Lunaire

By _--Moonchild--_

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Walter et Liesel Eisenmann. Le frère et la sœur, deux gamins détestables qui passent leur temps à se disputer... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32

Chapitre 3

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By _--Moonchild--_

Quelques heures à peine après le passage en revue des nouvelles recrues, Liesel éprouvait déjà le besoin de s'isoler un peu de la cohue ambiante.

Elle n'avait pas l'habitude de se retrouver entourée d'autant de monde... Et pour être honnête, ça l'oppressait un peu. Mais bon, elle savait bien à quoi s'attendre. Il allait simplement falloir qu'elle se force à parler au lieu d'écouter, à agir au lieu d'observer. Ce qui, clairement, serait loin d'être facile. Elle regrettait, quelque part, d'avoir grandi coupée du monde. Son enfance avait été plus qu'heureuse, mais elle avait l'impression d'avoir été jetée dans un fleuve sans avoir appris à nager, et de se débattre tant bien que mal pour rester à la surface. Tout ce qu'il fallait, c'était qu'elle apprenne à faire la planche, en espérant soit qu'elle finirait par apprendre à flotter toute seule, soit que quelqu'un viendrait la repêcher avant qu'elle ne se noie.

Elle s'accouda à la barrière avec un petit soupir, fermant les yeux un instant. Elle y était enfin. Elle avait quitté les bacs à lessive, la maison qui sentait la pisse de chat, la petite vieille, gentille certes mais bien trop indiscrète pour elle, les heures d'insomnie à observer le plafond humide... Tout ça était derrière elle, maintenant. Elle suivait les traces de son frère, et celles de son grand-père avant lui, bien qu'elle pressente que ses jambes étaient bien trop courtes pour marcher dans leurs empreintes.

Le bruit de pas précipités la sortit de ses rêveries, et elle ouvrit les yeux. La fille à la patate, pensa-t-elle avec un sourire amusé lorsque son regard se posa sur l'adolescente aux cheveux châtains qui semblait prête à s'écrouler de fatigue. Le passage en revue avait été plutôt mouvementé, et en partie grâce à elle.

Quelques minutes seulement après que Liesel se soit vue humiliée devant plus de cent personnes par son instructeur qui lui énumérait une par une les raisons pour lesquelles elle mourrait prématurément, cette fille avait sorti une patate de sa poche. Et l'avait mangée, en toute simplicité. Elle se souvenait encore du silence de mort qui s'était abattu sur le groupe, tout le monde la dévisageant sans un mot. Elle aurait dû avoir envie de rire, mais le culot de cette fille lui avait cloué le bec.

« Ça fait cinq heures qu'elle court comme ça... » fit une voix à sa droite. Liesel sursauta violemment, ne l'ayant absolument pas entendu arriver. Lorsqu'elle tourna la tête pour dévisager le nouvel arrivant, elle fit face à un visage sympathique piqueté de taches de rousseur et aux yeux brillant d'un éclat amical.

« J'arrive pas à croire qu'elle soit capable de courir aussi longtemps... Murmura-t-elle en reportant son regard sur la fille en question.

- Et pourtant, elle y est depuis qu'on est rentrés... C'est dans ce genre de situations que je me demande ce que je fous là. avoua l'adolescent avec un rire nerveux.

- Tu veux partir dans le centre, non ?» Dit-elle d'un air un peu absent. Foutues oreilles qui ne pouvaient s'empêcher d'écouter tout ce qu'elles pouvaient, foutus yeux qui analysaient les visages un par un et, pire que tout, foutu cerveau qui retenait le moindre détail.

«Tu espionnes tout le monde comme ça ?»

Elle étudia un instant son expression surprise et finit par hausser les épaules avec une moue indifférente.

« Faut bien que je me renseigne sur les gens avec qui je vais passer trois ans... Enfin, si je ne me fais pas jeter avant.

- Tu commences déjà à penser à ça ?

- L'autre tête d'œuf m'a bien fait comprendre que les demi-portions dans mon genre finissaient par lâcher l'affaire... Mais j'ai pas l'intention de le laisser avoir raison.»

Treize ans, un mètre cinquante et guère plus de quarante kilos, il fallait avouer que Liesel ne payait pas de mine. Elle était en parfaite santé avant de quitter sa forêt natale, affûtée, énergique, mais ces deux dernières années l'avaient amaigrie, lui donnant clairement l'allure d'une brindille. Elle avait encore le corps d'une enfant, et il lui restait quelques traits du visage rond de ses primes années. Des hanches étroites, une poitrine non loin du néant et des jambes aussi maigres que celle d'une sauterelle donnaient l'impression qu'on pourrait la briser d'une pichenette.

« Évite de dire ça trop fort, s'il t'entend, t'es morte.»

À ces mots, un sourire narquois lui échappa. Elle était peut être petite, mais elle était futée.

« Je suis prête à parier que je suis plus rapide que lui.

-Plus rapide que qui ? » fit une voix derrière elle.

Elle se retourna vivement pour faire face à la personne qui venait de parler. Drôle d'allure que celle de ce garçon : un crâne aux cheveux ras, des yeux d'un vert jaunâtre relativement étrange... Elle le reconnut comme celui qui avait salué du mauvais côté lors du passage en revue. Cependant, elle se retint d'émettre la moindre remarque à ce sujet, consciente qu'elle passait sans doute déjà pour quelqu'un de louche aux yeux de... Quel était son nom, déjà ? Elle ne s'en rappelait plus. 

Le surnom « tête d'œuf » aurait tout aussi bien pu correspondre au nouvel arrivant, aussi jugea-t-elle inadéquat de l'employer envers leur instructeur. Elle avait beau venir d'un endroit paumé, elle savait se tenir et avait un minimum de bon sens.

« Que l'autre singe hurleur. improvisa-t-elle donc, l'ombre d'un sourire flottant sur son visage.

- Oh, tu veux dire la tête d'oeuf ? »

La remarque de leur interlocuteur fit naître un sourire étrangement complice sur les traits de Liesel et du brun qui se tenait à ses côtés. L'adolescente hocha doucement la tête en signe de confirmation.

« Oui, c'est bien lui. déclara-t-elle, s'accoudant à la barrière.

-C'est quoi vos noms, à vous ?» demanda le garçon avec un sourire enthousiaste.

Les deux camarades se regardèrent un instant d'un air un peu confus, essayant de déterminer qui devrait répondre en premier. Finalement, ce fut le brun qui prit la parole.

«Je m'appelle Marco. dit-il simplement, avec un sourire sympathique. 

- Liesel.» ajouta doucement l'adolescente, l'air nettement moins serein que lui. Sa timidité était mise à rude épreuve, à cet instant. Elle avait l'habitude d'être la gamine sans nom, que tout le monde connaissait sans connaître, alors forcément, parler avec des gens dont elle ne savait rien la perturbait un peu.

«Moi c'est Connie ! » répondit le petit, avec un sourire enthousiaste. Il avait l'air d'excellente humeur, malgré le savon qu'il s'était fait passer, et Liesel se surprit à se relâcher légèrement, laissant un sourire naître sur ses propres traits. Son expression joyeuse était contagieuse, il fallait croire. Ces trois ans ne seraient peut-être pas si terribles que cela, songea-t-elle. Même si elle n'était pas ici pour se faire des amis, bien s'entendre avec ses camarades lui rendrait sans doute la vie incroyablement plus facile. Enfin, pour l'instant, elle en avait rencontré deux ... Rien ne garantissait que tout le monde serait aussi ouvert qu'eux. A tous les coups, il y aurait aussi des lourdaux plus bêtes que leurs pieds, ou des brutes qui se croieraient tout permis. Cette pensée fit disparaître son sourire rapidement.

«Alors, d'où vous venez ?» Finit par demander Marco. Ce genre de questions un peu bateau, qu'on pose plus par crainte du silence que par réel désir de connaître les autres, dans une tentative maladroite de briser la glace.

«D'un patelin, pas loin du Mur Rose... Ragako, dans les terres cultivables. Répondit Connie.

-Je sais pas vraiment d'où je viens... Je vivais en pleine forêt, dans l'enceinte du mur Maria. avoua Liesel d'un air légèrement embarrassé.

- Oh... ça veut dire que t'as vu les titans, ce jour là ?» demanda Marco d'un air intrigué. Liesel sentait bien qu'il ne voulait pas être indiscret, mais que la question lui avait échappé sans qu'il puisse vraiment la retenir. Alors, elle sourit doucement et secoua la tête de gauche à droite, dans un mouvement à peine perceptible.

« Je les ai entendus, mais pas vus... On s'est enfuis avant, mon frère et moi.

- Ouah... Vous avez eu de la chance, ils devaient vraiment vous coller aux basques... Comment vous vous en êtes sortis ?» demanda Connie.

Décidément, songea Liesel, il avait des traits bien étranges. Un lémurien, finit-elle par réaliser. Il avait une tête de lémurien, ces bestioles farfelues que son grand père lui décrivait parfois. Mais elle chassa cette pensée de son esprit, histoire d'éviter de lui rire au nez, et fit de son mieux pour répondre de la manière la plus courte possible. Elle n'avait pas envie de s'étendre là-dessus. 

«On a pris un cheval, et on s'est arrêtés en bordure de forêt pour attendre que le soleil se couche... Et après, on a tracé jusqu'à Trost. »

Des pas se firent entendre derrière eux, et Liesel tourna la tête, détaillant les nouveaux arrivants d'un oeil aiguisé. Un garçon brun à l'air décidé, voire même buté, et un petit blond qui n'avait pas vraiment l'air de savoir ce qu'il foutait là. Ça la rassura légèrement : au moins, il y avait l'air d'y avoir encore plus paumé qu'elle. D'autant plus que, dans la catégorie «demi-portion», ils avaient l'air à peu près sur la même longueur d'onde.

Au fur et à mesure de la discussion, les mots s'enchaînaient de plus en plus facilement, et elle-même se surprit à laisser échapper quelques sourires amusés. Cependant, lorsqu'il fut temps de rentrer à l'intérieur pour le repas du soir, leurs chemins se séparèrent. Elle n'avait absolument pas faim, et même si elle savait que ne pas manger risquait de lui compliquer la journée du lendemain, elle avait également conscience du nœud qui lui tordait l'estomac et lui ferait probablement rendre le peu qu'elle oserait avaler.

À la place, elle s'assit sur la rambarde, les pieds dans le vide, le regard levé vers le ciel qui se piquetait peu à peu de points lumineux. Son grand-père avait tellement de mal à lui faire mémoriser les étoiles qu'il était obligé d'inventer une histoire pour chaque constellation, se souvint-elle. Abel les reliait dans une immense fresque de contes, il avait créé un monde entier dans ce vaste terrain de jeu. Il y avait Cassiopée, sa constellation préférée. Une reine toute puissante qui menait au combat les étoiles du ciel printanier, les yeux rivés sur Polaris, l'étoile du Nord. À la limite de l'horizon, elle voyait Sirius... L'étoile la plus brillante du ciel, piégée au cœur de la constellation du grand chien. Son grand-père lui racontait souvent cette histoire... L'homme qui se transformait en bête, qui courait à la poursuite de la nuit et finissait inexorablement rattrapé par l'immense navire céleste, Argo Navis, qui l'emportait de l'autre côté du ciel.

Pourquoi préférait-elle la compagnie des étoiles à celle des gens ? Sans doute parce qu'elles lui rappelaient la maison. Ces heures passées allongée sur le toit, bercée par la voix chaleureuse de son grand père. Parfois, elle s'endormait, roulée en boule pour se réchauffer, suçant paisiblement son pouce. Elle avait beau contempler le même ciel, ces temps étaient révolus. Une telle vulnérabilité n'était plus permise. Il fallait qu'elle arrête de s'assoupir au son des contes, et qu'elle se jette dans l'eau glaciale.

Alors, elle balança une dernière fois ses jambes maigres dans le vide avant de sauter, atterrissant les deux pieds dans la poussière. Puis elle poussa la porte, replongeant dans l'atmosphère chaleureuse et bruyante de la salle commune, comme en apnée.

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