— tu fais quoi pour noël ?
je lève les yeux au ciel et donne à ivy une réponse approximative qui semble ne pas lui convenir.
— comment ça t'es avec sasha ? sa question sonne plus comme un reproche.
— bah j'suis avec lui, tu veux que j'te dise quoi de plus.
je l'entend souffler.
— ça fait 3 ans qu'on n'a pas fêté noël ensemble et toi tu vas fêter ça avec le premier charo qui croise ta route, genre ?
— pèse tes mots.
— bien.
j'attrape quelques affaires que je fourre dans mon sac. elle aussi, entame un peu de rangement de son côté. je ne pensais qu'elle le prendrait aussi mal.
— le plupart des gars ne bougent pas cette année, alors on voulait le faire ensemble, elle ajoute après un moment.
— par les gars, tu veux dire louis ?
— ferme ta gueule.
silence.
j'ai tapé dans le mille, on dirait.
— c'est vraiment sérieux entre vous, alors. je reprends.
— qu'est-ce que ça peut te foutre.
— tu lui trouves quoi ? je demande.
— rien qui te regarde, elle enchaîne du tac au tac.
je soupire et décide de m'asseoir pour la regarder. elle est amoureuse ma petite ivy. il faut que je la charrie.
— t'as des papillons dans le ventre ?
pas de réponse.
— tu tombes amoureuse de tout le monde toi, ma parole. je ricane dans mon coin.
elle me laisse glousser un temps puis réplique.
— je préfère tomber amoureuse tous les quatre matins qu'être une bouffonne qui fait style de rien ressentir.
mon sourire s'affaisse d'emblée.
— pourquoi tu me traites de bouffonne ?
— t'es une bouffonne kamiya ! t'es là, dans ta vie de merde tu veux calculer personne, tu veux rencontrer personne, on te propose d'évoluer dans ta carrière tu veux pas... mais tu t'arrêtes encore pour critiquer les gens qui vivent.
je m'attendais pas du tout à ça. mais je réponds tout de même.
— eh, je te permets pas hein... dis-je faussement nonchalante.
— je me permets toute seule, parce que t'es une grosse coincée du cul, ma grande.
je me lève d'un bond.
— comment ça, une grosse coincée du cul ?
— tu restes dans ta zone de confort h24, t'as un master mon frère mais tu préfères vendre des tn à des raclos éclatés...
— et donc ? il est où le souci ?
elle marque un temps de pause pour chercher ses mots. je sais que c'est une fille impulsive, et pour qu'elle me sorte toutes ces vérités à la face, c'est que j'ai du aller trop loin quelque part. ou alors c'est un trop plein ? ou bien elle a ses règles ? peu importe.
— t'es une vieille meuf et tu me saoules, il est là le souci.
— si t'as tant de choses à me reprocher, pourquoi tu traines encore avec moi alors ? je demande avec dédain.
son regard change de direction pour m'éviter. voilà la question qui fâche. en vrai, nous connaissons toutes les deux la réponse. mais j'ai besoin de l'entendre la dire. depuis combien de temps se retient-elle de me dire ce qu'elle a sur le coeur ?
— parce que... au fond j'ai cet espoir que tu changes...
elle soupire et secoue la tête, comme si elle ne croyait pas à ses propres paroles. je mentirais si je disais que je n'étais pas touchée. mais ça me blesse énormément.
— t'as ta personnalité et ton caractère, je pourrais pas te changer. mais avant t'étais cool, tu riais, tu croquais la vie à pleine dents et je t'admirais de fou. t'étais le genre de meuf qui voyait les choses en grand, personne pouvait t'atteindre. qui à part toi a pris ses couilles pour partir réaliser ses rêves à l'autre bout du monde ?
c'est cette vérité que je redoutais depuis le départ. la vérité qui pique et qu'on veut pas entendre.
— j'veux ma kamiya d'avant, pas ce déchet toxique qui pue la négativité et le shit.
la vérité qui te remet à ta place.
je suis morte dans le film, j'ose même plus parler. je pourrais la détester mais en vrai je l'aime. c'est la seule capable d'être honnête à mille pour-cent sans avoir peur de ma réaction. sa franchise me tue mais sa franchise est justifiée. sauf que j'ai trop les nerfs pour l'assumer. je prends mon sac et me tire de l'appart à vitesse grand v.
sur le chemin j'ai la gorge nouée. j'aurais pas pensé que ses paroles me toucheraient autant, à vrai dire, j'étais presque persuadée que je les oublierait après avoir passé la porte.
mais la vie c'est pas bendo, en fait.
je me dépêche d'arriver chez doum's, j'suis en manque d'air, j'ai l'impression d'étouffer dans cet amas de monde au visage fermé. quand on les regarde, ils ont l'air bien malheureux et complètement dépassé par leur vie. pourquoi j'ai pas le droit d'être comme eux ? c'est pas de ma faute si je n'arrive pas à être heureuse.
j'entre dans l'immeuble, prends l'ascenseur et une fois sur le palier, fourre ma clé avec hargne dans la serrure comme si ma vie en dépendait. ravie de constater que la clé n'a pas été oubliée derrière, j'entre et me précipite dans le couloir direction depressionland.
— kami ? j'entend au salon.
je me stoppe et soupire. j'aurais pensé que doum's ne serait pas là. pour être honnête, ça m'aurait plutôt bien arrangée.
— oui ? je réponds de ma place.
— tu peux m'aider ?
je retiens un énième soupir et m'en vais à sa rencontre. je le retrouve au sol, une bouteille de je-ne-sais quelle merde alcoolisée renversée sur son flanc.
— putain, c'est quoi ce bordel... je souffle en le redressant.
— j'ai trop mal au crâne.
je le mets en position assis sur le sol tout en le faisant s'adosser au canapé sur lequel je m'affale.
— qu'est-ce qui t'arrive ? je demande en jouant avec une de ses dreads.
— j'sais pas je bade.
— c'est ta meuf ?
— entre autre.
silence.
— merci d'être là, t'es la mieux placée pour savoir que la vie nous fait les meilleurs coups de pute, parfois.
— tu veux en parler ? je demande.
— du business, ni plus ni moins. je sortirai pas d'EP cette année, et je vais continuer à me branler comme un connard.
— dis pas ça...
— vas y bref, chaud pour qu'on se bourre la gueule ? il propose.
j'hausse les épaules. s'il cherche à être raisonné, il est mal tombé l'asperge. il attrape la bouteille qu'il me tend. c'est peut-être pas plus mal finalement, de bader à deux. ça m'empêchera de faire des conneries et de me faire à l'idée qu'ivy a totalement raison, que je me fiche d'elle pour me rassurer et nier le fait que je suis la plus grosse merde de l'univers.
il n'y a pas à dire, c'était mieux avant. même avec doum's, je me rappelle de nos fous rires et nos bagarres au collège, la seule chose que je voulait prouver à ce moment là, c'était que j'avais autant ma place parmi les mecs que lui. il était pas de cet avis ce con, d'ailleurs il me sort de ma rêverie en reprenant.
— c'est moi ou ça pue le shit ?
🥀
j'essaye de prendre de l'avance pour pouvoir publier tous les jours la semaine prochaine, c'est plutôt lent mais vous inquiétez même pas ça va pas durer...