Le lieutenant-colonel Caron...

By FrdricPreneyDeclercq

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Un colonel impérial sauvagement assassiné dans une auberge parisienne. Son secrétaire particulier, Achille Fl... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16

Prologue

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By FrdricPreneyDeclercq



Le 6 février 1822, Colmar

      Après avoir parcouru un quartier étroit et encombré de cavaliers et de voitures en roulant sur une chaussée négligée et parfois boueuse, un fiacre s'immobilisa devant une maison aux fenêtres en baie et aux étages surplombants, légèrement en retrait d'une place pavée où débouchaient trois venelles commerçantes et colorées, animées par une foule bruyante et discontinue. Le cocher cria quelque chose et une femme d'une quarantaine d'années – élégante personne, cheveux longs et châtains – descendit de la voiture. Après une hésitation et un regard alentour, elle s'approcha de la porte d'entrée où sa main gantée fit sonner la cloche en cuivre. Effet immédiat, une domestique en habit sombre se présenta à elle, l'œil examinateur.

         « Est-ce ici la demeure du colonel Augustin Caron ? demanda sans préambule la dame. Dites-lui que la baronne Pailhès désire être reçue », ajouta-t-elle avec une pointe d'autorité, après le signe de tête de l'employée de maison.

         La visiteuse fut introduite dans un salon où un feu vif brûlait dans la cheminée, chauffant agréablement la pièce, après le froid mordant du dehors. Une fois seule, madame Pailhès s'installa dans un fauteuil, notant que la maison était fort silencieuse, presque triste. Mon imagination sans doute, se dit-elle en respirant profondément. Faute à mon humeur morose, ajouta-t-elle en pinçant ses lèvres.

         « Mes hommages, chère baronne, entendit-elle d'une voix grave, et, d'un mouvement rapide, elle se releva pour découvrir un homme un peu plus âgé qu'elle, le corps fin, vêtu d'un frac avec haut col pointu, pantalons longs et chaussures basses, des cheveux courts et grisonnants, un nez légèrement aquilin et un anneau d'or à l'oreille gauche.

- Mon cher colonel Caron, s'écria la femme, avant de se taire, rubiconde, car elle venait d'apercevoir le crêpe noir autour de son bras gauche.

- Notre petite fille, réagit l'officier imperturbable, quoique ses yeux étaient devenus ternes. Ingrid Clémence Caron, continua-t-il d'un ton plus bas. Une petite fleur de deux ans. La scarlatine... foudroyante.

- Oh ! Je suis désolée... Mon Dieu ! Vraiment désolée... Quel drame ! Si j'avais su...

- Sa mère est inconsolable.

- Pauvre mère...pauvre madame Caron...

- Nous venions juste de récupérer notre fils, continuait l'homme dans un murmure, le visage d'une effrayante pâleur. Nous étions enfin réunis... tous les quatre...

- Dieu du Ciel ! J'ignorais que vous aviez un fils, colonel, dit la baronne, s'accrochant à ce sujet de discussion, car l'apparence de son hôte la bouleversait. Mon mari ne m'en avait jamais parlé. Vous-même, lors de notre première rencontre, ajouta-t-elle avec un mouvement de sourcils, interrogateur.

- Quelquefois il est difficile de parler des histoires qui déchirent les familles, madame, dit Caron avec un sourire sans joie, tandis que d'un geste machinal de la main, il effaçait la larme qui menaçait de couler le long de sa joue. Alfred – c'est son prénom – est né avant notre mariage, poursuivit-il après une inspiration, en 1812, un enfant du pécher vous diraient les jésuites. Enfin pour vous résumer cette petite histoire, il était toujours en Prusse, chez ses grands-parents qui refusaient le moindre contact avec nous, depuis que j'avais enlevé leur fille, ma femme... En 1817, choix cruel, je n'avais pu emmener les deux.

- Je comprends, cher ami, murmura la baronne pleine d'affection. Mais laissons cela, voulez-vous ? dit-elle en effectuant un pas vers la porte. Veuillez m'excuser de vous avoir dérangé. Je vais dès à présent vous quitter, je ne peux que vous laisser paisiblement pleurer votre petite Ingrid, cet ange...

- Non, restez, madame, réagit l'homme. Dites-moi plutôt ce que vous vouliez de moi ? Pourquoi votre visite ?

- C'est sans importance, colonel... vraiment. Je suis confuse de vous avoir dérangé.

- Est-ce en rapport avec votre mari, le colonel Pailhès, mon vieil ami ? insista Caron avec un signe d'interrogation.

- Oui, mais je me refuse à vous embarrasser avec mes problèmes, dit la dame, les sourcils froncés. Votre situation, votre drame... je n'en ai pas le droit.

- Je n'ignore pas sa malheureuse tentative, madame, annonçait l'officier, entrant dans le vif du sujet. Saviez-vous qu'il m'avait demandé d'être à ses côtés à Belfort ? De le rejoindre avec le général Dermoncourt.

- Ah, je l'ignorais...

- Cela a été un crève-cœur de lui refuser mon concours, madame, croyez-moi. Mais, c'était à cet instant que nous récupérions enfin notre fils Alfred. Ma tendre épouse ne m'aurait pas compris si j'avais refusé de me rendre en Prusse à ses côtés. Des mois que nous nous débattions avec ses parents. Oui ! Vraiment ! Helena n'aurait pas compris, répéta-t-il, le regard fixe.

- Remerciez ce contretemps, car votre présence n'aurait pas empêché l'échec, et vraisemblablement votre arrestation.

- Nul ne le saura, mais sans doute...

- Aujourd'hui, mon époux risque l'échafaud, s'écria la dame avec des yeux fiévreux où perçait un mélange de haine et de peur. Je cherche tous les moyens possibles pour l'aider, pour le sauver.

- Vous avez frappé à la bonne porte, madame, réagit le lieutenant-colonel Caron, lui prenant la main. Venez, installons-nous près de la cheminée. Brossez-moi un portrait de la situation. Parlez-moi de votre idée et nous verrons ce que nous pourrons envisager. Ne l'oubliez pas, le colonel Pailhès est un vieil ami. »

                                                                                     ---

Sept jours plus tard, le 14 février 1822, ville de Chavelot, à une lieue d'Épinal.

         « ...Soixante-huit dragons exactement, racontait à voix basse un homme vêtu en bourgeois, cheveux gris, attablé dans une auberge sombre, face à un quidam à la chevelure rare et front rond, la moustache du brave, habillé d'une longue redingote claire. Oui, je commandais à seulement soixante-huit dragons, répéta le premier, après avoir avalé une gorgée de bière, j'étais à cette époque chef d'escadron. Depuis deux bonnes heures, nous traversions une satanée plaine aride, cherchant à rejoindre le régiment. Une fichue situation, surtout lorsque, positionnés sur une hauteur, nous sont apparus ces chiens d'Hispaniques. Je me souviens de la date, le 31 mars 1813. En face, il y avait bien trois escadrons qui nous attendaient en colonne serrée, piaffant d'impatience, avec à leurs côtés, quelques-uns de leurs moines dégénérés et ventripotents. Oh ! Mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai mis sabre au clair, et j'ai tourné mon cheval vers mes hommes. Vive la Nation ! leur ai-je simplement dit, et, sans plus attendre, j'ai chargé l'ennemi. Comme un seul homme, aux cris de Vive l'Empereur ! Vive la Nation ! mes braves m'ont suivi, sans exception. Ah ! Quelle charge, mon cher Roger ! Quelle charge ! J'entends encore sous mon crâne le martèlement des sabots de nos chevaux sur le sol. Tout s'est mis à trembler, le moindre brin d'herbe. Ah ! Quelle surprise pour ces jean-foutre d'en face qui pensaient nous voir fuir ventre à terre. Nous les avons culbutés, sabrés, massacrés. Nous leur avons bien tué quarante hommes et mis soixante hors de combat, dont plusieurs haut-gradés. Le premier que j'ai abordé, je l'ai attaqué d'un vigoureux coup de revers, alors qu'il voulait me larder le flanc droit. Le tranchant de mon sabre frappant sur ses dents noircies et passant entre ses mâchoires au moment où il criait pour s'animer, lui a fendu la bouche et les joues jusqu'aux oreilles. Ah, oui ! Quelle victoire ! Les survivants – ces couards ! – se sont débandés dans toutes les directions, abandonnant bêtes, curés, armes et matériels. Et c'est pour cette affaire que j'ai reçu la légion d'honneur.

 - Vive l'Empereur, mon colonel ! » s'écria l'auditeur en levant haut un verre de vin, le dénommé Roger, plus exactement Frédéric-Dieudonné Roger.

     L'officier impérial aux yeux gris vert qui venait de raconter son fait d'arme – le lieutenant-colonel Augustin-Joseph Caron – hocha la tête avec un rictus sur les lèvres, puis instinctivement jeta un coup d'œil par dessus l'épaule de son compagnon, sur une pendule à trois cadrans en marbre blanc et bronze doré, posée sur la cheminée de la salle.

     « Neuf heures vingt-cinq, annonça-t-il tout haut. Il est bientôt l'heure.

- Croyez-vous que votre judas de « de l'Etang » soit déjà là, mon colonel ? demanda Roger en grimaçant un sourire, l'espérant, car depuis qu'il connaissait l'officier supérieur, encore plus depuis que celui-ci avait placé son cheval en pension dans son manège à Colmar, il avait maintes fois entendu de sa bouche le souhait effréné de cette rencontre.

- Je ne le crois pas assez fat pour ne pas venir, lieutenant. (Caron tapota l'aile de son nez). Cela se devine. Depuis l'affaire du Bazar français, nous nous haïssons suffisamment pour ne pas rater ce merveilleux rendez-vous. Nous n'en avons que trop rêvé.

- Vous avez raison, mon colonel, fit l'autre en se raidissant d'un coup. Regardez dehors ces deux cavaliers qui arrivent de Charmes, celui de droite, c'est bien lui, non ? Ce maudit bâtard ? »

     Après s'être levé avec des gestes lents, le lieutenant-colonel Caron opina de la tête. Ah ! Son obsession première se réalisait enfin ! Il allait pouvoir sabrer ce fils de chien, ce maudit témoin à charge qui lui avait fait subir des mois de captivité, cette grande gueule, cause de sa mise en réforme sans traitement, malgré ses presque vingt-cinq ans sous les armes. Ce maudit judas ! Oui, il allait enfin payer, il allait lui trancher sa gorge, le saigner comme un pourceau. Il allait laver l'affront, lui faire payer leur échec. Oui ! Tuer cette charogne de royaliste !

      « Sortons à la rencontre de ces messieurs, dit Caron avec un mouvement de tête, le regard gris et tranquille, gardant ses injures pour lui-même. Mais rejoignons d'abord nos chevaux et nos armements, puis nous ferons la jonction.

- À vos ordres, mon colonel, s'écria Roger dont la voix tremblait d'excitation. À vos ordres, répéta-t-il, l'air presque dément. Et foutredieu ! Faites comme Barbier-Dufay vient de faire à Paris, clouez-nous ce misérable fat sur le sol. »

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