Chapitre 1.1:
Lorsque j'arrive près de la porte, j'ai un premier mouvement de recul. Les cris se font de plus en plus assourdissants, je dois ouvrir cette porte mais la peur me paralyse complètement. Une voix derrière la porte hurle:
- A l'aide ! Aidez moi !
Je me réveille en sueur, totalement paniquée:
- Ce n'était qu'un rêve.
Je me redresse pour lire l'heure.
- Il est 5 heures je vais encore être en super forme.
Je me lève, comme je peux, et je lance la machine à café mécaniquement. Je m'habille puis je descends au parc en bas de chez moi. A cette heure-ci le parc est fermé mais j'ai l'habitude d'escalader la barrière, elle n'est pas très haute et puis les gardes de ma ville ne sont pas très compétents à vrai dire. Assise sur l'herbe, je lis un bouquin, tout en prenant des notes. J'aime lire et m'inspirer de la littérature pour écrire mes propres oeuvres, enfin mes brouillons, que je ne finis jamais. Soudain, je sens une présence s'approcher.
- Que fais-tu à cette heure ci, demande la voix inconnue.
J'enlève mes écouteurs de mes oreilles puis, interloquée, je répond d'une voix calme:
- Et toi, qui es tu?
Il ne me répond pas. Nous nous regardons l'un l'autre pendant de longues secondes les yeux dans les yeux. Je devrais me méfier q'un inconnu vienne me parler à cette heure dans un parc fermé mais pourtant je reste là à le regarder sans rien faire. Je suis comme absorbée par ses prunelles émeraudes. Il a une aura particulièrement envoutante. Mais tout d'un coup, je ne sais pas quoi, mais quelque chose me perturbe dans son regard, je détourne la tête et fais semblant de me remettre à ma lecture, tentant en vain de cacher mon trouble. L'instant d'après, consciente de ma nonchalance, je souhaite m'excuser mais personne. Le parc est désert. Il a disparu.
Il est 6h30, je suis revenue chez moi et je m'apprête à aller à l'université. J'ai envoyé un message à mon meilleur ami.
- Hey Alex on se retrouve à la bibliothèque après les cours du matin
Quelques minutes plus tard, alors que je lace mes chaussures, mon téléphone vibre:
- Ok Selena à toute à l'heure.
Pendant que je marche pour me rendre à la fac, je n'ai en tête que le jeune homme que j'ai rencontré ce matin. Il est si mystérieux et je me demande comment il a réussi pour disparaître aussi vite. Tout à coup, je me sens mal. Ma tête se met à tourner, je m'arrête pour m'assoir et reprendre mes esprits.
- Mais... Qu'est ce qui m'arrive.
- Eh Selena attend moi! Lorsque Alexandre est arrivé à mon niveau il comprend instinctivement que je ne vais pas bien, hey qu'est ce qu'il y a Selena?
- Tout va bien Alex, ne t'inquiète pas. C'est juste que en ce moment je suis un peu fatiguée.
Je ne veux pas qu'Alexandre se fasse du souci pour moi, je sais que je suis fatiguée mais ce que je viens de ressentir n'a rien d'habituel et cette sensation ne peut pas provenir d'une simple fatigue.
- Il faut que tu prennes le temps de te reposer tes cernes te trahissent.
- Merci du compliment, rétorqué-je ironiquement.
- Mais de rien madame. Bon avant d'aller au premier cours on a encore un bon quart d'heure pour aller manger un bout à la cafétéria. Il te faut du sucre ça te fera du bien.
- Mouais ne cherche pas d'excuse, on sait tous que t'es un gros goinfre.
- Et bien, tu n'auras pas une miette de mes gaufres je te le dis.
Lorsque je retrouve Alexandre à la bibliothèque après les premiers cours de la matinée, il a déjà entamé son déjeuner. En plus, il n'est pas très discret car il est interdit de manger au sein de la bibliothèque. Mais la plupart du temps nos sandwichs passent inaperçus.
- Tu aurais pu m'attendre! En vrai je ne comprends même pas pourquoi ça m'étonne encore, me moqué-je en attrapant une frite de son plat.
- Mais comment oses-tu? s'indigne t-il en rigolant
Je sors de quoi grignoter et me met à écrire. Je m'essaye à la poésie en ce moment. Une demie-heure plus tard, Alexandre me sort de mes rêveries poétiques:
- Je dois y aller Selena, j'ai cours.
- A plus!
Je reste encore à la bibliothèque de mon université. Cet endroit est un refuge pour moi. La bibliothèque est magnifique. Les tables en bois massifs, les différentes peintures qui décorent les murs et la multitude de livres qui inondent l'espace font de ce lieu une sorte de vieux musée fantastique et je m'y sens bien.
A la fin de la journée, Alexandre et moi avons décidé de rejoindre le reste de la bande au Village, c'est un café, plutôt banal mais il a l'avantage de se trouver à deux minutes de notre université. En arrivant tout sourire Alexandre lance:
- Hey les gars comment vous allez?
- Salut! La nouvelle année commence mais la rentrée et les cours s'annoncent difficiles, répond Mila.
- C'est vrai mais enfin! Le lycée c'est terminé! Je n'en pouvais plus, qu'en je pense que les profs voulaient me faire redoubler, renchérit Simon en s'esclaffant.
- Ne fanfaronne pas trop, se moque Mila
Mila et Simon sont ensembles depuis la seconde. Tous les quatre nous nous connaissons depuis le collège. Nous avons tous grandi dans la même petite ville et avons passé notre scolarité ensemble. Comme nous obtenions des résultats moyens au lycée nous n'avons été qu'acceptés dans la fac de notre quartier. Alexandre remarque que je suis soucieuse. Je rêvasse en regardant dehors par la fenêtre.
- Selena dis moi à quoi tu penses? Se demande-t-il.
Surprise, je redeviens plus attentive.
- A ce que l'on pourrait faire Samedi ça fait longtemps que je ne suis pas sortie.
Tout le monde est étonné par ma réponse. C'est toujours Alexandre qui me pousse à sortir d'habitude. Je suppose que mon changement d'attitude est lié à tout ce qui m'est arrivée depuis ces derniers mois.
- Et bien quel changement toi qui me trouve mille et une excuses à chaque fois que je veux qu'on fasse un truc, répond Alexandre.
- Je suis carrément partante, s'enthousiasme Mila
- Il y a une fête organisée par un de mes potes de l'équipe de basket. Il a une grande baraque et m'a dit que je pouvais ramener du monde, propose Simon.
- Et bien parfait ! S'exclame Alex.
Il se fait tard et nous décidons de rentrer chez nous. Je mets mes écouteurs et commence à marcher. J'aime me balader avant de rentrer chez moi. En fait, ma petite ville je l'aime bien. Il fait beau la plupart du temps, je sens la douce chaleur du soleil de septembre caresser ma peau. J'apprécie contempler la nature se mêler à la ville, la grande ville ne m'attire pas contrairement à Simon qui aurait tout donner pour réussir à rentrer dans une meilleure université même s'il ne se l'avoue pas. Quand je pense que Mila a sacrifié son entrée dans cette école à Paris pour rester auprès de Simon.
Mila aime profondément Simon et elle ne veux pas se séparer de lui. De plus, Paris s'avère être aussi le rêve de Simon et elle ne veux ni le blesser ni vivre ses rêves sans lui. Mais Mila a fait beaucoup d'efforts en fin d'année scolaire et a fini par réussir mais elle a choisi de tout abandonner pour Simon. J'ai du mal à la comprendre... Ou peut-être que c'est ce genre de décisions que l'on prend quand on est amoureux. Comment pourrai-je le savoir je n'ai jamais été amoureuse. Malgré mon côté rêveur et artistique, j'ai toujours eu du mal à dévoiler mes sentiments. Ce dont je suis sûre c'est que je garderai toujours le secret de mon amie et que je n'en parlerai jamais à Simon.
Soudain, je suis sortie de mes pensées quand j'aperçois le jeune homme que j'ai rencontré ce matin. Il est assis sur un banc, dans le même parc, en train de lire. Je n'avais pas remarqué sa beauté lors de notre première altercation. Ses cheveux sont d'un noir profond, ils contrastent avec sa peau pâle. Il a les bras tatoués ce qui lui donne un côté encore plus sombre. Je m'avance curieuse d'en apprendre plus et d'enfin répondre aux questions que je me pose depuis ce matin. Pourquoi est-il venu me parler? Que faisait-il de bon matin dans ce parc fermé? Peut-être la même chose que moi après tout... Mais surtout comment a-t-il fait pour disparaître aussi vite?
- Hey, tu es le garçon de ce matin... je me trompe?
Il lève les yeux de son livre et pose ses yeux verts sur moi. Il dit calmement:
- Et toi la jolie fille du parc.
Ok... Au moins c'est clair c'est un dragueur. Sans relever son compliment, je me présente:
- Je m'appelle Selena, et toi?
- Enchanté de faire ta connaissance Selena, moi c'est Daniel, dit-il avec un sourire charmeur.
J'en oublierai presque pourquoi je suis venue lui parler. Selena ressaisis toi. Pourquoi suis-je aussi peu méfiante avec ce mec?
- Alors comme ça tu aimes te balader dans les parcs fermés à 5h du mat? Dis-je ironiquement
- Je pourrais te faire la même réflexion.
- Moi j'ai l'habitude de venir dans ce parc et je ne t'y ai jamais vu. Tu sais la ville n'est pas si grande. Je suppose que tu as déménagé il y a peu de temps.
- C'est exact. En fait, j'ai emménagé dans cet immeuble juste hier.
Il pointe du doigts mon immeuble et continu:
- Je suis descendu dans ce parc car je n'arrivais pas à dormir et disons que j'aime bien le contact avec la nature. Je sais pas ça m'apaise...
Ça nous fait un point commun.
- et puis je t'ai vu et je n'ai pas pu résister à l'envi de venir te parler...
- Ça fait 5 minutes que nous parlons et je crois avoir déjà cerner un trait de ta personnalité. T'es un grand tchacheur hein dis moi? Me moqué-je
Un sourire se dessine sur ses lèvres. Il en a complètement conscience. Je suis sûre que c'est le genre de type à tenter de séduire toutes les nanas qu'il croise. Il a confiance en lui et il en joue beaucoup trop à mon goût.
- Mais je ne dis rien que la vérité.
- Ahah c'est cela, dis-je avec ironie. Tu as quel âge ?
- 18. Je vais à l'université Diderot dans le quartier.
- Moi aussi en licence de philo et lettres.
- Ça ne m'étonne pas!
- Que veux tu dire? Dis-je naïvement.
- Rien rien... mois je suis en licence de lettres et de sciences politiques.
Je prends le livre qu'il lisait. Les liaisons dangereuses de Laclos. C'est un livre que j'adore.
- Tu lis ça toi?
- Pourquoi ça t'étonne?
- Pour rien. Je...
Il jette un coup d'oeil à sa montre et se lève brusquement. Je suis surprise et m'interrompt.
- Je dois y aller. Salut.
Il pars. Quand je me retourne il n'est déjà plus là. Bizarre.
Quand je rentre chez moi, il est 20h je suis restée dehors le plus longtemps possible. Je n'aime pas rentrer chez moi. Je n'aime pas être seule, je ne supporte plus cette solitude. Ça fait deux mois maintenant, deux mois que la maladie l'a emporté. Mon père avait 55 ans. Il nous a élevés moi et mon grand frère. Je n'ai jamais connu ma mère. Enfin, quand je dis qu'il nous a élevés, « élevés » est un bien grand mot. Disons que c'était notre tuteur légal. Mon frère a été mon pilier pendant toutes ces années, c'est lui qui me rassurait quand notre putain de père rentrait bourré quasi tous les soirs. Aujourd'hui, mon père est mort. Je n'ai plus de parents ou peut-être que je n'en ai jamais eu. Mon frère est parti de la maison quand j'avais 17 ans, il a monté un groupe de musique avec ses potes et ça a bien marché puisque en ce moment même il est en tourné. Il me manque mais je suis contente pour lui car il fait ce qu'il aime au quotidien et gagne sa vie grâce à sa passion. L'argent a toujours manqué à notre « famille ». Mon père enchainait les petits boulots sans les garder bien longtemps, il se faisait toujours virer au bout d'un moment. C'est un irresponsable de première classe. Pour payer mon studio, je travaille dans un bar quelques jours dans la semaine, j'ai des allocations étudiantes et mon frère m'aide aussi. Bref, c'est pour tout cela que maintenant je veux sortir et m'évader avec mes amis. Eux aussi ont été d'un grand soutient même si ils ne connaissent pas mon passé entièrement. Je veux sortir de cette routine infernale qui m'oppresse.
Il est 2h du matin quand j'arrive enfin à trouver le sommeil. J'aperçois une porte qui me semble familière mais je ne comprends pas où je suis. J'entends des cris assourdissants. Ce sont des appels à l'aide. J'ai l'impression qu'ils me sont adressés mais je n'arrive pas à faire quoi que ce soit. Je panique.
Quand je me réveille je suis tremblante.
- Encore ce rêve je n'en peux plus!
Je suis à bout, je n'ai plus d'énergie et me rendors quelques minutes plus tard.
Le lendemain je me réveille lourdement. Je regarde ma montre:
- Merde! Il est déjà 8h et mon premier cours commence à 8h15...
Je m'empresse d'enfiler mes habits, un short en jean, un tee-shirt noir et mes Docs Martins, sans prendre le temps de réfléchir. Je passe 5 minutes à la salle de bain. J'avale un café et je mets mes écouteurs, je suis incapable de faire le trajet sans musique. Quand j'arrive devant ma salle de littérature, l'horloge affiche 8h45. J'entre dans l'amphithéâtre en essayant de ne pas me faire remarquer. Mais malheureusement pour moi c'est raté:
- Vous êtes ? Demande le professeur avec un air hautain.
- Selena Tesse.
Il s'adresse aux autres élèves de la classe:
- Et bien Mlle Tesse vous me permettez de montrer aux autres élèves, dès le premier jour, les conséquences que subissent les retardataires dans mon cours. Vous ne ferez pas un pas de plus dans cet amphithéâtre. Retournez dehors je vous prie.
Ce prof me déteste déjà. Géniale je n'aurais pas rêvé mieux comme entrée en matière pour débuter mon année scolaire. Avant de quitter la salle je jette un coup d'oeil dans les gradins et je repère Daniel assis au fond entouré de nombreuses personnes, en particulier de filles. J'en étais sûre ce mec est un séducteur. Je sors de la salle et décide d'aller à la bibliothèque.
Quand j'arrive à mon cours de linguistique je croise le regard de Daniel mais ce dernier m'ignore complètement. Toute l'attention de la salle est sur lui. Il m'énerve déjà et fait comme s'il ne me connaissait pas. Je feins de l'ignorer et m'installe à ma place au fond de l'amphi. Je n'ai jamais vraiment été très studieuse. J'avais d'autres problèmes à gérer que l'école si on peut dire ça. Je suis finalement contente d'avoir atterrie un peu par hasard dans cette licence car au fond je crois que les livres sont devenus mon exutoire favori.