Isha (Sous Contrat d'édition...

By xeenaa31

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Quand les légendes deviennent réalité... Tala, jeune Amérindienne, vient tout juste de s'installer chez ses g... More

Avant propos
1. Deuils & Identité retrouvée
3. Famille & Légendes
4. Lycée & Premières rencontres
5. Présence & Nouveau venu
6. Tourmentée & Hermétique
Présentation des personnages

2. Sur la route & Bonners Ferry

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By xeenaa31


Une semaine plus tard.

Je traverse une dernière fois l'emblématique pont du Golden Gate, au volant de la voiture de grand-père, ma voiture désormais. Je quitte cette magnifique ville, qui m'a vu grandir et la parcourir. Ville aux allures provinciales et à l'esprit très indépendant, qui est à ce jour, un important centre bancaire et financier et une référence mondiale dans les technologies de pointe, notamment avec la célèbre Silicon Valley.
San Francisco m'a profondément marqué, surtout grâce à la mentalité de ses habitants. Car cette dernière reste marquée par les nombreux courants qui y sont nés : les Beatniks et la Beat Generation, puis le Black Panther Party, les Hippies, le Flower Power et les défenseurs des droits des homosexuels, Harvey Milk en tête. Il y a aussi le quartier de Castro qui est célèbre dans le monde entier pour, entre autres, avoir vu naître les mouvements LGBT, la plus grande Gay Pride des États-unis et le GLBT History Museum.
Je ne me suis jamais lassée d'emprunter les cables-cars pour monter et descendre les fameuses collines. J'ai toujours adoré admirer les maisons victoriennes alignées sur ses rues en pente, notamment la très sinueuse Lombard Street de Nob Hill, où vit Monsieur Smith. Je repense à tous ses quartiers ethniques où grand-mère et moi aimions tant aller flâner, Chinatown, Japantown, Mission et bien sur le quartier homosexuel, Castro.
On rejoignait souvent le Ferry Building Marketplace, une ancienne gare maritime qui accueille désormais un marché couvert faisant la part belle aux produits bio et producteurs locaux.
D'ailleurs, lorsque nous revenions de ce marché, grand-père s'empressait de fuir la pièce de la cuisine, qui se transformait vite en zone danger sous un déballage impressionnant de légumes, fruits, produits laitiers, viandes ou produits de la mer selon nos envies. Je le suspectais d'apprécier ces moments autant que nous, car je rencontrais souvent son regard malicieux qui nous observait avec attention, de sa place accoudé sur la table du salon, où il continuait à se pencher sur une de ses nombreuses affaires. J'adorais ce quelque chose d'exaltant qui se dégageait aussitôt de l'atmosphère de la pièce.
Désormais, je quitte tout ce qui faisait ma vie jusqu'ici, n'ayant plus personne mais emportant avec moi, les nombreux souvenirs de ce que fût ma vie dans cette partie du monde. Des souvenirs heureux, et aussi ceux, insupportables, qui m'empêchent de trouver le sommeil le soir, l'esprit trop tourmenté par les pertes que j'ai subi. Autant j'aime cette ville, autant je ne peux plus y rester. La découverte de ma famille maternelle est une bénédiction pour moi. Elle me permet de fuir cet endroit que j'appréciais tant mais qui, aujourd'hui, est peuplé de beaucoup trop de fantômes qui m'empêchent d'avancer.
Comme me l'a si bien souhaité grand-mère, je fonce vers ma nouvelle vie. Monsieur Smith a prit contact avec le président du conseil tribal de Bonners Ferry, Monsieur Carter, afin d'avoir les coordonnées de mes deux grands-mères. Ce dernier n'étant pas très bavard par crainte pour sa communauté autochtone, Monsieur Smith a dû lui expliquer la situation afin d'apaiser la tension qui émanait durant cet appel téléphonique. Une fois en confiance, Monsieur Carter a communiqué le numéro de téléphone fixe de ma grand-mère à Monsieur le juge, après l'accord de cette dernière qui était surprise et impatiente d'avoir de mes nouvelles.
J'ai pas loin de mille miles, soit précisément neuf cents quatre-vingt-sept au total, à parcourir pour joindre ma nouvelle vie. À bord de ma Camaro SS de 1967 recostumisée, petit bijou de mon grand-père, je vais sortir pour la première fois de la Californie. Une longue route m'attend.
Les miles défilent ainsi que le paysage. Je roule jusqu'à Weed où je m'engage sur la 97 et peux admirer la Shasta-Trinity National Forest. J'ai toujours été attirée par les forêts. Je trouve qu'elles recèlent une sorte d'atmosphère mystérieuse qui m'attire. Cependant, je n'ai jamais eu le loisir d'aller m'y perdre quelques heures. Ce qui va sûrement changer avec l'endroit où je me rends si j'en crois les images visionnées sur Google. Je reste un bon moment sur la 97 avant de passer Dorris puis franchir l'état de l'Oregon. Un sentiment déchirant m'envahit lorsque je regarde dans mon rétro, la Californie derrière-moi. J'imagine que c'est normal de ressentir ce genre de chose lorsque nous quittons le seul endroit que nous ayons connu. Je continue néanmoins ma route en admirant les paysages de la Fremont-Winema National Forest, l'Umpqua National Forest et la Willamette National Forest jusqu'à Rufus où je m'engage sur la 84.
Je fais une pause dans un motel pas trop piteux et m'endors assez rapidement après m'être régalée d'un succulent repas fait maison servie par la vieille et adorable propriétaire du motel.
Le lendemain, dès cinq heures du matin, je reprends la route avec un sachet en papier contenant deux énormes cookies que m'a gentiment offert le petit-fils de la proprio, en s'assurant que je m'enferme bien dans ma voiture une fois à l'intérieur. Il craignait qu'il m'arrive un quelconque danger, nourrissant l'inquiétude de voir une jeune fille comme moi, rouler et traverser des contrées toute seule sur plusieurs centaines de miles. Dans un doux sourire rassurant, je lui ai affirmé faire attention à moi.
Je poursuis mon chemin, puis bifurque sur la 82 avant Hinkle direction Umatilla et Plymouth. Je m'engage ensuite sur la 395 en direction de Kennewick, et traverse Pasco, où une fois sur le périphérique, je manque ma sortie et dois faire demi-tour afin de reprendre la bonne voie et rester sur la 395 que je commence à maudire.
J'ai horreur de ressentir le sentiment de se perdre. Ça me panique et je sens des bouffées de chaleur qui me font aussitôt suffoquer, ce qui est assez déstabilisant. Après cela, je décide de m'arrêter afin de me calmer et d'engloutir les gâteaux généreusement offerts et une petite bouteille d'eau qui me rafraîchit.
Une heure plus tard, je suis à nouveau derrière le volant et traverse l'Oregon jusqu'à Spokane, puis Spokane Valley, où juste après je franchis enfin l'état de l'Idaho. À cet instant, c'est un sentiment d'euphorie qui me traverse et ce, tout le long de mon trajet de cet état. Les villes défilent autant que le paysage sensationnel, Post Fall, Rathdrum, Sagle, Sandpoint, Colburn, Naples et enfin ma destination finale, Bonners Ferry, que j'atteins épuisée, les jambes engourdies à force de conduire, mais heureuse.

J'aperçois le Bonners Ferry High School sur Tamaracle lane à ma droite, avec ses lettres blanches appliquées sur la façade d'un bâtiment légèrement arrondie. Mon futur lycée où je vais pouvoir terminer la fin du secondaire avec cette dernière année qui débute le mois prochain. Monsieur Smith étant la personne de confiance choisie par mes grands-parents jusqu'à ce que je sois prise en charge par ma famille restante, s'est chargé de récupérer mon dossier scolaire qu'il a transmis à mon nouveau lycée durant la semaine, faisant de moi une nouvelle élève du Bonners Ferry High School.
Inutile de mentionner que je vais être la nouveauté de l'année et que je vais m'attirer bon nombre de curiosité à mon égard. Les élèves vont sûrement m'observer comme une bête de foire et parler de moi dans mon dos en se disant ce qu'ils pensent de mon apparence. Je suis curieuse de savoir lequel d'entre eux aura assez d'audace afin de faire le premier pas vers moi en une première approche et me prendra sûrement sous son aile pour me faire visiter le lycée ou m'indiquer où se trouvent mes prochains cours.
Je ne suis pas de nature timide même si je dois reconnaître que d'être une nouveauté doit être assez déstabilisant et gênant. J'essaie de ne pas trop y penser en me disant qu'il me reste au moins deux semaines de répit avant d'être jetée dans le grand bain.

Je traverse la ville, siège du comté de Boundary, située au cœur de la vallée de la rivière Kootenai, en restant sur la voie principale et découvre le charme de son centre-ville à l'ancienne rempli de boutiques uniques, ainsi que de restaurants qui m'ont l'air délicieux et d'une brasserie que je vais être amenée à découvrir dans mon quotidien. De ce que je vois, il s'agit d'une petite ville sympa. Cela va irrémédiablement me changer de San Francisco. Je passe d'une ville immensément peuplée et active, fourmillant jour et nuit, à ce petit bled, d'environ deux milles six cents habitants, qui tient plus d'un quartier calme et reposant de mon ancienne ville, mais sans l'effervescence grouillante d'activité qui règne juste à sa sortie. Ici, pas d'agitation au sortir de la ville, mais des chaînes de montagnes et de la forêt à profusion.
Je me rends jusqu'au Kootenai Casino and Spa, lieu de rendez-vous avec mes deux grands-mères, que nous avons convenu la veille. J'ai pu, durant cette semaine, discuter de nombreuses fois avec elles par téléphone. Nous avons fait joyeusement connaissance après une explosion de bonheur dès qu'elles ont entendu ma voix pour la première fois à l'autre bout de la ligne, en début de semaine, après que Monsieur Smith leur ait expliqué ma situation. Elles étaient profondément déçues et meurtries de la décision de mon père à taire tout ce qui concernait cette partie de ma famille, soit elles-mêmes. Monsieur Smith leur avait déjà appris la mort de mon père et sa cause. Elles étaient d'autant plus dévastées du triste sort que s'était infligé papa, n'ayant jamais pu se remettre de la perte de ma mère, et navrées qu'il n'ait pas fait l'effort de remonter la pente pour moi.

J'actionne mon clignotant lorsque j'aperçois le casino et tourne à droite quand un motard me double de ce côté-ci de la chaussée, me faisant piler d'un coup en laissant échapper un cri d'effroi.

- Bordel, mais il est taré ! J'explose en posant une main sur ma poitrine où je sens mon cœur palpiter follement, tandis que je suis des yeux la moto et son conducteur aux cheveux aussi noirs que sa machine de la mort. Ouais, et t'excuses pas surtout, marmonné-je alors qu'il lève aussitôt sa main en signe d'excuse comme s'il avait pu m'entendre chuchoter à moi-même.

En regardant la silhouette s'éloignait, je secoue la tête de mécontentement et continue de tourner afin de gagner le parking. Bon sang, pour une arrivée, on ne peut pas dire que ça me réussisse. Ce gars est complètement inconscient, de plus il conduisait sans le port d'un casque, à une seconde près, il percutait l'aile avant droite de mon véhicule et allait finir sa course sur le bitume. Encore un chevronné de vitesse en quête d'adrénaline avec zéro conscience. J'espère pour lui que la chance continuera d'être de son côté s'il conduit toujours ainsi.
J'avise une place non loin d'un vieux pick-up bleu fané, qui ressemble à si méprendre à la description que m'en a fait ma grand-mère Kachina. Aussitôt le pied dehors, j'entends le claquement d'une portière et la personne faire le tour de son véhicule. Je m'avance jusqu'au coffre et tombe aussitôt sur une femme amérindienne d'une cinquantaine d'années passées aux traits fins et quelques peu ridés avec un air indéniablement familier au mien. Dans un premier temps, je me fige tout comme elle. Le choc se peint tout de suite sur son doux visage tandis qu'elle me dévisage.

- Grand-mère Kachina ? L'interrogé-je malgré le fait évident que je ne me trompe pas.
- Tala, souffle-t-elle en retour en sortant de cet état abasourdi faisant les derniers pas jusqu'à moi en se précipitant.

Elle me prend aussitôt dans ses bras et me serre tellement fort contre elle, en laissant échapper quelques sanglots étouffés. Je me laisse emporter moi-même par ce sentiment puissant qui se propage en moi à son contact. Me laissant submerger par l'émotion de ces retrouvailles avec ma famille. Je sens aussitôt ce lien spécial se renforcer à ce simple et fort premier contact. À cette étreinte maternelle qui est une véritable bouffée d'oxygène pour moi.

- Tu ressembles tellement à ta mère. Tu sens même comme elle, cette touche si particulière de vanille, dévoile-t-elle en humant mon cou en me chatouillant tandis que je ris, en imaginant combien cela doit la chambouler et lui faire rappeler la perte de son unique fille.
- Je suis tellement heureuse de vous rencontrer enfin, lui révélé-je.
- Ma fille, ne me vouvoie pas. Je suis ta grand-mère, ma chérie, alors pas de ça chez nous. Je t'ai assez repris au téléphone pourtant, déclare-t-elle en me souriant en tenant mon visage en coupe entre ses petites mains fortes et rugueuses, détonnant avec son gabarit plutôt fin.
- D'accord. Aquene ne s'est pas joint à toi, m'étonne-je en constatant l'absence de mon arrière-grand-mère qui, pourtant au téléphone la veille, était pressée de venir me chercher avec sa fille.
- Elle a longuement râlé que je ne la prenne pas avec moi, tu sais, mais elle était si heureuse et hâtive de te voir qu'elle n'a pas beaucoup dormi cette nuit. Ce matin encore elle s'endormait debout face à la cafetière. J'ai dû hausser le ton pour qu'elle capitule et aille faire une petite sieste, histoire de se reposer un peu avant ton arrivée. Tu t'apercevras vite qu'elle est aussi têtue qu'une mule, me confie-t-elle avec un sourire en coin. Comment s'est passé la route jusqu'ici ? S'enquit-elle tout à coup en détaillant mes traits de ses yeux pétillants aussi noirs que les miens.
- Longue, épuisante mais tout de même plaisante, lui avoué-je. J'ai traversé de superbes paysages et je dois dire qu'en arrivant ici, je ne m'imaginais pas cette région aussi magnifique.
- Et tu n'as encore rien vu. Le coin où l'on habite l'est encore plus. Allons-y avant que ma mère me sermonne de prendre trop de temps à te garder éloignée d'elle.
- Bien sur, acquiesce-je en hochant la tête. S'agit-il de l'emblème de la tribu ? Demandé-je en montrant du menton l'enseigne du casino derrière nous alors que je me tourne et ouvre ma portière.

Ce dernier est représenté sous la forme d'un capteur de mauvais rêve qui compte sept plumes dans les tons orangés pendant au bas du cercle noir et rouge. L'intérieur du cercle étant composé de trois croissants de lune sous fond noir sur la moitié du bas. La moitié du haut étant coupé en deux parties et sous fond blanc, affichant pour l'une, un parchemin déroulé devant l'emblème-même en miniature, pour l'autre, l'état de l'Idaho entouré d'une banderole où l'écriture « Kootenai tribe of Idaho » est inscrite.

- Oui. La tribu possède et exploite le Kootenai River Inn. Nous le possédons depuis 1986, il y a également le restaurant Springs, le casino Deli, le Kootenai Day Spa et une boutique cadeaux. Ils sont sur nos terres tribales qui surplombent la rivière Kootenai. Cela amorce une résurgence économique pour la tribu, m'apprend-elle ravie de parler de sa tribu.
- C'est super.
- Oui, ça l'est. En 1996, la tribu a signé un contrat de jeu avec l'état de l'Idaho et a ouvert le casino, en 2005, une rénovation complète a transformé l'intérieur des installations et ajouté le spa de luxe. Depuis le casino s'est agrandi. Il y a eu l'ajout de trente-six chambres avec réfrigérateur, micro-ondes, douches à l'italienne et bien plus encore. Il y a mêmes des chambres avec vue sur le fleuve qui sont disponibles. Regarde, l'hôtel est entouré par nos majestueuses montagnes Selkirk, Cabinet et Purcell et rehaussé par la beauté de notre chère rivière Kootenai, et nous sommes près de la frontière canadienne, décrit-elle avec enthousiasme. En dehors du tourisme, il y a aussi comme autres principales industries, les produits forestiers, le sable et le gravier et le couvoir d'esturgeons, précise-t-elle.
- Je ne me serai jamais attendue à une telle réussite pour la tribu.
- Nous en sommes fiers, tu sais.
- Et en dehors du casino, que font les clients ?
- À courte distance, les loisirs disponibles comprennent le golf, la station de ski Schweitzer et le Kootenai Wildlife Refuge, où nous vivons.
- C'est déjà pas mal.
- Je suis d'accord.
- J'imagine qu'avec toutes les forêts qui nous entourent, il y a notamment énormément de parcours de randonnée.
- En effet.
- Et bien merci pour m'avoir autant renseigné, tu ferais une excellente guide touristique.
- C'est ce que je suis, se marre-t-elle en me faisant rire dans la foulée.
- Et bien, ça se sent, affirmé-je en lui souriant.
- Je te ferai faire le tour d'un peu tout dans les jours à venir.
- C'est une bonne idée, réponds-je avec entrain à l'idée de passer davantage de temps avec elle.
- Allons-y maintenant, je n'ai pas envie d'avoir droit au courroux de ma mère. Elle peut s'avérer aussi désagréable qu'un grizzli qui sort d'hibernation par moment. Vaut mieux se méfier, dit-elle en haussant ses sourcils et faisant une moue qui me fait aussitôt rire.

Je souris encore des paroles de Kachina qui compare sa mère septuagénaire à un ours, encore à son âge, c'est assez surprenant et hilarant. Je me représente bien mes deux grands-mères en train de se quereller pour un oui ou un non. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que je ne vais pas m'ennuyer avec ces dernières dans ma vie. Je la suis en voiture, et nous sortons du parking avant de nous engager sur la route où a disparu le motard fou plus tôt. Empruntant un pont qui surplombe la rivière, nous quittons la ville et filons en direction de la Kootenai National Wildlife Refuge.

Le trajet est plaisant. J'adore tout ce que je vois. L'immensité des vallées, des forêts, des cascades et des passages où nous passons au dessus de ruisseaux à l'eau translucide qui serpentent vivement entre les rochers tantôt lisses tantôt recouverts de mousse. Un paysage tout en beauté brute, et j'aime ça. Bien sûr, je ne me leurre pas quant aux températures hivernales qui doivent être extrêmement plus froide qu'à San Francisco. Moi qui n'aime pas le froid, je vais être servie. Mais ce n'est rien quand nous avons la chance d'être entourés à nouveau de la chaleur d'une famille. Elle seule compte désormais dans mon cœur en devenant le centre de ma vie.
Je suis toujours profondément touchée par la perte des miens, les seuls qui m'ont élevé et tout donné tout du long de ma vie jusqu'ici. C'est une chose qui ne s'efface jamais, mais avec laquelle nous apprenons à vivre. La tristesse est toujours présente dans un coin de notre être en restant tapie dans l'ombre et se découvrant bien souvent lorsque nous sommes le plus vulnérable, la nuit lorsque les songes remplacent la réalité. Les instants passés se rappellent alors à nous, nous font voir des images nouvelles avec le visage des personnes que nous aimons tant. Parfois, duperie de la part des songes qui nous font miroiter des situations nouvelles que l'on vit aux côtés des nôtres disparus, mais où notre subconscient nous fait douter de leur retour miraculeux. Jusqu'à ce que le sentiment si puissant d'émerveillement que nous sommes amenés à ressentir, soit si intense en nous délivrant un pic d'adrénaline, et nous sortes finalement du sommeil dans lequel nous étions si profondément ancrés. Doutant de la réalité de cet heureux moment, s'en suit le réveil et cette phase de crève-cœur en réalisant que ce n'était qu'un rêve.

J'ai un sursaut d'impatience, en apercevant le panneau en bois « Kootenai National Wildlife Refuge », au loin, tandis que Kachina bifurque sur la gauche où un chemin de terre étroit nous enfonce dans un pan de forêt clairsemé. Un charmant chalet de plein pied, apparaît quelques secondes à peine après avoir emprunté le chemin. Nous nous garons devant l'entrée majestueuse où l'auvent est divinement sculpté dans du bois coloré qui rappelle aussitôt les totems indiens. L'espace devant l'habitation représente une clairière de forme arrondie bordée de magnifiques arbres avec à leurs pieds, d'innombrables assortiments de fleurs sauvages parmi les fougères tout aussi nombreuses.
L'endroit est juste impensable de part la beauté et le calme apaisant qu'il recèle. Le bois des rondins de la maison est verni dans un doux ton de miel. Sur chaque rebords de fenêtre est posé un large vase rectangulaire garni d'un feu d'artifice de fleurs dans une multitude de couleurs vives. Toutes la devanture de l'habitation est composée d'une terrasse en bois où une balancelle blanche recouverte d'un moelleux coussin d'assise et de plusieurs coussins aux motifs colorés ethniques, est accrochée à une large poutre la surplombant. Des vases tout aussi colorés sont présents un peu partout sur celle-ci, où des plantes d'une variante teinte de vert prolifèrent et donnent au lieu cet aspect de jungle où l'on rêve de venir faire une pause et se relaxer.
Kachina m'invite à passer devant elle et lorsque nous avançons vers l'entrée, la porte principale s'ouvre à la volée sur une petite femme qui ressemble énormément à sa fille qui se tient à mes côtés. Aquene s'avance avec une rapidité qui me stupéfait en rapport à son âge. Sa silhouette petite et fine me fait tomber sous son charme aussitôt. Le visage radieux, cette dernière qui s'élance jusqu'à moi, m'enlace dans ses bras et se met à sangloter sans ne pouvoir prononcer un seul mot.

- Maman, tente de l'apaiser Kachina.
- Toi, tais-toi ! La sermonne aussitôt la vieille dame en la toisant d'un regard aussi noir que ses yeux. Je suis sûre que tu lui as fait visiter la ville sans moi! l'accuse-t-elle faussement aussitôt.
- Qu'est-ce que je t'avais dit, me déclare Kachina en levant les yeux au ciel et en refaisant cette moue qui me fait aussitôt rire. Un vrai grizzli furieux. Comment mes grands-parents ont-ils pu la nommer de ce doux nom de « Aquene » ? S'ils la voyaient maintenant, ils reverraient cela d'un peu plus près.
- Que veut-il dire ? Lui demandé-je toujours coincée dans les bras de mon arrière-grand-mère.
- Paix ! Vois-tu l'ironie du sort ? Dit-elle tandis que je souris en tapotant légèrement le dos de la vieille dame.
- Tu as vu comme elle me traite ? Déclare Aquene en cherchant mon soutien en haussant enfin le visage vers le mien. Par tous les grands esprits, ce que tu es belle, mon enfant. Tu es le portrait craché de ma regrettée petite fille. Et tu sens comme elle.
- C'est ce que je lui ai dis, déclare Kachina restée à nos côtés.
- Je ne t'ai pas sonné, l'apostrophe Aquene, ce qui fait sourire sa fille qui s'éloigne en gagnant l'intérieur du chalet.
- Tu vas la laisser longtemps dehors ?
- Et si nous rentrons, me propose aussitôt Aquene comme si sa fille n'avait pas parlé, ce qui me fait d'autant plus rire du caractère de feu de mon arrière-grand-mère.

Une chose est sûre désormais, il est certain que je ne vais pas m'ennuyer.

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