Je serrai les dents et me forçai à ignorer la douleur pour me relever. Je restai adossée au mur un court instant avant de me mettre en garde en dégainant mes saï. Le Shichibukai riait toujours, à la fois amusé et moqueur. Je fronçai les sourcils, toujours aussi surprise par cette soudaine attaque mais à présent sur mes gardes.
- Qu'est ce que tu me veux ?
- Ça ne se voit pas ? Te tuer bien sûr.
J'eus l'impression de me prendre un coup dans les entrailles. La guerre était finie, Sengoku avait donné le cessez-le-feu, pourquoi est ce qu'un Grand Corsaire cherchait à me tuer ? Il semblait décidé, et je savais pertinemment qu'il ne fallait pas sous-estimer sa puissance.
- J'ai pas l'intention de mourir ici.
Je voyais le Red Force amarré au loin, et mon équipage qui discutait à bord. Je n'avais aucune envie de me battre contre Doflamingo, je voulais rejoindre les autres et partir avec eux. Dans l'espoir d'occuper le pirate qui me faisait face, je poussai un cri suraigu destiné à lui blesser les tympans, puis courus entre les décombres vers le navire. Une main m'attrapa avec force le bras, m'empêchant de fuir, et j'eus à peine le temps de voir Doflamingo sourire qu'il m'envoya valser plus loin.
- Goshikito !
Ses mains griffèrent l'air et des fils de couleurs tranchants apparurent dans ma direction. Je pus les bloquer à temps en croisant mes saï, et avec un effort de force, je les renvoyai vers mon adversaire. J'enchaînai en essayant de l'atteindre à l'abdomen, mais il esquiva mon attaque. À vitesse-éclair, il se retrouva derrière moi et m'administra un coup de pied dans le dos. Je reculai et me retournai pour lui faire face. Mon crâne me faisait de plus en plus souffrir et me donnait le tournis, mais il fallait que je m'accroche si je tenais à la vie. Il était sérieux, et à travers ses lunettes violettes, il me jetait un regard appuyant son grand sourire.
- C'en est fini de toi et cette fois-ci, pas de joker.
Son rire s'intensifia tandis que je tâchai de rester de marbre. Cette fois-ci ? Oh et puis, peu importe. Je me remis en garde.
- Ne compte pas sur moi pour te donner satisfaction.
Je poussai un cri d'attaque et me jetai sur lui. Il bloqua mon attaque avec du Haki sans abandonner son sourire. Il pointa son index dans ma direction.
- Où est ton capitaine, au lieu de te prêter main forte ? Tamaito !
- Le Roi ne s'occupe pas lui-même de la racaille ! Il délègue ça à ses subordonnés.
J'évitai sans trop de difficulté ses fils balistiques. Je tentai de l'embrocher avec mes deux saï, il para le coup avec sa jambe. J'en profitai pour lever les yeux vers lui.
- Shanks mérite son titre de Yonko autant par sa puissance que par sa noblesse d'esprit. Tu n'es rien à côté de lui. Tu peux toujours te convaincre du contraire, mais il n'y a que la vérité qui blesse.
Je défis ma garde et m'éloignai, avant d'entamer le chant me servant à envoûter mes victimes. Mais dès que les premières notes eurent franchi mes lèvres, une vive douleur m'atteignit le cou. Un souffle rauque m'échappa. Mes yeux s'écarquillèrent. Je lâchai mes saï et tombai à genoux.
En tremblant, je portai une main à ma gorge.
J'haletai, mais n'arrivai pas à crier, ni même à prononcer une parole.
Je baissai le regard sur ma main. Elle était couverte de sang.
Doflamingo m'avait tranché les cordes vocales.
- Fufufufu... On dit que le silence est une vertu, surtout pour les insolents. Tu confirmes ?
Il riait. Les larmes me montèrent aux yeux. Je serrai les dents. Il m'avait égorgé en surface, juste assez pour que je perde la voix. Mes jours n'étaient pas en danger, pas encore.
Je tâtai le sol et repris en main l'un de mes saï en le serrant de toutes mes forces. Je n'avais pas le droit de me laisser abattre, ou c'était la mort assurée. Je me relevai et fit volte-face, bien décidée à vaincre, mais le Shichibukai fut plus rapide que moi. Je vis un éclair métallique, et quelque chose me transperça la poitrine en un coup.
Mon adversaire retira brutalement son arme de mon corps. Je pus apercevoir la lame, et je la reconnus. C'était le saï que j'avais laissé au G-5.
Je sentis un goût métallique m'envahir la bouche, et un filet de sang couler au coin de mes lèvres. Je regardai Doflamingo avec surprise, avant de basculer en arrière. Je tombai sur le dos, et ne pouvais même pas crier de douleur, ni appeler à l'aide. J'étais réduite au silence et à mon sort. J'allais mourir, c'était la seule certitude que j'avais.
Un poids vint s'affaisser sur mon ventre et raviva davantage la douleur. Je serrai les dents et lançai un regard noir au Démon Céleste qui avait pris ses aises. Les veines sur son front palpitaient, ses sourcils étaient froncés et son rictus me faisait froid dans le dos, mais je ne voulais pas m'abaisser à montrer ma peur. Je soutins son regard. Il finit par sourire, et vint poser trois de ses doigts sur mon œil gauche.
- Ton Shanks n'est pas là en ce moment. Il ne te sauvera pas.
Ses ongles s'enfoncèrent profondément. J'entendis un bruit écoeurant provenant de mon œil, suivi d'une violente douleur. J'ouvris la bouche pour pousser un cri, mais rien ne sortit. Un gloussement mauvais retentit, alors que je m'époumonai silencieusement. La torture reprit. Il enfonça à nouveau profondément ses ongles dans ma peau et me lacéra lentement en écartant les doigts, trois me griffant le visage au-dessus de l'œil et l'un me griffant en dessous. Ma peau s'ouvrait, je sentais le sang inonder ma figure et la douleur s'intensifier davantage, m'arrachant un nouveau hurlement silencieux. Je tremblais et convulsais, de l'écume coulait de ma bouche et mon œil droit menaçait de se révulser alors que Doflamingo enfonçait davantage ses ongles sans s'arrêter.
- Ton héros a une jolie cicatrice sur le visage, tu sais ça ? La tienne sera si immonde qu'il ne reconnaîtra même pas ton cadavre.
J'attrapai d'une main tremblante son poignet dans l'espoir de le stopper. En vain, il ne fit que rire. Je ne me retenais plus de pleurer et me débattais pour échapper à la douleur. De ma main libre, je tâtai autour de moi pour trouver une arme quelconque, pierre, tige, même du sable ferait l'affaire... Mes doigts heurtèrent finalement un métal froid, une garde. Je saisis la garde du saï et levai mon arme vers le Shichibukai. Je fus à nouveau trop lente, et lui trop rapide. De sa main libre il avait attrapé mon poignet, en stoppant la course de ses ongles dans ma peau.
- Plutôt désespéré comme geste, non ?
Il me serra avec force le poignet, m'obligeant à relâcher mon arme dans un gémisssement muet. Lorsqu'il me lâcha, mon bras tomba faiblement au sol. Je respirais avec difficulté et sentais le sang couler à flot de ma poitrine, de ma gorge et de mon œil. Une torpeur m'envahissait petit à petit. Je fermais à demi les yeux, mais pas complètement. Je savais que si je les fermais, ils ne se rouvriraient plus jamais. Je n'avais plus la force de me débattre, mais je ne voulais pas mourir là... C'était trop bête...
J'entendais Doflamingo rire. Je levais mon regard vers lui. Mon œil gauche ne voyait rien et je ne ressentais qu'une vive douleur à le bouger. Je fixai le Shichibukai. Il avait levé le saï et s'apprêtait à l'abattre. Je ne voulais pas mourir, mais j'étais soulagée. Il avait fini de jouer avec moi et allait me tuer rapidement.
Je cillai un bref instant alors qu'il abattait sa lame, mais soudain, sans que je puisse l'expliquer, un bleu très clair recouvrit Doflamingo. Il se statufia tout d'un coup. La pointe du saï frôlait ma gorge. Je laissai échapper un souffle. Je n'en revenais pas et ne comprenais pas ce qui s'était passé, mais je saisis la chance qui m'était offerte. D'une main, je poussai le Démon Céleste sur le côté et une fois débarrassée de son poids, je repris mes deux saï laissés au sol et me relevai. Dans la précipitation, je faillis retomber mais je me rattrapai à temps. J'haletai, j'étais devenue muette et borgne, je tenais à peine sur mes jambes, mais au moins j'étais en vie. Je rangeai mes armes à ma ceinture, puis posai une main sur ma blessure à la poitrine et la pressai, dans l'espoir de stopper l'hémorragie qui m'arrachait petit à petit ma vitalité.
Un faible sursaut me prit et j'écarquillais mon œil valide en sentant une main, plus grande que la moyenne, se poser dans mon dos. Et c'est là que je tiltai.
La température avait chuté d'un coup. Le sol s'était givré. C'était de la glace qui avait stoppé Doflamingo. Et cette main dans mon dos, elle était délicate, voulant me faire le moins de mal possible. J'esquissai un mouvement, mais il exerça une légère pression, m'intimant de ne pas bouger.
- Ne te retourne pas.
Malgré mon état déplorable, j'eus un sourire. Cette voix était calme, douce mais autoritaire. J'étais rassurée. Je ne craignais plus rien, j'étais en sécurité avec lui. Sa main exerça alors une plus forte pression sur mon dos et bientôt, un froid mordant m'envahit. Ma poitrine fût recouverte de gel. J'abandonnai mon sourire et mon optimisme pour laisser un frisson me parcourir l'échine. Je me mordis la lèvre. Moi qui d'ordinaire résistait plutôt bien aux très basses températures, je crus que j'allais mourir de froid. Je chancellai sur mes jambes, mais me forçai à me stabiliser.
Sa main avait quitté mon dos. Je sentis un mouvement rapide et léger, comme une caresse, sur ma tête. Il soupira.
- Je sais, c'est pas très agréable... Tu devrais rapidement rejoindre ton équipage. Tu veux bien me faire une promesse ? Ne meurs pas.