Lunaire

By _--Moonchild--_

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Walter et Liesel Eisenmann. Le frère et la sœur, deux gamins détestables qui passent leur temps à se disputer... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32

Chapitre 26

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By _--Moonchild--_

Assis sur une caisse au milieu de l'entrepôt, vers six heures du matin, Walter semblait fasciné par la tasse de thé brûlant qu'il serrait entre ses mains. Il était libre. Enfin, libre... Il restait sous surveillance, et n'avait absolument pas le droit de se déplacer en dehors de ce bâtiment. Mais on l'avait détaché, et on lui avait accordé un peu de repos. Il n'allait pas s'en plaindre. 

Isa n'avait pas réussi à le voir. On lui avait défendu d'entrer à la cave, et elle avait fini par s'y résigner, préférant ne pas aggraver la situation en pestant outre mesure. Elle avait de toute manière eu sa preuve, puisque Walter s'était résolu à manifester sa présence en lui assurant à travers la porte qu'il allait bien. Il avait dû hausser le ton pour qu'elle l'entende, mais avait fini par y parvenir. Alors, elle s'était apaisée et avait répondu le plus calmement possible aux questions que le Major lui avait posées.

Oui, Walter était venu la voir le soir de la bataille de Trost, et la veille également. Oui, il avait manifesté une vive inquiétude pour le sort de sa sœur. Non, elle n'avait pas eu de ses nouvelles par la suite, puisqu'elle avait gagné le lendemain matin le district de Stohess. Oui, il s'était fait casser le nez quelques années auparavant et oui, ça avait mis plusieurs semaines à se ressouder correctement, d'ailleurs, si on regardait bien, il n'était plus très symétrique, à présent. Après une bonne heure de questions, on l'avait laissée tranquille.

Les lettres de Liesel avaient également été passées au crible durant une heure supplémentaire, une par une. Rien de compromettant, une fois de plus, seulement des nouvelles. Rien sur l'expédition extra-muros, à part une brève mention au bas d'une page, rien sur les stratégies, rien sur les effectifs. À propos d'Eren, seulement quelques lignes de doutes sur ses réelles intentions. Certes, il était possible que cette correspondance soit un leurre, mais il aurait semblé étonnant au Major que le frère et la sœur aient poussé le vice aussi loin, étant donné les profondes lacunes que leur supposé plan comporterait déjà.

Enfin, Erwin Smith était revenu s'entretenir avec Walter pendant trois quarts d'heure. Étant donné l'état d'épuisement avancé du jeune homme et la cohérence parfaite de ses propos, il devenait fort peu probable qu'il ait quoi que ce soit à voir avec ce dont on le soupçonnait. Un menteur, sous cette pression et cette fatigue, serait vite devenu illogique et se serait empêtré dans ses explications, revenant sans cesse sur ce qu'il venait de dire et prétendant ne plus se souvenir de certains détails. Mais on n'était jamais trop prudent, aussi avait-il décidé de le laisser sous surveillance un petit moment. Le jeune homme avait immédiatement approuvé.

« On n'est jamais à l'abri... Avait-il dit. Peut-être que j'ai pu faire sans le réaliser des choses qui ont aidé ces gens, tout comme ma sœur. Si vous gardez un œil sur elle et sur moi, on pourra peut-être limiter la casse. »

Il sortit de sa contemplation, reportant son regard sur la porte lorsqu'il l'entendit s'ouvrir.

« Tu as réussi à le faire changer d'avis, alors... » murmura-t-il, se levant péniblement.

Un sourire amusé lui répondit. Il ne s'était pas trompé, c'était bien elle. Son visage n'avait pas changé le moins du monde, elle semblait juste bien plus fatiguée et, paradoxalement, en meilleure santé. Ses pommettes étaient moins dures, les couleurs de son visage plus vives et ses yeux plus brillants.

Lorsqu'elle l'enlaça doucement, il ne put s'empêcher, en posant ses mains dans son dos, de remarquer qu'elle avait sûrement pris un peu de poids ; ses omoplates se dessinaient bien moins qu'avant sous le tissu fin de sa robe. Le changement de vie de son ancienne complice semblait lui réussir, malgré les évènements catastrophiques de ces dernières heures.

« Je n'aurais jamais pensé que tu aurais un jour besoin de moi pour éviter la prison. » Murmura-t-elle, le front contre son épaule.

Ce que ce genre d'étreintes avait manqué au jeune soldat... Certes, Isa n'avait ce genre de geste que très rarement auparavant, mais il avait tout de même réussi à s'y habituer. Il la serra contre lui, tentant de ne pas lui broyer les côtes au passage. Il ne contrôlait plus vraiment les muscles de ses bras, ankylosés par la position qui avait été la sienne pendant des heures.

« J'aurais évité si j'avais pu... Je ne voulais pas t'impliquer. Se justifia-t-il.

- On devrait s'impliquer un peu plus souvent l'un et l'autre. Regarde où on en est, à force d'essayer de ne pas s'attirer d'ennuis.

- Tu as peut-être raison. » Soupira-t-il.

C'était étrange, cette atmosphère. Ils avaient pourtant beaucoup de choses à se dire, mais ni l'un ni l'autre ne semblait vouloir prendre d'initiatives. Trop de questions se posaient encore, il était difficile de décider par où commencer.

« Tu as une mine affreuse. Finit par murmurer Isa, desserrant son étreinte pour pouvoir observer ses traits. Ils ne t'ont pas fait de mal, au moins ? »

Il semblait bien faible, comparé à la dernière fois. Le morceau de tissu qu'on avait utilisé pour l'empêcher de se mordre la langue avait frotté contre les commissures de ses lèvres, y laissant deux traces rouges. De même, la peau de ses poignets était sérieusement abîmée. En dehors de ça, et de sa côte douloureuse, il était intact, mais la fatigue avait marqué son visage.

« Ils ne m'ont rien fait, je suis juste épuisé. La rassura-t-il, calant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Qu'est-ce qu'ils te voulaient ? S'enquit-elle d'un air inquiet.

- Je ne suis pas censé t'en parler, pour le moment tout du moins. Je suis désolé, mais je ne le ferai que lorsque j'en aurai l'autorisation.

- Ne t'excuse pas, ça ne dépend pas de toi... On a le temps, maintenant. Je n'ai pas l'intention de m'enfuir à nouveau. Sourit-elle tristement.

- Pourquoi être partie ? » Demanda-t-il dans un souffle.

La réponse l'effrayait. Il n'avait que des hypothèses floues, mais sentait qu'elles ne pouvaient pas vraiment correspondre à la réalité. Quelque part, il avait peur que ce soit de sa faute. Et lorsqu'Isa le lâcha, reculant d'un pas incertain, son inquiétude n'en fut que plus intense.

La jeune femme s'assit sur une caisse au hasard, lissant sa jupe du plat de la main.

« Le soir où tu es venu, la situation était... Très compliquée. Pour tout dire, il y avait trois autres personnes chez moi qui n'étaient pas censées se trouver là. Murmura-t-elle.

- Trois ? »

Elle hocha doucement la tête, les lèvres pincées, comme pour s'empêcher de parler trop vite. Il fallait qu'elle prenne son temps, qu'elle pèse ses mots pour ne pas partir en roue libre, et surtout pour qu'il comprenne ce qu'elle était sur le point de dire.

« J'ai retrouvé Marie. Finit-elle par lâcher. Enfin, disons plutôt que c'est elle qui est venue me trouver, avec son enfant. Elle était morte de peur, elle était blessée et disait qu'on l'avait suivie.

- Si elle était suivie, pourquoi est-elle venue chez toi ? Demanda-t-il, incompréhensif.

- Elle était terrorisée, mais n'osait pas aller se réfugier au quartier général des brigades spéciales, ils lui faisaient peur. Elle pensait peut-être que je pourrais l'aider, sauf qu'elle était déjà à l'agonie quand elle a franchi ma porte. Je ne sais même pas comment elle a fait pour courir jusque là. J'ai rien pu faire du tout, elle s'est vidée de son sang en quelques minutes à peine...

- Attends une minute. L'interrompit-il. C'était elle, le corps dans ta chambre ? »

Les phalanges de son interlocutrice prirent une teinte cireuse, ses poings se refermant sur le tissu de sa jupe.

« Alors elle est restée pourrir là ? Murmura-t-elle, son timbre d'ordinaire léger voilé de colère et de chagrin mêlés.

- Quand je suis rentré et que je l'ai trouvée, j'ai demandé à ce qu'on l'enterre décemment. Elle a une sépulture convenable, j'ai noté l'emplacement si tu souhaites t'y rendre. Tenta-t-il de la rassurer.

- Merci... »

La jeune femme baissa la tête, décrispant lentement ses mains. Il fallait qu'elle se reprenne, elle avait eu le temps de pleurer plus que de raison. Si elle se laissait aller maintenant, elle perdrait le contrôle de ses nerfs pour un bout de temps, et elle ne voulait pas gâcher les retrouvailles avec son ami par une crise de larmes incontrôlée. 

« Son enfant... Il est toujours avec toi, c'est bien cela ? Demanda Walter d'une voix douce, tentant de changer de sujet sans la brusquer pour autant.

Il avait déduit cela du récit de Grant combiné au sien, et comprenait bien mieux, à présent. Il savait qu'Isa n'avait jamais mis un seul enfant au monde, aurait tout fait pour s'en débarrasser si c'était arrivé, et ne se serait pas occupée de n'importe qui. Avec le peu d'économies qu'elle avait de côté, une bouche à nourrir supplémentaire aurait pu lui être fatale.

« Elle me l'a confié... Alors, j'en prends soin de mon mieux. Ma patronne a accepté de veiller sur lui le temps que je vienne te voir. » Soupira la jeune femme.

Alors elle avait trouvé du travail. Tant mieux. Une femme seule et sans alliance avec un enfant accroché à ses jupes avait souvent beaucoup de mal à se faire embaucher, elle avait eu de la chance de tomber sur quelqu'un d'un peu plus ouvert que les coincés bien-pensants du centre.

« Je suis sûr qu'il est très bien avec toi...

- Permets-moi d'en douter. Il fait des terreurs nocturnes, des cauchemars à répétition. Il se souvient de sa mère, et de ce sale type. Ça le fait hurler toutes les nuits... Et maintenant qu'il a vu un véritable titan, ça risque d'être pire.

- Ce sale type ? De qui tu parles ? » Demanda-t-il, les sourcils froncés.

Il n'avait pas perdu le fil, et il lui semblait bien se souvenir qu'il y avait une troisième personne dans la chambre d'Isa ce soir-là. Cependant, il ne lui était pas venu à l'esprit qu'il puisse s'agir de quelqu'un de dangereux. Dans son esprit, lorsque Marie avait rendu l'âme, Isa s'était sentie menacée et avait immédiatement pris la fuite. Mais visiblement, la situation était plus complexe encore que ce à quoi il s'attendait.

« Kenny. L'homme au chapeau, l'éventreur, appelle-le comme tu veux. Son homme de main n'avait pas réussi à tuer Marie du premier coup, alors il est venu s'assurer en personne que le travail était terminé. » Murmura-t-elle, la voix grondant d'une haine sourde.

Il resta un moment abasourdi, clignant des yeux pour tenter de faire le point. Comment diable une femme sous le choc et un enfant de dix-huit mois avaient-ils pu s'en sortir face à quelqu'un de cet acabit ?

« Il était déjà là quand tu es arrivé. Reprit-elle, ne lui laissant pas le temps de s'interroger davantage. Quand tu as frappé à la porte, j'ai cru que c'était fini, qu'il allait simplement s'en aller pour ne pas être pris et qu'on pense que j'étais la meurtrière. Mais il m'a arraché le petit des bras, a posé son couteau sur sa gorge, et m'a dit de te faire partir le plus vite possible. J'avais pas le choix, alors... J'ai fait ce qu'il me disait de faire.

- J'aurais dû savoir que quelque chose n'allait pas. Je suis désolé.

- Tu n'as pas à l'être. Elle était déjà morte à ce moment là, et les choses auraient pu tourner encore plus mal si tu étais intervenu. dit-elle d'un air résigné. 

- Mais si j'avais compris, j'aurais pu prévenir les autres...

- Eisenmann. Ce qui est fait est fait, n'essaye pas de prédire ce qui serait arrivé si les choses s'étaient passées autrement. » murmura-t-elle, de plus en plus lasse.

Elle avait raison, il en était conscient. Alors il ravala ses mots, se mordillant l'intérieur de la joue pour s'empêcher d'en rajouter. Elle n'avait certainement pas besoin qu'il le fasse, et encore moins envie.

« J'ai beaucoup réfléchi, une fois arrivée ici. Reprit la jeune femme, croisant ses mains devant elle. Je ne savais pas que tu avais changé de poste, alors, je pensais qu'il me faudrait retourner dans le centre si je voulais te dire que j'étais bien en vie. Je n'ai pas osé le faire.

- Tu as pris la bonne décision. »

La brune acquiesça doucement, empruntant un instant la tasse de Walter pour boire une gorgée de thé. Elle avait la boule au ventre, et le nœud dans la gorge ne semblait pas décidé à disparaître.

« Maintenant que je sais que tu étais ici, ça me semble évident, mais sur le coup, ça l'était moins. Si je t'ai inquiété, j'en suis désolée. Partir était le seul moyen de sauver nos peaux, il me l'a fait comprendre.

- C'est lui qui t'a dit de venir à Stohess ?

- Il ne me l'a pas dit. Il m'a juste collé le petit dans les bras et m'a dit de disparaître. J'ai à peine eu le temps de récupérer mes économies avant qu'il ne me flanque à la porte.

- Tu as eu de la chance... Comment tu l'as convaincu de te laisser partir ?

- J'ai essayé de lui dire que le petit était de moi... J'ai baratiné, raconté que l'enfant de Marie était mort-né, que je lui avais confié le mien parce que je ne pouvais pas le garder et que la perte du sien l'avait dévastée. Il ne m'a pas crue, je m'en suis bien rendu compte... Je ne sais même pas pourquoi il nous a épargnés, alors qu'il n'a eu aucune hésitation lorsqu'il a achevé Marie. Elle n'était pas une menace, elle était mourante. Il n'avait pas besoin de faire ça.

- Pour le père de l'enfant, elle l'était. Elle connaissait son nom, son visage. Si elle avait survécu, elle aurait pu ruiner sa réputation, son mariage, sa famille.

- Je ne vois pas de pire mort que de crever pour préserver l'image d'un homme. C'est lui qui est venu la trouver, et qui a complètement ruiné sa vie avec cet enfant. Pourtant, à la fin, c'est elle qui a payé. C'est dégueulasse. Lâcha-t-elle avec mépris. Si je retrouve ce type...

- Isaline. Le tuer ne servira à rien. Il a plus de pouvoir que nous, ne gâche pas ta vie. »

Elle pâlit à vue d'œil, son visage revêtant une expression angoissée. Visiblement, le jeune homme avait gaffé. Il se mordilla l'intérieur de la joue pour éviter de dire une nouvelle bêtise, même s'il n'avait aucune idée de ce qui avait pu la faire réagir de cette manière. Il enchaînait les gaffes, ce soir... Heureusement qu'il n'avait pas fait ce genre de choses lorsqu'il s'entretenait avec le Major, ou il serait encore enfermé à l'étage inférieur, sous bonne garde.

« Comment m'as tu appelée ? Demanda-t-elle dans un souffle.

- Excuse-moi, j'ai failli oublier de te le dire. C'est ta logeuse qui m'a donné ton véritable prénom.

- Et mon nom de famille ?

- Aussi. » Dit-il avec une certaine hésitation.

Un silence s'installa, durant lequel les deux jeunes gens se regardèrent en chiens de faïence. Finalement, ce fut Isa qui détourna le regard.

« La vieille morue, je vais lui sortir les tripes du ventre et l'étrangler avec.» Marmonna-t-elle sans grand enthousiasme.

Son ami vint s'asseoir près d'elle, passant un bras autour de ses épaules tremblantes. Il n'était pas stupide, il voyait bien qu'elle ne se sentait pas bien et voulait comprendre pourquoi elle se mettait dans des états pareils.

« Ce n'est qu'un nom, pourquoi réagir aussi fort ? Demanda-t-il calmement.

- Eisenmann... Il y a encore beaucoup de choses que tu ne sais pas à mon sujet. Alors s'il te plaît, n'utilise plus jamais ce prénom. Il m'écorche les oreilles. Reprit-elle d'une voix plus sereine, mais toujours voilée d'une émotion qu'il n'aurait su nommer.

- Je ne l'utiliserai plus, c'est promis. Tu me raconteras pourquoi, un jour ?

- Un jour, oui... Je pense que ce soir, on s'est raconté suffisamment d'histoires qui finissent mal pour l'année qui vient. Soupira-t-elle

- Au moins, on est encore là pour les raconter. C'est déjà ça de pris. » Sourit-il.

La jeune femme acquiesça lentement, ses yeux bleus fixés sur le mur en face d'elle.

« Je suis heureuse de pouvoir te parler à nouveau. Je n'ai plus rien de ma vie d'avant, plus personne. Juste toi.

- Tu reconstruiras tout ici, et bien plus encore.

- Maintenant que tu es là, j'ai comme l'impression que ce sera encore plus facile. Sourit-elle doucement.

- Je t'aiderai autant qu'il le faudra. C'est promis.

- Je ne te demande pas de m'aider à recommencer. Je voudrais qu'on construise quelque chose tous les deux, toi et moi. Ensemble. »

Elle avait eu tout le temps nécessaire pour réfléchir, seule dans sa chambre, l'enfant de Marie endormi sur ses genoux. À imaginer à quoi tout cela pourrait ressembler, si elle parvenait à retrouver son ami. Si elle réussissait à le faire rester dans les parages, à le voir à nouveau. Était-ce une trahison envers la disparue, de s'attacher autant à une enflure des brigades spéciales ? Avec le temps, elle avait réussi à se persuader que non.

Et puis, la mort de Marie avait eu au moins le mérite de tourner une page. Elle avait mis derrière elle les nuits froides et agitées, la faim qui lui avait tordu le ventre pendant de longues années et les mixtures immondes et toxiques qu'elle devait ingurgiter pour ne pas tomber enceinte. Les avortements clandestins, quand ces dernières s'étaient avérées inefficaces, qui avaient failli la tuer. Les faibles étreintes, avant le lever du soleil, dans les bras de sa seule véritable amante, quand elles avaient les jambes en compote et et le ventre vide. Elle avait traîné ce fardeau pendant des mois, se sentant s'éloigner de tout cela avec une certaine angoisse, sa compagne ne devenant qu'une amie, puis une connaissance, et enfin un souvenir flou. Maintenant qu'elle avait pu dire adieu au dernier témoin de cette triste époque, les craintes qui opprimaient sa poitrine s'étaient comme envolées. Elle se sentait libre d'aller de l'avant.

« Tu penses qu'on en est capables ? Demanda-t-il dans un souffle.

- Et toi ? » Répondit-elle simplement, un sourire doux au coin des lèvres.

Merde. Elle l'avait eu. Évidemment qu'il le pensait. Il avait juste peur de se laisser emporter par le soulagement de la retrouver, et de s'engager dans quelque chose qui le dépassait. Ne pas avoir de maîtrise sur ce qu'il faisait était l'une des choses qui l'angoissait le plus. Mais d'un autre côté, pour une fois, est-ce qu'il ne pourrait pas faire un effort ? S'il restait là sans rien dire, il le regretterait certainement jusqu'à la fin de ses jours.

Il n'avait même pas songé qu'elle était peut-être en train de le manipuler pour obtenir dieu sait quoi. Après tant de temps passé à réfléchir côte à côte et à partager des cigarettes à minuit, ses premières craintes et sa montagne de préjugés s'étaient estompées. Elle était honnête avec lui, sincère, même si elle avait une fâcheuse tendance à présenter les choses sous l'angle qui l'arrangeait le mieux. En lui demandant de rester à ses côtés, elle ne cherchait pas un quelconque bénéfice. Juste un ami. Et un peu plus, s'il n'avait pas surinterprété ses propos.

« Bien sûr. » Murmura-t-il.

La jeune femme sourit doucement et embrassa sa joue. Il sentit ses oreilles chauffer, signe qu'il était certainement en train de rougir comme un adolescent. Dix-neuf ans, et toujours pas fichu de rester stoïque.

« Merci, Walter. » dit-elle simplement, posant sa tête contre son épaule.

Il laissa échapper un léger sourire à l'entente de son prénom et la serra un peu plus contre lui, encore bouleversé mais ravi par la tournure qu'avait pris cette discussion.

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