur son épaule pour la calmer.

« Je vais bien, Lizzie... On remonte. Il faut pas rester là. »

Elle se contenta d'acquiescer et remercia Connie d'une légère accolade avant de remonter. Il avait été exceptionnel sur ce coup-là, elle savait qu'il était très réactif, mais là, il venait de sauver la vie de leur ami.

Le petit groupe barricada la porte de l'étage, avec à peu près tout ce qu'ils pouvaient trouver. Caisses, torches, n'importe quoi pouvait être utile, et s'occuper les mains permettait à Liesel de reprendre le contrôle de ses nerfs. Au bout de cinq petites minutes, la jeune femme rejoignit Christa, qui soignait Reiner en s'excusant sans cesse.

« Hé... Faut que t'y ailles plus franchement. Conseilla la jeune femme, se laissant tomber près d'elle. Ton garrot ne bloque rien du tout.

- Désolée... Répéta-t-elle d'un air sincèrement navré.

- T'excuse pas, va. C'est juste un conseil. Tu as besoin d'aide ?

- Tu peux m'aider à désinfecter et faire un bandage pendant que je resserre le garrot, s'il te plaît ? J'ai les mains qui tremblent. Avoua-t-elle, penaude.

- Pas de problème. C'est vrai qu'il vaut mieux éviter d'en mettre partout, ce truc a l'air carrément corrosif. Ironisa-t-elle en récupérant la petite bouteille d'alcool. Je te conseille de boire un coup, parce que ça va piquer. » ajouta-t-elle à l'adresse de Reiner.

Ce dernier lâcha un soupir et saisit la bouteille qu'elle lui tendait avant de boire une gorgée, l'air hésitant. Il ne put réprimer une grimace de dégoût.

« 'Tain, ça a goût de pisse de cheval...

- Parce que tu sais quel goût a la pisse de cheval ? Ironisa-t-elle, un sourcil arqué.

- C'est pas moi qui ait été élevé dans une écurie, petite tête. »

La jeune femme laissa échapper un sourire fatigué tout en désinfectant la plaie. Mieux valait qu'il fasse de l'humour, même si ça ne la faisait pas rire, ça avait au moins le mérite d'atténuer un peu sa douleur et de détendre l'atmosphère.

Reiner laissa échapper une nouvelle grimace et serra le poing, la mâchoire crispée.

« Merde, Liesel, ça fait mal !

- T'étais prévenu. » Dit-elle simplement avant de retirer son gilet.

Il n'y avait pas de matériel médical dans ce trou paumé, bien évidemment. Alors, ils n'avaient d'autre choix que s'adapter.

« Tu sais faire un bandage, au moins ? S'enquit-il d'un air préoccupé.

- Je sais déjà que ce n'est pas censé se faire avec un rideau, à la base.

- T'es sûre que c'est mieux avec un gilet ? Demanda-t-il, assez sceptique.

- Cesse de bavarder et passe-moi ton bras, je ne vais pas l'amputer si c'est ce dont tu as peur. »

Elle soupira finalement lorsqu'elle réalisa que la toile de son gilet n'était pas assez épaisse pour protéger quoi que ce soit : c'était du lin, le sang l'imbiberait vite une fois le garrot retiré.

« Christa, t'as pas un bout de tissu quelconque ?

- Je vais te trouver ça. Dit-elle, déchirant le bas de sa jupe. C'est un peu sale, désolée, mais ça devrait faire l'affaire.

-Ça suffira. C'est juste pour consolider.»

Surprenant le regard en coin de Reiner vers les jambes découvertes de sa camarade, Liesel s'éclaircit la gorge.

« C'est pas le moment de te laisser distraire. » Murmura-t-elle à l'adresse du jeune homme.

Il leva les yeux au ciel, et Liesel s'occupa soigneusement de sa blessure. Son regard concentré et la manière dont elle se mordillait la lèvre trahissaient son application. Elle était consciente que, si elle se plantait, la plaie risquait de s'infecter. Après tout, des dents de titan, ce n'était sûrement pas très hygiénique. Si ils survivaient à cette nuit, autant éviter que le bras de son ami soit dévoré par la gangrène.

Quelques secondes après qu'elle ait achevé son ouvrage, une vive secousse ébranla la tour. Elle se retint au mur le mieux possible. Ça sentait le roussi, une fois de plus... Si la tour s'effondrait, ils étaient foutus pour de bon ; quand bien même ils survivraient à la chute, ils seraient dévorés vivants par les titans, un par un. Ils n'avaient aucune issue : pas d'équipement, plus de chevaux, pas même Eren pour débarquer miraculeusement et leur sauver la mise. C'était bien la première fois que cet agité manquait à Liesel.

Elle regarda les autres d'un air interrogateur, et après un accord silencieux, le petit groupe de recrues monta les escaliers quatre à quatre pour rejoindre le toit, où Nanaba et Gelgar venaient de se poser. À leurs côtés, deux cadavres. Les corps de deux soldats qui venaient de mourir en tentant de les protéger, Lyne et Henning.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Connie d'une voix blanche.

- Un rocher est arrivé, venu tout droit du mur... C'est ça qui les a eus. » répondit simplement Gelgar, la mine sombre

L'adolescent au crâne ras se tourna vers ses compagnons.

« Il y avait un seul titan qui allait vers le mur... C'était le poilu ! Je suis sûr que c'est lui qui a fait le coup ! » dit-il d'un air paniqué, la sueur perlant à son front, alors qu'il se précipitait vers le muret qui les séparait du vide.

Sa respiration erratique mourut dans sa gorge lorsque la lune lui révéla ce que cachaient les ombres. Des dizaines de titans, émergeant de la forêt. Ils étaient beaucoup trop nombreux pour qu'une quelconque lutte soit envisageable.

« Des titans... Finit-il par dire lorsqu'il retrouva enfin l'usage de ses cordes vocales, se tournant vers Nanaba et Gelgar. Plus du double de ceux que vous avez déjà abattus. »

La trentenaire se releva, regardant d'un œil sombre le spectacle qui s'offrait à ses yeux.

« Cette coordination... On dirait presque que les titans mènent une opération stratégique. J'ai bien l'impression qu'ils ne font que jouer avec nous. »

Sur ces mots et un simple regard vers le bas, les deux uniques survivants de l'escouade de Mike quittèrent le toit, laissant le petit groupe de recrues livré à lui-même. Avec pour seule arme un couteau à moitié rouillé, ils savaient tous qu'ils ne feraient pas long feu.

Liesel s'assit à même le sol froid, ses jambes repliées contre sa poitrine, les yeux clos. Elle avait besoin de réfléchir. De faire le point. Il devait bien y avoir un moyen de se sortir de là... Des souterrains, peut-être ? Non, l'accès au rez-de-chaussée était condamné. Faire diversion pour qu'au moins quelques uns s'en sortent ? Infaisable. Il y avait bien trop de titans pour ça, et personne n'accepterait jamais de laisser des camarades derrière. Bon sang, c'était si rageant...

Le mur Rose était là, à quelques kilomètres à peine, qui pouvait leur offrir un lieu sûr pour quelques jours au moins, le temps que les soldats à la recherche de la brèche tombent sur eux. Il leur aurait suffi d'être équipés pour se sortir de là sans une seule égratignure, ou presque... Mais non, il avait fallu qu'on les désarme. Quelle erreur, mais quelle erreur ! Leurs supérieurs étaient vraiment des abrutis finis, songea la jeune femme avec colère. Bien sûr, ils ne pouvaient pas prévoir une telle situation, mais ils auraient au moins pu les laisser embarquer leurs équipements, même s'ils n'avaient pas le temps de les enfiler sur place. Quelle bande d'incapables ! A cause d'eux, ils n'avaient même pas l'ombre d'une chance.

Elle finit par parvenir à calmer ce véhément monologue intérieur. Réfléchis, Liesel. Réfléchis. Qu'aurait fait Walter dans cette situation ?

Son cerveau lui soufflait que son frère était bien trop malin pour se retrouver dans ce genre de situation, pour commencer. Il ne se serait jamais réfugié dans un endroit aussi incertain, alors qu'il y avait le mur à trois kilomètres à peine. Il se serait servi des monte-charges pour grimper, au moins à vingt mètres au dessus du sol. Il aurait dormi à la belle étoile, mais au moins, il n'aurait pas couru le risque de se retrouver bloqué, cerné de toutes parts.

Une idée soudaine lui traversa l'esprit. Ils avaient des équipements. Deux. Ceux des soldats qui venaient de mourir en tentant de les protéger. Elle décroisa donc ses bras et ses jambes et se leva dans un mouvement souple avant de tapoter l'épaule de Reiner.

Lorsqu'elle lui exposa son idée, il acquiesça doucement avant de la suivre, un peu plus loin. Enfin, c'était plutôt Liesel qui devait tricoter des jambes pour parvenir à suivre son rythme, plus de vingt centimètres d'écart entre eux deux avaient forcément un impact. Lorsqu'ils parvinrent à l'endroit où les deux cadavres avaient été laissés, Liesel détourna le regard et resta pensive quelques secondes. Elle-même ne savait pas pourquoi. Elle n'avait pas de dogme, après tout. Pas de Dieu. À quoi bon prier ?

Elle posa un genou à terre pour examiner l'équipement tridimensionnel de la femme. Il avait l'air en bon état... Cependant, lorsqu'elle vit le réservoir gauche, ses espoirs se réduisirent à un fil infime. Cabossé, déformé par l'impact, il ne semblait plus contenir grand chose... Et ses craintes se confirmèrent lorsqu'elle réalisa que le réservoir droit était complètement éventré. Elle se tourna vers Reiner, penché sur l'autre corps. Ce dernier secoua bientôt la tête.

« Les courroies sont à moitié carbonisées... Ça ne supportera jamais le poids de qui que ce soit, pas même Christa.

- Il n'y a pas moyen de raccorder le système de propulsion et les cartouches de gaz aux courroies en à peu près bon état ? demanda-t-elle avec des yeux remplis d'espoir. Ça nous ferait déjà un équipement opérationnel, une personne irait chercher des renforts. »

Il secoua à nouveau la tête, l'air sincèrement navré.

« Désolé, Liesel... On n'a pas les outils qu'il faut pour que l'ensemble tienne, ça se barrerait certainement au premier décollage.

- Il faut essayer... » Murmura-t-elle d'un air têtu, se mettant au travail.

Elle refusait de mourir sans avoir tout tenté. Rester à se morfondre ne l'aiderait pas, et elle préférait encore être fauchée en plein vol ou s'écraser plutôt que crever là, en ayant le temps de voir la mort dévorer peu à peu les murailles.

« Reste pas planté là, aide-moi, ou va chercher quelqu'un qui a ses deux bras.» Houspilla-t-elle le jeune homme.

Elle avait déjà réussi à dégager les sangles en bon état, et se débattait à présent pour trouver un moyen de décrocher les cartouches de l'autre équipement. Ses mains étaient moites d'angoisse, et tout ça lui glissait entre les doigts.

« Bouge pas, je m'occupe de ça. Finit par soupirer Reiner. Occupe-toi plutôt d'enfiler le harnais, on n'aura plus qu'à raccorder le tout après.

- Il vaudrait mieux que ce soit Christa qui essaie, non ? Elle est moins lourde que moi, et elle est meilleure, aussi.

- Toi aussi, tu es un poids plume. Et puis... Regarde-la. Elle est au fond du trou, elle n'osera jamais. Je n'ai pas envie de te voir crever, mais tu es celle qui a le plus de chances de t'en tirer. »

Elle lança un regard en direction de la petite blonde. En effet, elle semblait décomposée... Et puis, Reiner essayait sûrement d'éviter que leur camarade prenne des risques inutiles. Elle sentit son cœur se serrer à cette pensée. Quoi qu'elle puisse faire, Christa passerait toujours avant elle.

« D'accord. » finit-elle par accepter.

La jeune femme bidouilla un moment pour parvenir à enfiler les sangles. Elle avait les hanches étroites, au contraire de feu la propriétaire de cet équipement, et eut du mal à l'ajuster correctement, d'autant plus que le cuir avait été abîmé par l'impact et qu'en forçant trop, il risquait de se rompre. À force de nœuds et rafistolages précaires, elle finit par parvenir à bricoler quelque chose qui tenait la route.

« Ça tiendra ou pas, mais ça a l'air bon pour le moment. Soupira-t-elle.

- Tiens, j'ai déjà une cartouche de dégagée. Tu peux la raccorder ? »

Elle hocha la tête, s'appliquant pour ne rien laisser au hasard. Le moindre détail pourrait lui coûter la vie.

Aucun des deux soldats tombés n'avait de lames, Nanaba et Gelgar avaient tout embarqué pour combattre les titans le plus longtemps possible. Tant mieux, d'un côté, elle serait bien moins lourde pour manœuvrer. Ça voulait par contre dire qu'elle ne pourrait compter que sur l'esquive. Si un titan l'attrapait, elle était foutue. Cette pensée fit courir un frisson le long de sa colonne vertébrale, qu'elle réprima avec peine.

« Liesel. Respire, ça va le faire. » La rassura son ami.

Elle acquiesça lentement, récupérant le second réservoir. À peine une minute plus tard, elle vérifiait la solidité des nœuds.

« C'est pas du grand art, mais ça peut le faire. Murmura-t-elle, renforçant une attache d'un nœud supplémentaire.

- Tu es sûre que c'est la meilleure solution? » Demanda son ami.

Il avait beau l'avoir aidée et lui avoir conseillé d'y aller elle-même, il réalisait qu'elle était peut-être en train de courir à la mort. Au début, il s'était dit qu'elle avait plus de chances de survivre en partant qu'en restant avec eux, mais il était possible qu'il se trompe. Si une seule sangle lâchait, c'était la fin.

« Je ne veux pas mourir ici. Et je sais que toi non plus. » Dit-elle simplement, relevant enfin les yeux vers lui.

Reiner acquiesça lentement, sans un mot. Le soleil projetait déjà une cruelle lueur sur la forteresse dévastée, dessinant au crayon rouge les contours des ruines et, sur les murs de pierre, l'ombre des titans encore debout. L'astre incandescent se reflétait dans les prunelles anthracite de Liesel, y faisant naître une flamme magnifique. Elle mourrait sans doute en ce matin rougeoyant, à l'aube de ses dix-sept ans. Et ça ne la rendait que plus belle. Sans doute parce qu'en cet instant précis, elle incarnait le minuscule brin d'espérance qu'il lui restait. Toute petite au milieu de ce vaste carnage, frêle, et surtout des plus éphémères, mais rayonnante. Polaris personnifiée, qui lui rappelait qu'il avait encore, quelque part, une vie qui l'attendait. De l'autre côté de l'océan, peut-être. À moins que ça ne soit ici.

C'était étrange, cette sensation d'être loin de chez lui tout en y étant déjà. Il se sentait tiraillé, non, écartelé entre deux familles. Celle qui l'attendait de l'autre côté de l'océan, et celle qu'il avait ici. Il avait trouvé un foyer en Liesel, un refuge. Une chaleur qu'il n'aurait quittée pour rien au monde. Il avait pensé que ce serait lui qui partirait le premier, et pourtant, elle était là, au bord du vide, prête à tenter l'impossible.

« Explique aux autres. J'ai pas le temps. Et fais gaffe à tes fesses. » Murmura la jeune femme.

Sur ces mots, elle prit son élan avant de se jeter dans le vide, dans la direction la plus dégagée et surtout la plus abritée du soleil. Ainsi, elle serait nettement moins visible. Les titans s'acharnaient sur Gelgar et Nanaba, les démembrant avec application de l'autre côté du bâtiment. Aucun d'eux ne prêtait attention à la silhouette qui, se fondant dans les nuances de l'aube, filait vers le bosquet le plus proche. Direction le mur Rose. Des unités se trouvaient certainement dans cette direction, envoyées en début de nuit pour aider à localiser la brèche. Si elle les rejoignait et parvenait à les avertir, ils étaient sauvés.

À pied, elle était lente. Alors elle s'arrangeait pour rester le plus possible dans les airs, malgré la rareté des points élevés, courant de toutes ses forces lorsqu'elle était au sol. La manœuvre en terrain plat était ardue, peu de gens savaient exploiter une plaine à leur avantage. Seulement quelques arbres isolés, aucun bâtiment ni titan en vue... Tout ça l'empêchait d'être pleinement efficace.

Liesel se surprit à songer à Marco. S'il avait été là, il aurait sûrement su quoi faire... Certes, ils avaient trouvé un semblant de solution, mais lui aurait su trouver plus efficace en moins de temps et manœuvrer bien mieux qu'elle dans des conditions pareilles. Elle pressa l'allure lorsqu'elle atteignit enfin une forêt, se débrouillant tout de même pour ne pas griller trop de gaz. Il fallait qu'elle en garde un minimum, au cas où elle se retrouverait nez à nez avec un titan. Elle ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour trouver de l'aide.

Soudain, elle sentit la sangle qui soutenait l'une de ses cuisses céder. Elle tenta de retrouver son équilibre, légèrement déstabilisée. Ce n'était qu'une sangle, il y en avait une autre un peu plus haut. Mais elle sentait que cette dernière était en train de se desserrer et que bientôt, elle n'aurait plus aucun soutien de ce côté. Elle commençait à pencher sérieusement sur la gauche lorsqu'elle entendit le martèlement de quelques paires de sabots. Des chevaux. Harnachés, à en juger par le bruit. Il y avait donc des cavaliers. Le bataillon. Elle fit volte face et se précipita dans la direction du vacarme, le cœur battant.

La jeune femme atterrit au moment même où l'une de ses cartouches de gaz se décrocha et déboula, déséquilibrée, sur un chemin de terre. Le cheval qui venait de surgir devant elle se cabra en hennissant, et elle eut tout juste le temps de s'écarter avant que les sabots ne s'abattent sur elle.

« Liesel ? » Fit une voix étonnée.

Armin. Elle laissa échapper un soupir soulagé, et s'appuya au garde corps de  la charrette qui les transportait, lui, Eren et Mikasa. L'adrénaline était en train de retomber, la laissant sans bouclier face à sa fatigue et la douleur qui lui cisaillait le ventre.

« Bon sang... Les autres sont coincés à Utgard, c'est blindé de titans, on n'a pas d'équipements, Lyne et Henning sont morts... Faut que vous alliez les aider. »

Ses mots étaient à peine intelligibles, entrecoupés de respirations haletantes. Dans son état, il était difficile de comprendre ce qu'elle était en train de raconter, mais Armin fit vite le calcul.

« Monte. » La pressa-t-il.

Hansi lui tendit la main pour l'aider à se hisser à bord, et la jeune femme s'effondra dans le véhicule, à plat ventre.

« Putain de merde... » marmonna-t-elle en se redressant.

Elle se débarrassa de son équipement de fortune, les mains fébriles. Maintenant qu'elle avait perdu un réservoir, son équilibre était complètement compromis, le harnais n'était plus d'aucune utilité. Malgré la précarité de l'ensemble, les nœuds avaient plutôt bien tenu et elle avait beaucoup de mal à les défaire. Heureusement que Reiner l'avait aidée à serrer tout ça. Malgré son bras en écharpe, il avait tout de même plus de force qu'elle. Sans lui, ça n'aurait sans doute jamais tenu.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demanda le petit blond, formulant ainsi la question que tout le monde se posait.

- On a été avertir les villages de l'arrivée des titans... Puis on a cherché la brèche, mais on a rien trouvé. On s'est réfugiés dans des ruines pour la nuit, mais les titans nous sont tombés dessus... Le soleil était déjà couché depuis quatre bonnes heures, mais ils marchaient... Et y a pas que ça qui est étrange. Rien ne tourne rond. »

Elle était au bord de la crise de nerfs, incapable d'enchaîner quoi que ce soit de cohérent. Elle avait peur. Peu importait qu'elle s'en soit sortie en un seul morceau, les autres étaient toujours là-bas, pris au piège. Si elle était la seule à avoir pu échapper aux titans, elle ne le supporterait pas.

« Tout va bien, Eisenmann. L'apaisa Hansi. Explique-nous tout. On va les chercher. »

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