ExoRdium

By Maxilyal

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- Vous ne trouvez pas que le ciel est bizarre, ce soir ? Douze garçons, amis, ennemis ou inconnus, se... More

Chapitre 1 : Le ciel est bizarre
Chapitre 2 : Do Kyungsoo l'intello
Chapitre 3 : La journée n'est pas encore terminée
Chapitre 5 : Ramène-le moi
Chapitre 6 : On va tous très bien
Chapitre 7 : Vos fruits ne sont pas laids
Chapitre 8 : Vous êtes qui ?
Chapitre 9 : Une vraie drama queen
Chapitre 10 : un OVNI
Chapitre 11 : T'as pas d'amis ?
Chapitre 12 : Je crois que tu m'as pété le bras
Chapitre 13 : Pas le droit de te manger
Chapitre 14 : Un merci

Chapitre 4 : Nous les trouverons

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By Maxilyal

Yixing

- Plus qu'une minute, plus qu'une minute...

Yixing se débattit plusieurs secondes avec la boucle de sa ceinture avant de parvenir à s'extraire de sa voiture. Il se prit les pieds dans son tapis de sol en sortant et se rattrapa de justesse à la poignée de la portière en flanquant un énorme coup de coude dans le klaxon qui résonna dans tout le parking souterrain. Il sursauta avant de se reprendre et attrapa son sac de sport qui contenait ses changes, son déjeuner et ses affaires de toilettes pour enfin faire claquer la portière et s'élancer vers les cages d'ascenseur, brusquement étranglé par sa cravate restée coincée.

Même s'il parvenait à atteindre les vestiaires, il n'arriverait pas à se changer à temps pour quatorze heures. Il allait devoir compter plusieurs minutes de retard. Pas que cela soit gravissime en soi, il le rattraperait avec des heures supplémentaires. Mais ce n'était pas la première fois qu'il était en retard et pendant que les minutes filaient, les gens avaient besoin de lui !

L'urgentiste passa devant l'accueil et ne remarqua pas le secrétaire de l'hôpital écarquiller les yeux en le voyant passer, ni une infirmière s'évanouir contre une porte lorsqu'il la dépassa dans le couloir. Il était déjà trois à sa montre, s'il se dépêchait, il pourrait être prêt pour quatorze heures heures dix, soit dix minutes de retard. Il slaloma entre les visiteurs qui circulaient dans le hall et déboula dans le couloir qui contenaient les cages d'ascenseur.

- Pardon, pardon ! s'exclama Yixing en trépignant devant les portes où une foule de patients attendaient leur tour.

- Pouvez pas attendre, comme tout le monde ? le réprimanda une petite vieille qui portait d'énormes lunettes en cul-de-bouteille.

Le jeune homme grimaça et s'inclina poliment avant de prendre les escaliers. Sa cravate était maintenant complètement de travers et ses cheveux ressemblaient à un champ de bataille. Il voulu sortir son téléphone pour vérifier qu'il n'avait aucun message de sa chef de service, mais se rappela en avisant l'écran éclaté pourquoi il était en retard : il ne s'était pas réveillé parce que son portable était cassé. Il n'avait aucun souvenir de l'avoir brisé, mais il n'avait pas le temps de s'en inquiéter.

- Bonjour, bonjour, bonjour ! fit-il en s'inclinant devant toutes les personnes qu'il croisait, sans cesser de courir dans les couloirs qu'il connaissait par cœur maintenant.

Les vestiaires des médecins étaient tout au fond, mais quel que soit son temps de retard, il prenait toujours le temps de saluer tout le monde avant d'aller travailler. C'était sa grand-mère qui lui avait apprit la politesse, une règle de vie auquel il apportait beaucoup d'importance... comme la ponctualité.

- Zhang Yixing oppa !!

Le jeune homme s'arrêta net et chercha l'origine de la voix, son fil de pensée complètement interrompu. Il se fit littéralement aspirer dans une étreinte qui lui coupa le souffle et mis plusieurs secondes à reconnaître sa petite collègue dont il n'arrivait jamais à retenir le nom. Elle le serra de toutes ses forces et il se sentit rougir, très gêné par cette marque d'affection publique. Il avait toujours été un homme relativement vieux jeu et pudique. Mais aussi, bien trop gentil pour la repousser.

- Moi aussi je suis ravi de vous voir ! bafouilla-t-il en essayant de s'incliner sans lui faire mal.

Elle le lâcha enfin mais le sourire de Yixing s'effaça quand il réalisa que de grosses larmes roulaient sur ses joues.

- Oh, non non non ! s'exclama-t-il en les essuyant du pouce, je suis désolé ! Ne pleurez pas, quoi que je puisse faire, je... que vous arrive-t-il, quel est ce chagrin ?

- Yixing oppa ! répéta-t-elle en éclatant en sanglots.

Mortifié, Yixing se redressa et chercha une aide du regard, complètement désarçonné par cet accueil atypique. Il se figea en réalisant que tout le service de son étage s'était interrompu et que ses amis, collègues et des inconnus, qu'ils soient infirmiers, médecins, chirurgiens et même patients, se tenaient sur les pas des portes et le dévisageait avec insistance.

- Je... bonjour ? dit-il d'une voix un peu trop aiguë.

Comme un seul homme, tous se précipitèrent vers lui dans un brouhaha confus dont il ne saisit pas un traître mot. Il n'était pas encore assez bon en coréen pour comprendre un groupe de gens parlant tous en même temps et aussi vite. Sa petite collègue qui ne l'avait toujours pas lâché, l'attrapa par le col, le contraignant à s'abaisser à son niveau. Il parvint à saisir entre deux "oppa" l'explication à cette curieuse mascarade.

- Tu avais disparu !! Hier pendant l'intervention ! Nous avons cru que tu étais mort !! J'ai essayé de t'appeler pendant des heures, et ce matin les policiers ne t'ont pas retrouvé...

Yixing écarquilla les yeux, complètement perdu. Il se redressa avec un regard lointain et répéta plus lentement ;

- J'avais disparu...

- Les pompiers ont même tenté plusieurs entrées forcées pour te retrouver ! Nous t'avons cru perdu, je...

Elle couvrit sa bouche de sa main, refoulant ses larmes et se fit sans ménagement écarter par sa chef de service, une petite femme d'une cinquantaine d'année qui arborait toujours le même air sévère. Tous s'écartèrent sur son passage et elle s'avança avant de saisir Yixing par le joue. Il poussa un cri de surprise et de douleur.

- Je suis désolé pour le retard madame Kim... bredouilla-t-il mécaniquement.

- Toi ! s'exclama-t-elle en frappant sa poitrine de l'index. J'espère que tu es fier de toi !

Yixing rentra la tête dans les épaules, de plus en plus perdu. Il essaya de se remémorer le cours de sa soirée de la veille, où il avait travaillé comme tous les soirs de la semaine. Petit à petit, quelques bribes lui revinrent en mémoire. En tant que stagiaire, il était affilié à de nombreux postes et avaient des horaires pratiquement aléatoire.

Le samedi soir, on l'avait placé aux services d'intervention avec d'autres urgentistes. Il se revoyait grimper dans l'ambulance avec son matériel... La suite de la soirée n'était qu'une suite d'images floues qui ne paraissaient pas avoir de lien les unes avec les autres.

- Je t'ai déjà expliqué que tu étais probablement l'un des éléments les plus prometteurs de cet hôpital, poursuivit la femme en le secouant par la joue, lui arrachant une grimace. Tout le monde t'aime ici, patients comment médecins. Alors que ça soit bien clair : plus jamais tu n'agiras de manière aussi stupide et plus jamais tu nous feras aussi peur... ou je te vire, c'est clair ?

- Mais je ne comprends pas, qu'est-ce que j'ai fait ? demanda Yixing.

Madame Kim lui lança un regard sceptique avant de lui donner une tape sur le crâne avec une force étonnante pour sa petite taille.

- Et tu t'étonnes de te prendre des réprimandes ! Tu es entré dans un bâtiment qui avait été condamné à cause des risques, après l'annonce d'un agent de sécurité !

Pendant une fraction de seconde, l'écho d'une seconde voix lui vint en tête. Le garçon qui l'avait réprimandé exactement pour les mêmes raisons, quelques heures plus tôt.

- J'avais... complètement oublié... avoua Yixing, stupéfait.

Il reçu une seconde tape toute aussi violente sur la tête et en évita une troisième de justesse. Madame Kim s'interrompit et respira profondément, comme si elle aussi était à deux doigts de pleurer. Puis, elle se recomposa une expression sévère et appuya sur son torse de l'index à intervalles réguliers.

- Mais qui m'a donné un apprenti aussi ahuri ?! s'exclama-t-elle. Il t'arrive d'oublier de manger, le prénom de tes collègues et d'inverser les chambres, mais comment as-tu pu oublier ça ?!

- Ne soyez pas trop dure avec lui ! la supplia sa collègue. Yixing oppa a voulu bien faire !

- Comme d'habitude !

La femme l'attrapa par la cravate et il leva deux mains devant son visage, persuadé qu'elle allait le frapper au visage. Elle se contenta de la nouer fermement autour de son cou, avant de l'attacher au revers de sa veste avec une claque sur le torse. Le jeune homme retint discrètement une quinte de toux. Ce n'était pas la première fois qu'elle le « punissait » de la sorte mais elle ne lui avait jamais fait mal. Pour la première fois, sa tête le lançait.

- Tu vas venir dans mon bureau, dit-elle. Tu as des explications à me donner !

- Je crois que j'en dois à l'ensemble du personnel, bredouilla-t-il en jetant un coup d'œil désolé à la petite assemblée.

- Pas seulement.

Yixing avala nerveusement sa salive et manqua de trébucher sur ses propres pieds alors qu'elle le tirait en direction de son bureau en baissant le ton.

- Deux agents de police sont venus ce matin. Ils ont interrogé une partie du personnel, sur tes relations, tes activités, ton travail... Il va falloir que je téléphone au commissariat pour leur dire que finalement, tu vas très bien... ils vont me prendre pour une folle.

- Des policiers ?!

Yixing se laissa faire quand elle le fit asseoir sur une chaise en plastique réservée aux médecins convoqués et accepta sans broncher un thé tiède alors qu'elle s'installait en face de lui. Il était déjà venu plusieurs fois dans le bureau de madame Kim. Quand il était arrivé à l'hôpital général, mais aussi chaque fois qu'on l'avait réprimandé sur son côté tête-en-l'air. Il avait essuyé des réprimandes sévères pour avoir mal compris un mot en coréen ou s'être cassé la figure au milieu du couloir. Mais Yixing savait être très professionnel et ne commettait jamais d'impairs mettant en danger les patients, alors il n'était plus revenu depuis un certain temps. Être de nouveau assis, le dos appuyé contre le dossier trop petit était un coup dur pour son amour-propre.

- Il va falloir que tu m'expliques ce qu'il s'est passé, Zhang ! lui dit madame Kim en s'emparant d'un vieux téléphone à cadran, sans doute pour appeler la police. On en a déjà parlé, les difficultés que tu as à comprendre notre langue ne doivent pas être un frein à ton métier, et encore moins une raison de mettre les gens en danger.

- C'est moi que j'ai mis en danger... répondit Yixing en baissant la tête.

- Ta vie ne vaut pas moins que celle des autres. Je dirai même qu'en tant que médecin, tu te dois de prendre soin de toi même pour pouvoir toujours être présent et offrir tes compétences à ceux qui on besoin que tu le fasses pour eux.

Le jeune homme hocha la tête. Sa chef de service gardait les yeux rivés sur lui, observant avec attention chacune de ses réactions. Elle sembla soudain réaliser quelque chose et reposa doucement le combiné en soupirant.

- Je ne vais pas... appeler le commissariat tout de suite. D'abord j'aimerai comprendre pourquoi tu n'as essayé de contacter personne en sortant du bâtiment, dit-elle.

- Je vous l'ai dit tout à l'heure... je ne me souviens pas être sorti.

Madame Kim essaya de repérer une trace de mensonge sur ses traits. Mais Yixing était désespérément sincère.

- Hier soir... quand le club ExoRdium a dû être évacué et que pratiquement tous les urgentistes disponibles s'y sont rendus... tu étais là, tu étais conscient ? demanda-t-elle.

- Je me souviens de tout. Je me rappelle avoir aidé des gens devant le bâtiment, avec mes collègues. Puis une fillette m'a demandé de venir aider quelqu'un qui se trouvait de l'autre côté du bâtiment et tout le monde était occupé. À cause du bruit et de la confusion, je n'ai même pas remarqué le discours du mégaphone, je devais déjà m'être déplacé...

Yixing évita de justesse du boîte de crayon qui déversa son contenu sur la moquette passée du bureau.

- Tu dois impérativement prévenir quand tu te déplaces ! s'énerva Madame Kim.

- J'ai pris une très mauvaise initiative... bredouilla Yixing en protégeant son visage.

- Pire que mauvaise, Zhang ! En cas d'urgence, tu dois au moins prévenir ton chef d'équipe lorsque tu agis... cela te vaudra certainement une belle remarque sur ton dossier... C'est une erreur grave.

Yixing baissa la tête. Il l'avait amplement mérité, mais ça ne l'empêchait pas d'être désespéré d'entendre ces mots venir encore compromettre son avenir. Jamais il ne parviendrai à devenir un urgentiste compétent s'il persistait à faire des erreurs stupides.

- Mais plus important encore, Zhang, insista Madame Kim d'une voix radoucie. Tu m'as dit ne pas t'être souvenu de ce qu'il s'est produit... que te rappelles-tu exactement ?

- Après être entré dans le club... pas grand chose... Je me souviens être venu en aide à un étudiant qui était tombé d'une grande hauteur. Il y avait de la musique, il faisait sombre et... je crois... je crois qu'on m'a tiré dessus.

- Quoi ?!

Yixing ferma les yeux et essaya de se remémorer sa soirée de la veille. Tout lui paraissait distant, comme s'il n'avait fait que rêver des événements. Il ne se sentait absolument sûr de rien et n'était pas certain de distinguer souvenirs et imagination. Il essaya de raconter aussi fidèlement que possible ce qui lui revenait, mais sa mémoire se dérobait et il n'arrivait pas à visualiser clairement ce qu'il avait vu. Seul le visage d'un garçon finit par s'imposer dans son esprit. Jun... Junmy... Junmeyon ?

- C'est très inquiétant ce que tu me racontes là... lui dit sa chef de service en retranscrivant fidèlement son discours. Il peut y avoir des centaines de raisons pouvant expliquer une perte de mémoire. Tu as toujours eu des problèmes pour te concentrer. Peut-être es-tu malade ? Je vais être obligée de te faire passer des examens médicaux et te suspendre...

Yixing écarquilla les yeux avec l'impression qu'elle venait de le gifler, beaucoup plus fort que les autres fois. Il prit une profonde inspiration pour empêcher sa voix de trembler et se leva. Il contourna le bureau et s'agenouilla devant sa patronne jusqu'à ce que son front vienne appuyer sur la moquette.

- Yixing... ne fais pas ça, dit-elle.

- S'il vous plait... supplia-t-il sans l'écouter. Ne me suspendez pas. Je veux pouvoir continuer à aider les gens... Je ne veux pas qu'on me renvoie en Chine !

- Mon garçon, écoute...

Madame Kim le releva et pour la première fois depuis qu'il l'avait rencontré, plusieurs mois plus tôt lorsqu'il avait commencé à travailler à l'hôpital, Yixing ne vit aucune trace de sévérité chez elle. Elle semblait juste désolée et ce sentiment n'allait tellement pas avec ce dont il était habitué qu'il se sentit atrocement mal à l'aise de devoir soutenir son regard. Quand exactement sa vie avait-elle pu basculer si vite ?

- Si tu n'es pas apte à faire ce métier, je ne peux pas laisser la vie des patients entre tes mains, le résonna-t-elle. Même si je regretterai beaucoup cette décision. Tu es quelqu'un de très impliqué, qui prend à cœur ce qu'il fait, et le fait parce que c'est juste. Ce n'est pas si fréquent et j'en ai conscience. Je peux peut-être te déclasser à faire des tâches sans risques pour personne mais, tant que nous ne sommes pas fixés, je ne veux prendre aucun risque. D'accord, mon garçon ?

Un silence pesant tomba sur le bureau, pendant lequel Yixing s'efforça autant que possible de se souvenir de ce qu'il s'était passé après. La fameuse lumière blanche, les cris des garçons qui étaient là. Comment était-il rentré chez lui ? Il n'en avait aucune idée. Avait-il subit un choc... ou était-ce tout simplement son cerveau qui n'était pas normal ?
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Luhan

Luhan s'éveilla en sursaut.

Il resta figé, assis dans son lit à fixer le mur en face de lui où des pans entiers de tapisseries se détachaient, rongés de moisissures. Son corps était agité de tremblements incontrôlables et des souvenirs éparses lui parvenaient par flashs, en série de gifles brûlantes qui quand elles cessèrent, le laissèrent pantelant et essoufflé.

Le club ! L'homme mort finalement en pleine forme, la lumière, ce type... il se souvenait de tout, distinctement, jusqu'au moment où il y avait eu une étrange explosion et qu'il avait eu l'impression que le monde s'effondrait. Et qu'il avait eu mal.

- Kris ! appela-t-il en repoussant les couvertures. Kris !

Il se précipita hors de sa chambre et entra en coup de vent dans celle de son colocataire. La pièce était plongée dans une pénombre épaisse, seulement découpée par de fins rais de lumière qui s'infiltraient entre les stores cassés et trahissaient des grains de poussière dorée qui flottaient dans l'air immobile.

Luhan distingua presque immédiatement la silhouette de Kris au milieu des draps défaits. Il dormait sur le ventre, torse nu et l'air parfaitement serein. Quoique, même dans son sommeil, il avait l'air de faire la gueule.

Le jeune homme poussa un long soupir de soulagement et se laissa glisser le long du mur, les jambes flageolantes. Craindre de perdre son colocataire lui avait brutalement jeté à la figure à quel point sans lui, il aurait été seul. À quel point il était seul.

Cela commençait à faire beaucoup au réveil. Luhan appuya l'arrière de sa tête contre le mur derrière lui et réprima une montée d'émotions. Il s'efforça de calmer sa respiration et mit une bonne minute avant de se reprendre. Il n'avait pas pleuré depuis des années, ça n'arriverait certainement pas aujourd'hui.

- Réveille-toi ! cria-t-il finalement en décochant un coup de pied dans le lit.

Kris remua et poussa un grognement. Luhan se redressa sur ses jambes, décidé à ne rien laisser paraître de la crainte qu'il avait eue et se recomposa un visage neutre avant de lui frapper le dos du plat de la main. Le claquement retentit dans toute la pièce mais le garçon remua à peine.

- Kris !! cria Luhan en se penchant sur lui.

- ... Quoi ?

Kris grogna et roula lentement sur lui même. Il arracha son visage de l'oreiller pour lui lancer un regard confus. Ses yeux étaient à moitié fermés et ses cheveux partaient dans tous les sens, lui donnant l'air renfrogné mais surtout, très jeune.

- T'as vraiment une tête de con, fit remarquer Luhan.

Kris lui lança un regard brumeux à travers ses paupières plissées avant de lui adresser un doigt d'honneur.

- Plus sérieusement, insista Luhan. Tu... te rappelles de ce qu'il s'est passé hier ?

Son ami continua de le dévisager avant de se laisser retomber dans son coussin. Il n'avait jamais été du matin et se levait toujours sous les coups de midi, minimum. Mais il était encore plus taciturne que d'habitude lorsqu'on le réveillait et en temps normal, Luhan ne s'y serait jamais risqué. Finalement, Kris leva une main, paume ouverte.

- Laisse-moi deux minutes, grommela-t-il d'une voix étouffée. J'arrive.

Luhan acquiesça avant de quitter la chambre. Une fois dans le couloir, il s'appuya contre le mur et estima qu'il fallait qu'il avale quelque chose de toute urgence s'il ne voulait pas s'écrouler. Il alla dans leur petite cuisine où il entreprit de cuisiner pour eux deux et faire du café, noir, comme Kris l'aimait. Ce dernier daigna finalement le rejoindre et ils s'assirent l'un en face de l'autre dans un silence seulement perturbé par le grondement sourd et continu de leur réfrigérateur.

Kris s'affaissa pratiquement dans son café et Luhan dû attendre, toujours aussi impatiemment, qu'il daigne lui adresser un mot.

- Bon. J'admets que je ne comprends pas tout, maugréa-t-il finalement en se massant les tempes. Je me rappelle pas m'être bourré la gueule et j'ai le pire mal de crâne de ma vie.

- Alors... toi non plus tu sais pas comment on s'est retrouvé ici ? demanda Luhan. Je crois que je me suis évanoui dans la salle principale, puis... plus rien. Je ne me rappelle pas du trajet du retour, ni d'être seulement sorti de la boîte.

Il frissonna. Ce blackout n'avait rien d'une sensation agréable. Pendant ce temps, on aurait très bien pu disposer de lui, qu'il n'en aurait rien su et aurait été incapable de se défendre. Il détestait cette idée.

- Je dois admettre que je ne me souviens pas non plus être rentré. C'est étrange.

Kris sortit son téléphone portable de sa poche. Sans doute pour retracer leur conversation de la veille. Luhan se sentit stupide de ne pas y avoir pensé tout seul et espéra presque qu'il ne trouve rien, pour ne pas avoir à admettre s'être enflammé trop vite s'il y trouvait une explication logique.

- Rien du tout, bien avant minuit, dit Kris en faisant défiler leur conversation SMS. Je n'ai pas reçu de messages non plus à partir des environs de... minuit, toujours. Comme si mon téléphone s'était éteint ou avait perdu le réseau... C'est bizarre, normalement, j'ai des notifications presque en permanence.

Comme pour confirmer ses dires, l'écran de ton téléphone enregistra une série de messages entrants, comme si tout son répertoire s'était mis en tête de le contacter en même temps. Kris grimaça et reposa son téléphone à plat, écran contre la table en secouant la tête. Luhan suivit le mouvement d'un regard lointain, de plus en plus mal à l'aise.

- Finalement, j'aurai préféré me tromper... marmonna-t-il en avalant péniblement sa salive.

- Je n'en doute pas.

- Tu crois que c'est... à cause de la pègre ?

- La mafia ? Je ne vois pas pourquoi.

Kris porta son café à ses lèvres avant de grimacer. Il s'était brûlé la lèvre. Il se gratta pensivement la nuque mais n'ajouta rien, malgré l'impatience de Luhan.

- Et si... et s'ils avaient réglé leurs comptes et qu'ils n'auraient pas voulu que nous soyons témoins ? insista-t-il.

- Comment ça ?

- Certaines drogues peuvent avoir ce genre d'effets, et effacer complètement les souvenirs... S'ils avaient commis un meurtre, un braquage ou quoi que ce soit d'autre, qu'ils aient utilisé du gaz soporifique et voulu qu'on ne puisse pas être témoin de ce qu'ils allaient faire ? Moi ils s'en fichent mais toi... ils ne te feraient pas de mal.

Kris fronça les sourcils. Au ralenti, le plan d'une explication logique se mit en place dans l'esprit de Luhan. Même si être mêlé de près à un plan foireux de la pègre ne lui plaisait pas du tout, ce semblant d'explication était une hypothèse à laquelle s'accrocher. N'importe laquelle.

- Ça m'étonnerait beaucoup, grommela Kris. Ce ne sont vraiment... pas leurs méthodes. Je ne comprends pas pourquoi ils auraient fait une chose pareille.

- Si c'est pour étouffer quelque chose...

- Des billets suffisent.

Luhan n'ajouta rien, mais son air grave ne trompait pas sur le fond de sa pensée. Cette explication était la seule qui semblait coller, même un tout petit peu et il n'était pas prêt à y renoncer sur la base d'arguments basés sur si peu.

- J'irai demander des renseignements, capitula Kris en parvenant enfin à prendre une gorgée de café, avant d'avaler le reste d'une seule traite. J'ai reçu une commande importante, je vais probablement devoir me déplacer directement chez le patron pour m'occuper de ses équipes les plus proches. J'en profiterai pour poser la question. En ce qui me concerne, l'affaire est close pour le moment.

Luhan lui lança un regard noir et Kris soupira.

- Je ne nie pas que c'est bizarre, mais on ne peut rien y faire...

- Je sais bien que tu as pas eu la vie facile, mais j'arrive pas à croire que tu sois aussi calme dans des circonstances pareilles ! Ça ne t'inquiète pas ? Il aurait pu se passer n'importe quoi ! Si ça se trouve, il s'est passé quelque chose !

- Qu'est-ce que tu veux qu'il se soit passé ? gronda Kris. Des extraterrestres nous ont enlevé, puis remit dans nos lits respectifs en l'espace de quelques heures ?

Luhan marmonna une injure en chinois et se redressa automatiquement voyant son colocataire se raidir. Il se dévisagèrent un long moment sans parler, puis d'un accord tacite et silencieux, détournèrent les yeux.

Ils vivaient ensemble depuis des années maintenant, et n'avaient aucun autre appui que l'autre. La plupart du temps, ils ne se mêlaient absolument pas de leurs vies respectives. Mais de temps à autre, Kris lui rappelait - et jamais de manière très agréable - qu'il était plus ou moins responsable de leur sécurité à tous les deux. Cela avait le don d'énerver énormément Luhan qui détestait dépendre de quelqu'un.

- J'ai comme le vague souvenir d'un moment où tu aurais tiré avec ton arme dans un bâtiment truffé de caméras... alors ? demanda soudain Kris.

Le jeune homme rentra aussitôt la tête dans les épaules et riva son attention sur son assiette en évitant le regard inquisiteur de son colocataire. Il s'était préparé une omelette qui n'était déjà plus qu'à peine tiède, mais il se força à en avaler un morceau.

- Je... j'ai... j'ai cru reconnaître quelqu'un, finit-il par avouer. En fait non, je suis certain d'avoir reconnu quelqu'un.

- Et toi, tu tires sur les gens que tu reconnais ?

- C'est... tu te rappelles du truc dont je t'avais parlé ?

- Non.

- Je t'en ai parlé plusieurs fois... murmura Luhan. j'avais l'impression qu'on me suivait.

- Ah oui... ça.

Kris se redressa et lui vola une cuillerée d'omelette, comme si la conversation avait subitement perdu tout son intérêt à ses yeux. Luhan soupira mais insista tout de même ;

- Qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour que tu me croies ?

- Je leur en ai parlé. Ils m'ont dit que ce n'était pas eux.

- Alors c'est quelqu'un d'autre ! Mais hier dans cette boîte de nuit ! Je sais ce que j'ai vu. Il y avait encore quelqu'un !

- Qui ça ? Explique-moi.

Luhan devina que ce n'était qu'une question de temps avant que Kris ne s'en aille. Il le foudroya du regard et contre toute attente, son ami resta où il était, attendant simplement qu'il termine son discours. Il semblait fournir un très gros effort pour rester attentif à la conversation.

- On me suit. Régulièrement ! Un enfant seul, une petite vieille, un employé de bureau, une femme au foyer avec ses sacs de courses dans les bras... je ne sais pas qui mais je le sens !

- Et comment est-ce que tu peux savoir que ces personnes sont en lien les unes avec les autres et te suivent, toi spécifiquement ? demanda Kris en haussant un sourcil. C'est peut-être uniquement du hasard...

- Si tu ne me croies pas...

- Je n'ai pas dit ça. Mais je n'exclue pas que tu te trompes.

Luhan leva les yeux au ciel, excédé. Si d'ordinaire, il appréciait que son colocataire soit peu loquace, son côté froid lui tapait sur les nerfs quand il avait réellement besoin de lui.

- Je te l'ai déjà expliqué plusieurs fois ! Ils ont les yeux bleus ! Ce n'est pas quelque chose de commun, en Corée !

Plusieurs semaines plus tôt, les deux garçons avaient eu une longue discussion. Luhan était persuadé de voir depuis plusieurs mois, des gens étranges partout où il se rendait. Il avait fini par en parler à Kris qui, s'il avait accepté de se renseigner pour lui, semblait avoir du mal à le prendre au sérieux.

- Je ne sais pas s'ils sont un club de personnes qui portent des lentilles de contact colorées, je ne sais pas si c'est une énorme coïncidence... parfois c'est un gamin, parfois une bombasse. Mais j'ai réellement l'impression qu'il se passe quelque chose d'anormal dans cette putain de ville de merde.

- Et que veux-tu que cela soit ? Une sorte de secte de personnes aux yeux bleus qui voudrait te kidnapper ? Des extraterrestres avec les yeux bleus, peut-être ?

Luhan soupira et passa une main nerveuse dans ses cheveux.

- Je ne sais pas ! admit-il. Et arrête avec tes putains d'extraterrestres. Au début j'étais comme toi, je croyais que je rêvais ou que j'étais parano...

- Je n'ai pas dit que je ne te croyais pas. Mais je n'exclue pas que tu te trompes.

Luhan haussa les épaules en enfourna une bouchée, vaincu. Kris était terre à terre et détaché de tout. Il n'avait aucune patience et à en juger par son regard lointain, il était déjà concentré sur tout autre chose.

- Je veux qu'on parte, déclara Luhan.

Cette phrase eu au moins le mérite de l'interpeller. Kris se redressa et son visage se ferma.

- Tu m'as entendu, je veux qu'on s'en aille d'ici, répéta-t-il.

- Et tu veux qu'on aille où ? demanda lentement Kris. En Chine, vraiment ?

Sa voix caverneuse accentuait la dureté de la sentence mais Luhan ne céda pas.

- N'importe où, mais pas ici. Même une autre ville ferait l'affaire !

Il planta sèchement ses baguettes dans le riz et les y laissa. Encore aujourd'hui, ils devraient s'en contenter. S'il ne sortait pas pour faire du chiffre, ils ne mangeaient pas. Mais, malgré qu'il soit furieux d'être le seul sur qui l'économie du foyer reposait, cela le blessait encore plus de savoir que, malgré ses efforts et sa fierté en morceaux, c'était uniquement grâce à Kris qu'ils subsistaient vraiment.

- Fais jouer de tes contacts ! gronda-t-il. Que leurs dettes servent à quelque chose !

- Tu sais bien que c'est impossible. Je ne veux rien leur demander tant que je n'y suis pas forcé et ils n'accepteront jamais que je quitte Séoul. Et si je m'abaisse à leur réclamer quelque chose de trop coûteux... certes notre train de vie s'améliorera, mais je perdrai définitivement mon indépendance.

Luhan resta silencieux, mais finit par hocher lentement la tête. C'était difficile à admettre, mais Kris avait raison sur ce coup-là. S'ils étaient en sûreté dans le quartier, c'est aussi parce que son colocataire était surveillé et qu'il n'était pas libre de ses actes. Ils étaient piégés et ça lui donnait envie de vomir.

- Je vais manger dans ma chambre, décréta Luhan en se levant. J'irai faire un tour après.

Kris le suivit des yeux mais ne chercha pas à le retenir.

- Comme tu voudras, mais ne va pas du côté du club. Ça risque de grouiller de policiers.

- Je n'y mettrai pas les pieds.

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Jongdae

Jongdae poussa un grognement et tendit la main vers sa table de chevet. Il tâtonna un moment avant de s'approcher du bord du lit pour passer sa paume sur la moquette, jusqu'à trouver son téléphone portable et le ramener devant son visage en se frottant les yeux.

- Seize heure ? marmonna-t-il d'une voix rauque. J'ai dormi longtemps !

Il se redressa en essayant vainement d'aplatir ses cheveux qui avaient indépendamment les uns des autres, décidé de prendre leur liberté et étouffa un bâillement. Il avait la bouche pâteuse, mal au crâne et une faim de loup.

- Manger... Ensuite te brosser les dents pour garder un sourire irrésistible et éventuellement prendre une aspirine avant que ta tête n'explose. Les priorités d'abord.

Jongdae aimait parler. Ses amis lui reprochaient parfois d'être trop bavard, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Aussi, lorsqu'il était seul, il parlait quand même. Cela lui avait valu toute son enfance des regards interloqués de ses parents chaque fois qu'ils l'entendaient en pleine discussion avec lui même sous la douche. Cette étrange habitude s'était exacerbée depuis qu'il vivait à Séoul dans son petit appartement.

Le jeune homme balança ses jambes par dessus les draps et se redressa en position assise en frictionnant énergiquement son visage, puis se leva en traînant les pieds.

De son groupe d'amis, il était le seul à posséder un logement à lui, tous frais payés de ses parents qui vivaient dans une autre ville. Baekhyun avait une petite chambre étudiante et Kyungsoo habitait toujours chez ses parents. Jongdae aimait vivre seul, mais la solitude lui pesait de temps en temps et aujourd'hui était de ce jour-là. Le jeune homme alluma la télévision pour avoir un bruit de fond, tout en se dirigeant vers le coin cuisine.

Il ouvrit le frigidaire et s'accroupit en se frictionnant les épaules pour se protéger du froid. Son réfrigérateur était toujours obstinément vide et il n'était pas certain qu'un petit déjeuner à base de mayonnaise soit une bonne idée pour sa ligne. Jongdae bailla de nouveau et renonça à y trouver son bonheur.

Dans le placard, il opta pour une brique de lait et un énorme paquet de céréales américaines bourrées de colorants et d'additifs, mais qui le mettaient toujours de bonne humeur parce qu'elles étaient en forme de dinosaures et qu'elles étaient vertes, roses, bleues, violettes, jaunes, rouges et tout un tas d'autres couleurs criardes.

Les petits déjeuners coréens classiques étaient vite tombés dans l'oubli quand il avait commencé à vivre seul. Il avait toujours été catastrophique en cuisine et ses parents lui avaient formellement interdit de s'approcher des fourneaux. Il avait même dû négocier avec eux pour avoir un appartement à lui : qu'ils lui apportent régulièrement de la nourriture. Le reste du temps, il commandait des fortunes de plats chinois, coréens, thaïlandais, japonais, italiens...

Satisfait de son choix, Jongdae revint sur ses pas en se grattant le dos et se laissa tomber dans son canapé pour se servir un grand bol de lait avant d'y déverser son petit-déjeuner atypique. Le son diffus du journal télévisé d'une chaîne d'informations en continue emplit la quiétude du salon et le garçon s'installa plus confortablement dans ses coussins, posant ses deux pieds sur la table et son bol en travers de ses cuisses. Il avait coupé le réseau de son téléphone et il le réactiva en enfournant une cuillerée de céréales.

Aussitôt, une série de notifications en tout genre, surtout émanant de ses parents, fit vibrer l'appareil. Il les dédaigna distraitement, préférant se concentrer sur la mise à jour de ses jeux en ligne.

Le jingle du journal télévisé le déconcentra brièvement et il attrapa la télécommande pour baisser le son. En temps normal, il regardait des séries ou les dernières nouveautés en matière de musique mais là, il avait prit beaucoup de retard et sa ferme animée étant remplie de mauvaises herbes. Jongdae porta une nouvelle cuillère de céréales à ses lèvres en pianotant sur son téléphone. Le plus urgent était de récolter les carottes et nourrir les cochons. Le reste viendrait plus tard.

- ... je confirme, il semblerait que l'ExoRdium soit encore...

Jongdae leva distraitement les yeux vers le journal télévisé, sa cuillère encore dans la bouche. Avait-il bien entendu ?

- ..semblerait qu'aucun blessé n'ait été retrouvé. Tout de suite, notre envoyé spécial en direct des lieux du drame...

- Wow, c'était là que j'étais ! s'exclama le jeune homme sans s'adresser à personne en particulier.

Il se redressa et porta son bol à ses lèvres, enfournant autant que possible de céréales dans sa bouche en montant le son à l'aide de son gros orteil, délaissant son téléphone qui glissa dans les replis du canapé avec sa récolte de carottes virtuelles.

Une journaliste était occupée à débiter son texte face caméra sans arborer la moindre expression faciale. Derrière elle étaient diffusées sur de petits écrans toute une succession de plans de la boîte de nuit, certains pleins de couleurs et de néons, d'autres noirâtres que Jongdae n'arrivait pas à distinguer clairement. Il écarquilla les yeux et se pencha en avant en essayant de continuer à manger sans regarder ce qu'il faisait, ce qui lui valu une cuillère de lait sur le nez et un diplodocus violet dans une de ses narines.

Un journaliste avec un sourire immense et des cheveux beaucoup trop longs qui lui retombaient devant les yeux, apparu soudainement dans une petite fenêtre en haut à gauche de l'écran. Il adressa un clin d'œil à la caméra en faisant tournoyer son micro dans sa main.

- Nous voici à présent en contact avec notre envoyé spécial, assura la journaliste en portant une main à son oreillette. Vous me recevez ?

- Oui bonjour, je vous reçois cinq sur cinq ! Vous me reconnaissez ? C'est votre super-génial-journaliste-préféré Kim Heechul qui vous parle !

- Oooh cool j'adore ce gars ! s'exclama Jongdae en enfournant une autre cuillerée de céréales.

- Vous nous parlez en direct de l'ExoRidum, expliqua la journaliste en triant ses fiches à la va-vite. J'ai cru comprendre que vous alliez pouvoir pénétrer dans le bâtiment . Est-ce vrai ?

- Tout est vrai, sauf que c'est parler un peu vite de dire que je vais pouvoir entrer "dans" le bâtiment, ricana Heechul en s'écartant légèrement pour qu'on puisse voir derrière lui. Voyez-vous même.

Il se tenait devant ce qui ressemblait plutôt à une décharge qu'à un club dansant. Là où se tenait auparavant le majestueux ExoRdium ne restait que la carcasse d'un bâtiment, son squelette métallique et quelques morceaux de murs debout.

- L'Exodium a entièrement brûlé ma chère !

Jongdae écarquilla les yeux et resta pantois. Il réalisa au bout de quelques secondes qu'une bouillie épaisse composée d'un mélange de lait et de céréales à moitié mâchées dégoulinait sur son pyjama, le colorant de pastel.

Lentement, la caméra zooma sur les décombres, quelques parpaings abandonnés, des clés pour le vestiaire complètement calcinées qui avaient été abandonnées dans la poussière et les restes d'un escalier en métal à moitié fondu qui semblait ne mener nulle part. Le journaliste dégagea du bout du pied un morceau de béton et adressa plusieurs "coucou" à la caméra, un grand sourire aux lèvres.

- Pas très glorieux, hein ?

- Je ne vous le fait pas dire, c'est vraiment très triste ! répondit sa collègue qui n'avait pas l'air triste du tout. Pouvez-vous entrer et nous dire un peu ce qu'il reste de l'intérieur ?

- Vous désirs sont des ordres ! Le chef de la police nous a gracieusement donné l'autorisation de nous rendre à l'intérieur du bâtiment désormais sécurisé et filmer les dégâts.

Heechul s'avança d'un pas souple jusqu'aux portes du club qui tenaient encore debout, stupidement au milieu d'un rien puisque les murs avaient disparu. Il poussa la porte d'un geste théâtral et s'écarta pour laisser entrer la caméra, qui s'avança en filmant le sol, puis les poteaux encore debout et les restes noircis du bar.

- Attention tout de même ! s'exclama-t-il en réapparaissant brusquement dans le champ de la caméra, faisant sursauter le cameraman. Il pourrait encore y avoir du danger !

Jongdae n'esquissa pas un sourire. En temps normal, il riait aux larmes en regardant les pitreries de ce journaliste très célèbre pour toujours faire l'idiot derrière l'écran, quelle que soit la gravité de la situation. Mais alors qu'il le regardait s'avancer dans les débris d'un lieu qu'il reconnaissait avec de plus en plus de clarté, sa soirée de la veille lui revint en mémoire.

- Comment est-ce que je suis rentré chez moi ? murmura-t-il.

Le monologue de Kim Heechul l'empêchait de réfléchir, mais il ne lui vint même pas à l'idée de baisser le son. Il était trop absorbé par les images.

Sur la droite, un mur de béton, vestige de ce qui avait été les vestiaires, tenait encore debout. Des morceaux de plâtre formaient des petits tas de décombres et des poutres métalliques étaient déplacées et repoussées en tas désordonnés par des ouvriers qui lancèrent un regard dédaigneux au journaliste guilleret qui s'installa sur une chaise noire de suie avec un grand sourire, avant de s'emparer d'une bouteille qui n'avait pas été débouchée et avait échappé au flammes.

- Comme vous pouvez le voir, décrivit Heechul en désignant d'un large geste du bras l'ensemble du club, il ne reste pas grand chose de la prestigieuse boîte qui faisait en grande partie la fierté de ce beau quartier ! Nous allons pouvoir accueillir son propriétaire, pour une interview exclusive !

- Comment je suis rentré hier ? répéta Jongdae en se pinçant l'arrête du nez. J'étais avec Kyungsoo, il y avait ce type dans les toilettes, et puis Baekhyun... Baekhyun !!

Son ami allait-il bien ? Jongdae plongea littéralement entre les coussins du canapé pour retrouver son téléphone, complètement terrifié à l'idée qu'il soit arrivé quelque chose à son ami. Mais il avait reçu un SMS, aux alentours de quatorze heure.

"Je suis amoureux"

Jongdae poussa un soupir de soulagement et s'empressa de lui répondre - « exactement comme les soixante autres dernières fois ? » - histoire d'être sûr qu'il aille bien, tout en lui demandant ce qu'ils avaient fait la veille. Il reporta son attention sur la télé où Heechul s'était installé face à un homme qu'il supposa être le propriétaire de l'ExoRdium. Jongdae ne put retenir un sourire un peu moqueur.

L'homme avait tout du chef d'entreprise complètement ringard. Il portait une tenue passée de mode et avait des cheveux plats mal coupés qui lui retombaient sur le front. Mais il avait des yeux chafouins et un sourire de renard qui mirent Jongdae mal à l'aise et son expression joyeuse s'effaça. Il avait l'impression, à travers son sourire exagéré, que l'homme pouvait le voir à travers son écran de télé.

- Bonjour Heechul, le salua-t-il sans mettre les formes. En effet, ce fut une désagréable surprise de découvrir l'état dans lequel était mon club en me réveillant, ce matin.

- Je me doute bien ! Vous avez une idée de comment cela à pu se produire ? Des projets ? Un barbecue, peut-être ?

L'homme haussa les sourcils, visiblement peu familier des interviews fantaisistes et absolument irrespectueuses de Kim Heechul. Mais il se reprit bien vite et, à la surprise de Jongdae, son visage s'éclaira et il sembla tout à coup beaucoup plus gentil.

- Vous avez de l'humour en toute circonstances ! dit-il. À vrai dire, mes projets immédiats seront doubles, mais je suis parfaitement capable de les assumer en même temps.

- Quel homme !

Heechul adressa un clin d'œil au public et se leva pour aller donner un coup de coude à un technicien qui se débattait avec son micro, avant de s'emparer de la perche pour y chuchoter avec un énorme crachotement "ça, c'est un homme à marier !" pour aller se rasseoir comme si de rien n'était.

Son public était habitué à ses fantaisies, notamment l'étrange manie qu'il avait de draguer ses interlocuteurs masculins. Mais Jongdae n'aurait pas cru qu'il se le permettrait en de telles circonstances. Le propriétaire de l'ExoRdium venait de perdre des millions, mais il regardait le journaliste faire l'imbécile sans quitter son sourire amusé.

- Pourrions-nous savoir quels sont ces projets ? demanda finalement Heechul avec un énorme sourire.

- Bien sûr. En premier lieu, ça me semble évident, reconstruire le club. Il sera plus fiable, plus grand, avec plus d'étages, plus d'amusement, de personnel et d'activités.

- Pas trop d'étages quand même... marmonna Jongdae en passant nerveusement une main dans ses cheveux.

- En second lieu, trouver les coupables. Une enquête va déterminer s'il s'agissait d'un incendie criminel. Il n'y avait aucune faille dans le système de sécurité, il y a donc forcément des responsables.

- Vous pensez que ce sont des mauvais plaisantins qui ont fait ça ?

- J'en suis persuadé.

Heechul regarda autour de lui avec curiosité avant de reporter son attention sur l'homme en face de lui. Jongdae lui, avait de plus en plus de mal à être attentif. La première partie de la soirée lui revenait, petit à petit. Mise à part la grande lumière blanche qui l'avait complètement aveuglé, il arrivait à visualiser la scène. Un grand type leur avait tiré dessus.

- C'est lui... c'était ce mec-là qui a fait brûler le club ! s'exclama-t-il dans la pièce vide.

Il n'avait pas vu son visage. Mais s'il prévenait la police, peut-être pourraient-ils remonter jusqu'à lui ?

- Et si je puis me permettre, comment allez vous faire ? D'après ce que j'ai cru comprendre, les informations numériques sont perdues, le matériel a disparu dans les flammes.

- C'est vrai, mais il y a d'autres méthodes. Le témoignage des fêtards et des urgentistes, et aussi les caméras de sécurité qui se situaient à l'avant du club.

Jongdae esquissa un sourire. C'était ça, on demanderait des explications aux gens qui étaient là. Et lui, qui avait été à l'intérieur, avait des informations précieuses.

- Il faisait certes nuit, et nous n'avons pas eu le temps de visualiser l'ensemble des bandes, mais nous avons des spécialistes sur le coup pour essayer d'en tirer le maximum d'informations et ils sont formels, poursuivit le propriétaire de l'ExoRdium à travers l'écran de télévision. Il y avait bien des gens à l'intérieur du bâtiment quand le feu s'est déclenché.

Jongdae pâlit et reposa lentement son téléphone sur l'accoudoir.

- Les caméras de sécurité ont filmé les visages des clients dans la queue ? demanda Kim Heechul d'un air conspirateur.

- Vous avez tout compris.

Kyungsoo avait sorti son permis de conduire et l'avait brandit devant le videur... non ?

- Merde... chuchota Jongdae en se recroquevillant dans le canapé, les bras autour des jambes.

La télécommande lui avait échappé et était tombée sur le tapis, dans la flaque de lait où ses céréales mollissaient.

- Il y a des responsables, et nous les trouverons.

___________________________

À partir d'ici, les personnages d'EXO seront pas dans un ordre précis mais selon la "logique" de l'histoire. J'avais fait apparaître les douze garçons pour les introduire !

De fait, pour ceux qui ne le connaissent pas, quittons nous sur cette énième photo de qualité supérieure (non je déconne, matez moi ces pixels plus grands que les pieds de Chanyeol) avec notre génial Heechul ❤️ Ce mec est vraiment drôle, jamais je ne pourrai lui rendre justice, mais on va faire comme si ! Super Junior en force !

Gros bisous et à la prochaine pour le chapitre 5 !

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