Longue vie au roi [BxB]

By Li_mona_de

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« Longue vie au roi ! » Jamais Lyssandre n'oubliera ces clameurs. Le trône lui est promis à la mort de son p... More

Avant-propos
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
Chapitre 49
Chapitre 50
Le mot de la fin
Publication du second tome

Chapitre 4

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By Li_mona_de

La nuit fut brève.

L'ivresse de l'oubli se retira aux premières lueurs de l'aube. Les couleurs délavées de l'aurore cajolèrent le visage de Lyssandre et il n'en fallut pas davantage à son esprit pour se rappeler à lui.

Hier, il avait été fait roi.

Cette pensée, presque anodine, combla le vide de son estomac d'une angoisse sourde. L'espace d'un instant, il ne fut plus capable de songer à quoi que ce fut d'autre. Puis, il ressentit une sorte de rancœur dirigée vers feu Soann, son père. Pourquoi ne l'avait-il pas préparé à cela ? Pourquoi avait-il refusé l'évidence au point de ne pas expliquer à son fils ce que c'était être roi ?

Lyssandre quitta l'étreinte paresseuse de ses draps avec cette pensée implantée au creux de lui. Elle grandit à chaque pas, à mesure qu'il s'autorisait à réfléchir. Il pourrait fuir, s'exiler loin de ce fardeau, mais en vérité, Lyssandre en était incapable. Il lui aurait fallu davantage de bravoure et il se sentait écrasé par le devoir, par la lignée royale dont il était issu, par l'obligation. Il se sentit comme un ouvrier face à une longue journée de labeur, sans autre choix que celui qui le mettrait au travail.

Régner était un métier qu'il n'avait pas appris à exercer, mais à l'image de bien d'autres, il ne se refusait pas.

Lyssandre se vêtit, non sans l'aide de quelques aides silencieuses. Des mains froides, rigoureusement professionnelles, qui ne remplaceraient pas les étreintes rassurantes dont le jeune homme avait besoin. Il tâcha de se détacher de ses émotions et d'agir comme le faisait ces employés discrets et dévoués. Il tâcha d'occulter tout ce qui se soustrayait à son devoir et, momentanément, il y parvint.

Le palais s'éveillait, rompu de fatigue après la fête magistrale de la veille. Les plus matinaux investissaient déjà les lieux, mais il s'agissait surtout de gardes et de servants affairés à effacer les joyeux vestiges abandonnés par les invités. La plupart quitterait le château dans la journée, d'autres s'y éterniseraient avec la délicieuse sensation d'être privilégiés et ils ne manqueraient pas de s'en vanter ailleurs. Au fond, la place de roi n'était au cœur de ce système bien rodé qu'une formalité. Ils se passaient aisément de lui, mais Lyssandre ne tarderait plus à comprendre que ses sujets savaient se montrer prompts à se rappeler de son existence. Uniquement lorsque leur petit confort, leur chère sécurité, étaient compromises.

Le jeune souverain quitta les appartements royaux et descendit ce qui était communément appelé l'entrée du roi. Il s'agissait d'un escalier à deux branches que seul le roi et sa famille étaient amenés à emprunter. Soann et ses prédécesseurs y avaient inscrit leurs goûts personnels, avec un mélange plus rustique avec quelques rares touches de bois, mais surtout des ornementations délicates. La rampe, finement décorée d'arabesques, de minuscules détails sculptés, en formait un juste exemple. Lyssandre y passa sa main, y glissa ses doigts, comme pour apprivoiser l'âme de ce palais.

Il traversa ensuite les couloirs qui menaient aux salons et à la salle de bal pour atteindre finalement ce qu'il était venu chercher : le bureau royal. L'endroit que lui-même avait connu enfant, lorsqu'il guettait la sortie de son père sans oser déranger la figure paternelle sérieuse et peu encline aux jeux. Il en poussa la porte et esquissa un pas pour se frayer un passage à l'intérieur. La pièce avait été laissée intacte, à l'image même de celle que Lyssandre avait abandonnée dans les méandres de ses souvenirs d'enfance. Une pièce qui s'ouvrait sur des larges fenêtres, un bureau massif installé face à la porte et une flanquée de marches pour y parvenir.

Une pile de documents attendait patiemment sa venue et Lyssandre y jeta un œil incertain. Il s'agissait de comptes provenant de provinces de l'Ouest du Royaume avec les chiffres de l'or récoltés à l'occasion des derniers impôts. Qu'était-il supposé en faire ? Approuver les données, les discuter, ou encore simplement en prendre connaissance ? Lyssandre poursuivit sa reconnaissance des lieux, transi par le vide qu'évoquait ce vaste bureau. Dépouillé de la présence de son père, l'atmosphère n'était plus que studieuse, un brin effrayante, mais sans l'empreinte caractéristique et propre à Soann.

Son plus jeune fils mit la main sur un autre document et se laissa prudemment choir sur le siège. Il se figea dans un sérieux inspiré de celui de son géniteur et lut les quelques lignes manuscrites. Il s'agissait d'archives laissés à son attention, comme pour faire acte de prévention au sujet de la guerre. Les feuillets offraient des chiffres précis au sujet des hommes mobilisés sur le front, des pertes, des dédommagements perçus par la famille du défunt, sur la nourriture qu'il fallait acheminer en grande quantité afin de subvenir aux besoins des soldats. Des informations concrètes, terrifiantes, là où Lyssandre s'était jusqu'alors contenté des faits.

Il n'ignorait pas que Loajess était en guerre depuis une petite éternité. L'autre puissance continentale, Déalym, nourrissait des désirs de conquête au point d'ignorer la présence d'un autre Royaume. Loajess, situé au Nord du continent, occupait un territoire moins vaste, mais profitait d'une terre plus fertile et de richesses plus importantes. Les deux voisins ne s'entendaient pas, au point où nulle âme qui vive ne serait capable de conter comment les différends avaient débuté. Les habitants de Loajess vouaient une méfiance inéluctable à l'égard de Déalym, sinon une haine viscérale et destructrice. La guerre durait depuis un siècle, avec quelques minces périodes de paix factice. Le conflit était si profondément ancré dans les mœurs, dans l'essence même de Loajess, que les rois en faisaient un art au cours de leur règne. Une occasion de marquer l'Histoire, d'y apposer une empreinte sanglante. La guerre se donnait l'allure d'une tradition royale, d'un loisir noble, et Déalym faisait figure d'ennemi héréditaire.

— Premier jour de règne et voilà que ton attention est requise par la guerre. Tu ne t'épargnes rien, Lyssandre.

Sous le coup de la surprise, l'intéressé lâcha l'objet de son attention. Calypso, un sourire narquois planté sur les lèvres, s'était infiltrée à l'intérieur de la pièce et paraissait presque le narguer. Du haut de sa quarantaine bien sonnée, bien qu'elle avoisinait davantage le demi-siècle, sa tante n'avait rien perdu du panache de la jeunesse.

— Je ne vous avais pas entendu entrer. Vous êtes bien matinale, ma tante.

— Et toi, tu t'e enfin décidé à sortir de ta tanière, lui renvoya aimablement Calypso, pimpante, mais bien moins soignée que les courtisanes qui s'attifaient chaque jour avec un soin acharné.

— Je suis navré de vous avoir inquiété.

Lyssandre se pinça les lèvres. Lorsque sa tante s'était glissée à l'intérieur, sans un bruit, d'une discrétion presque dangereuse, elle avait été due étouffer sa surprise. L'espace d'un instant, elle aurait presque cru que son frère était revenu d'entre les morts pour s'affairer à sa tâche une ultime fois. Pas que son fils lui ressemble, mais elle n'en avait pas espéré tant pour un premier jour de règne, surtout après la récalcitrance acharnée qu'avait présenté Lyssandre. Celui-ci tenait davantage de sa mère et Calypso s'en fit la réflexion avec une pointe de nostalgie. Mélissandre avait disparu trop tôt et tous l'avaient oubliée au profit de la nouvelle épouse du roi, Elénaure de Lanceny. Lyssandre en était son reflet parfait, cette grâce délicate avait jadis appartenu à sa mère, tout comme cette beauté rare, princière, cette finesse et cette émouvante fragilité. Le jeune roi avait également hérité de ses traits féminins, de ses cheveux d'un blond lumineux et de son teint pâle, laiteux, semblable à une perle de nacre. Chaque fois que Calypso posait ses yeux sur lui, elle revoyait cette femme et l'amour maternel qu'elle n'avait jamais pu donner à son dernier fils.

— Je suis navré aussi que vous ayez eu à vous occuper des affaires du Royaume à ma place. Vous avez ma parole que cela ne se reproduira plus, je... j'étais simplement démuni.

— Tu l'es toujours.

L'expression de Lyssandre se défit et Calypso ajouta au portrait de celui-ci la fragilité émotionnelle, cette humanité si précieuse, que Mélissandre avait détenue. Conquérant la pièce d'un pas sûr, elle qui n'avait jamais hésité à y pénétrer même lorsque Soann demandait à ne pas être dérangé, Calypso rejoignit le bureau pour ajouter :

— Je m'inquiéterais si tu ne l'étais. Ne t'excuse pas de te reposer sur nous. Ton père ne s'en vantait sans doute pas, mais il se trouve que mon aide a pu lui être précieuse jadis. Tu n'es pas seul, quoi que tu penses. Tu as des ministres, des vipères pour la majorité, ton père n'était pas réputé pour ses fréquentations à mon humble avis, mais ils t'aideront. Alzar me paraît tout désigné, surtout s'il est question de la boucherie qui tenait tant à cœur à mon cher frère.

Lyssandre ravala un sourire. Il retrouvait le mordant de Calypso, ce verbe piquant, cette parole dure et sans concession. Il l'aimait profondément, cette aisance à exprimer son opinion et cette absence de crainte. Les femmes ne possédaient pas de réelle place au sein des plus hautes instances politiques de Loajess, au palais royal ou, plus loin, dans la capitale, mais cela n'avait jamais restreint Calypso. En sa qualité de sœur du roi, elle n'avait pas peur du mépris des hommes et encore moins de leur confiance excessive en une prétendue supériorité. Elle avait d'ailleurs maintes fois prouvé qu'elle pouvait les distancer à bien des jeux, en particulier lorsque cela incluait l'esprit. Calypso n'en manquait pas et cette qualité avait fait d'elle, plus encore que sa filiation, une figure incontournable de la Cour.

— Alzar était le chevalier de mon père, tempéra-t-il néanmoins.

— Et il est votre ministre de la guerre.

— Il va me falloir convoquer un conseil afin de discuter de la situation à Farétal.

— Toujours cette fichue guerre ! Moi qui espérais que tu t'y désintéresserais. Tu es bien un homme.

Lyssandre connaissait trop bien sa tante pour ne pas deviner l'élan provocateur de sa pensée. Elle cherchait à susciter une réaction et amplifiait sa position dans ce but. Calypso méprisait la guerre et la jugeait inutile, barbare, raison pour laquelle son neveu était surpris de l'entendre prononcer le nom d'Alzar. Il avait été le chevalier de son père avant que son nom lui soit rendu et qu'il accède à des responsabilités plus techniques. Le testament de Soann en faisait le nouveau ministre de la guerre et Lyssandre, sans réellement connaître cet homme, ne pouvait pas s'opposer à cette décision.

— Vous savez bien que je préférerais m'en passer, grommela-t-il.

— Tout comme tu te serais bien passé de ce trône, claironna Calypso, non sans une touche de bienveillance pour le jeune homme.

Pudique, celui-ci détourna le regard. Il avait suffisamment fait étalage de sa peine auprès du chevalier la veille et il préféra garder pour lui le flot de plaintes qu'il nourrissait. Il était trop facile de s'en enivrer, il l'avait fait un mois durant, et cela ne saurait durer. Même si cette résolution bancale ne durerait probablement pas, il la brandit et s'empêcha d'évoquer la peur qui le rongeait.

— Quand quittes-tu le palais ? l'interrogea Calypso, accoudée au bureau, le menton posé sur sa paume ouverte.

— La voiture sera attelée pour la fin de matinée.

— Permettras-tu à ton cousin de t'accompagner ?

— Priam souhaite s'y rendre avec moi ? s'enquit à son tour Lyssandre, après avoir abandonné définitivement l'étude des documents de guerre.

— Il n'a pas souvent l'occasion de quitter le palais. Il m'a presque supplié de le demander, je n'ai pas eu à cœur de le lui refuser.

Lyssandre acquiesça. Son jeune cousin, de quatre ans son cadet, connaissait l'art de s'effacer et ne demandait que rarement les faveurs de sa famille. Fils illégitime du frère de Soann, Amaury, le garçon représentait davantage un secret honteux qu'un membre à part entière de la famille royale. La couleur cuivrée de sa peau le reléguait au rang de domestique et le scandale avait durement ébranlé la Cour lorsque Calypso avait fait de lui son protégé à son arrivée. Priam était devenu pupille du roi, en dépit de l'indifférence de celui-ci, et il avait grandi dans l'ombre. Cela faisait dix années qu'il rasait les murs pour être oublié des courtisans et de leurs moqueries, de leurs sobriquets et de leur dédain. Priam était devenu si talentueux dans cet art que Lyssandre réalisait qu'il ne lui accordait pas l'attention qu'il méritait, lui qui survivait en milieu hostile depuis l'âge de six ans.

Si Priam demandait à s'éloigner du palais l'espace de quelques heures, son cousin le comprenait amplement. Cette faveur, il ne pourrait la lui refuser.

***

Sous un ciel voilé de nuages grisâtres, Lyssandre quitta le château juché sur un étalon blanc. Dans son sillage, une quinzaine de soldats assignés à sa protection ainsi qu'un convoi galopaient. En jetant un œil derrière son épaule, il put apercevoir la figure sérieuse, grave, de Priam. Son cousin était doté d'une maturité inhabituelle et sa concentration était telle qu'il ne remarqua même pas l'œillade de son roi.

Ils traversèrent une plaine verdoyante, nourrie par les neiges de l'hiver. Les bourgeons tendres se risquaient prudemment à laisser fleurir une fleur ou un fruit ici et là. Le convoi évita prudemment un fleuve gonflé par la fonte avant de descendre une petite côte. Lyssandre chevauchait sans la moindre difficulté et si la nouvelle épreuve qui l'attendait n'avait pas représenté une source d'angoisse, il aurait profité de cette promenade.

Seulement, très vite, le village se nicha à la frontière de l'horizon et Lyssandre ralentit sa monture. Une énième tradition l'attendait. Aussi vieille que celles auxquelles il s'était prêté jusqu'alors, la présentation du roi aurait pu s'organiser dans l'une des grandes villes du Royaume. La coutume voulait que le souverain fraîchement couronné se présente au peuple avec humilité et simplicité. Il se rendait dans un village d'apparence insignifiant pour y être exposé et pour y distribuer de la nourriture. Cela représentait un premier contact avec ses sujets et Lyssandre n'avait jamais réellement été confronté au peuple. Ce que ses prédécesseurs avaient considéré comme une formalité plus ou moins contraignante, le jeune roi y voyait une épreuve délicate.

Le silence tomba sur le village dès que son étalon en foula le sol. Les hommes retirèrent leur chapeau, les femmes approchèrent, incertaines, ébahies par le spectacle dont elles étaient témoins, et les enfants cessèrent leur jeu pour admirer le passage du roi. Lui aussi fasciné par leurs expressions, par tant de visages, de vies douloureuses et difficiles qu'il lisait sur leurs visages abîmés, Lyssandre mit finalement pieds à terre.

Les soldats l'imitèrent et soulevèrent les bâches pour débuter la distribution de nourriture. L'événement attroupa l'ensemble du village et, très vite, les illustres visiteurs se trouvèrent encerclés. Un vieillard à la démarche laborieuse et aux membres tremblants se fraya un passage jusqu'au roi pour l'observer de ses yeux presque aveugles.

— V-Vous...

La bouche du vieil homme s'ouvrit pour articuler une parole qui ne vint pas. L'émotion que Lyssandre cueillit sur son visage délavé par le temps fut plus précieuse que toute autre parole.

— M-Mon... r-roi.

Il ponctua cet aveu d'une référence qui faillit le clouer au sol. Coi par l'émotion, Lyssandre s'inclina à son tour, au moins aussi hésitant que cet homme. D'autres suivirent, toute retenue oubliée, et les visages défilèrent. Un cortège d'identités dont le roi n'avait jamais eu conscience. Amadoué par l'enthousiasme des villageois, par leur honnêteté et par leur simplicité, Lyssandre abandonna une part de sa retenue. Ils étaient pauvres, fatigués par le travail quotidien auprès de la terre et des bêtes, mais leur sourire valait tout l'or qui reposait dans les coffres de Loajess.

— Z'êtes le portrait craché de votre père ! assura un homme.

— Vous êtes trop bon, mon roi, trop bon, psalmodiait une femme, un enfant réfugié derrière son jupon.

Lyssandre invita Priam à le rejoindre et la silhouette maladroite de l'adolescent, affublé d'un corps qui avait trop grandi pour qu'il ne le maîtrise tout à fait, se coupla à la sienne.

— Merci de m'avoir permis de vous accompagner, souffla-t-il, de cette voix ténue.

— Je suis heureux que vous soyez à mes côtés, répliqua Lyssandre, avec toute sa sincérité.

Le visage de Priam se fendit d'un sourire soulagé. Momentanément écarté de la Cour et de ses sarcasmes, il paraissait revivre et trouver davantage sa place ici, où la simplicité régnait, où les maisons étroites accueillaient des familles entières, qu'au palais où tout n'était que démesure. Il s'intégra à la joie des paysans, entre les taudis et les champs où paissaient le bétail. L'espace d'un instant, les deux cousins furent soulagés du poids considérable qui les écrasait et y répondirent, tous deux, aux altercations qui les prenaient chaque fois de court.

Un enfant s'avança timidement et, sans un regard pour le roi, s'adressa à Priam d'une voix nasillarde :

— Pourquoi ta peau elle est comme ça ?

Son grand-frère s'empourpra et tenta d'écarter le curieux de sa cible toute désignée.

— Agil, qu'est-ce qui te prend ? Excusez-le, messires, c'est un petit chenapan, vous savez ! Il ne sait pas ce qu'il dit. Vous avez ma parole qu'il sera grondé, ça, oui !

— Ne le disputez pas, intervint Priam, une fois la surprise apaisée.

Il s'agenouilla devant le garçonnet qui ne paraissait pas saisir l'enjeu de la méprise. Le visage incliné sur le côté, le bâtard de la famille royale dit :

— Ma peau est ainsi parce que ma mère ne vient pas d'ici.

— Ça fait mal ? se scandalisa le môme, sourd aux lamentations de son frère aîné.

— Non, ce n'est pas douloureux, s'esclaffa Priam, les yeux rieurs.

— C'est embêtant, alors ?

Lyssandre retint son souffle. Il vit à peine les épaules de Priam se raidir sous sa toilette du jour avant qu'il ne réponde, sans trahir la douleur que lui coûtait ces mots :

— Oui, c'est embêtant.

Plus loin, les soldats veillaient, plus ou moins sereins à l'idée de voir les familiarités de certains villageois et leur proximité que les mœurs du palais auraient jugé outrancière.

Le chevalier restait vigilant, méfiant, incapable d'abaisser sa garde. L'expérience des combats le maintenait dans un état de veille perpétuel. Le corps roide, il s'apprêtait à intervenir à tout moment. Cette prudence sans failles faisait de lui un soldat hors pair. Il dévisageait chaque villageois, prêtait oreille à toutes les conversations et cherchait à déceler les intentions de cette foule agglutinée autour du roi.

Ici, le danger ne rôdait pas avec une telle évidence qu'à Farétal, où l'ennemi pouvait surgir à tout moment. Outre la nervosité que cela suscitait chez le soldat qu'il incarnait, le chevalier était décontenancé. Ses yeux traquaient, étudiaient, ne trouvaient rien de concret à se mettre sous la dent. Ces bruits, ces exclamations, agressaient un corps façonné par la violence des combats et un esprit qui n'existait qu'à travers le prisme de la guerre. Où se terrait l'ennemi ? Où était-il ?

En dépit de sa vigilance et de son assiduité, il ne remarqua que trop tard la silhouette qui se frayait un passage à travers la foule. Elle fendait la masse inoffensive des villageois, un poignard fermement tendu dans sa main.



Lyssandre profite, dans ce chapitre, de son premier bain de foule. Un premier contact avec le peuple dont il est désormais le souverain.

Si tout se présentait pour le mieux à son grand soulagement, le répit ne dure jamais assez. Je m'excuse pour cette coupure barbare, le suspens l'autorise :p

Je ne vais pas teaser le prochain chapitre, vous vous imaginez de quoi il va être question. Une confrontation s'impose, et il faut espérer que le roi s'en sorte indemne !

Je vous embrasse <3 

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