DIS-LE (nouvelle version)

By PaigeByPage

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Dans une de ses chansons, Jacques Brel a dit : "Il y en a qui ont le cœur si grand qu'on y entre sans frapper... More

CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII
CHAPITRE X

CHAPITRE IX

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By PaigeByPage

Ce dimanche matin, je suis réveillée à cinq heures du matin, comme l'indique le réveil sur ma table de chevet. A mon grand désespoir, je me rends compte que je ne retomberai pas dans les bras de Morphée. Allongée sur le dos, à fixer le plafond quelque peu décrépi au-dessus de ma tête, je décide de me lever et d'aller courir.

Je n'en ai pas eu souvent l'occasion depuis que j'ai emménagé ici, mais il est temps que je me rattrape. J'enfile mon pantalon de course, une brassière et le tee-shirt de l'équipe d'athlétisme du lycée auquel je faisais partie. Je lasse mes baskets. Dans le fouillis du meuble de ma salle de bain, je récupère un élastique et en descendant les escaliers, je réunis mes cheveux en une queue de cheval haute bien serrée.

Je passe le seuil de l'immeuble. L'air frais du début de matinée, mêlé à celui de l'automne me fait frissonner mais il m'encourage à vite me mettre à courir. Je décide d'aller courir là où Julian m'a emmené il y a deux jours. C'était un lieu apaisant et je doute qu'à cette heure-ci il soit bondé.

Malgré mon essoufflement, je persiste. Peu à peu, je retrouve mes aptitudes et les sensations qui me gagnent quand je cours. J'aime courir. J'aime sentir l'adrénaline circuler dans mes veines. J'aime sentir l'envie d'aller plus vite me guider. Et ce sentiment d'invincibilité, de puissance. Plus rien ne peut m'arrêter.

J'ai commencé à courir avec mon père très jeune. Et j'ai vite compris que l'on partageait plus qu'un moment ensemble. Alors je n'ai plus arrêté. Lors de ses missions, quand j'allais courir sans lui, je pouvais l'imaginer à l'autre bout du monde, dans son paysage de guerre et j'avais encore cette impression de connexion entre lui et moi. J'avais la sensation de pouvoir lui transmettre tout mon courage même à travers les centaines de kilomètres qui nous séparaient.

J'arrive sur la grande allée. En face de moi le soleil se lève, dorant peu à peu le ciel de ses rayons lumineux. Au bout, je parviens à distinguer le manège. Toujours aussi imposant. Ma soirée avec Julian me revient en mémoire.

Avec le recul, je ne sais plus quoi en penser. J'ai vraiment apprécié ses petites attentions et le fait qu'il cherchait à me draguer en douceur. Je n'ai pas du tout voulu pousser les choses pour rendre jaloux Thomas. Non, je me suis laissée portée. Mais le fait, que je le fasse avant tout pour mon ex, continue de me trotter dans la tête. Je ne voudrais pas blesser Julian.

Seulement, je suis perdue sur les sentiments que j'éprouve pour Thomas. Sont-ils réels ? Sont-ils ceux d'il y a trois ans ? Parce que ce n'est pas le Thomas d'aujourd'hui que j'aime. Pour chasser toutes ces réflexions, j'accélère et pique un sprint dans l'allée, vide.

Au bout d'une heure de footing, je rentre à l'appartement. Je prends le temps de m'étirer en effectuant soigneusement les gestes que mon père m'a appris. Les anciennes mèches de ma frange, collent sur mon front et mes muscles sont encore en ébullition. Je me sens dégoulinante de sueur mais avec le sentiment du devoir accompli.

Dans ma petite cuisine, je remplis un bol de céréales et verse le lait par-dessus. Je le dévore tout entier avant d'aller prendre une douche.

Sous l'eau tiède, je peux sentir les couches de sueur se retirer de ma peau et détendre mes muscles. Je pourrais passer autant de temps sous la douche qu'il m'en a fallu pour me retrouver dans cet état. Enroulée dans une serviette, je me sens déjà envahie par cette plénitude que l'effort me procure toujours. Je suis prête pour réviser des heures mes statistiques.


J'ai rendez-vous à la bibliothèque universitaire avec Ricki dans quinze minutes. Quand j'arrive, c'est moi qui suis en retard pour une fois. Elle me tourne le dos, assise en face d'une fenêtre donnant sur le jardin de l'école. C'est très sympa ces grands arbres qui se parent des couleurs orangées de l'automne.

- Toujours sur ton devoir d'histoire ? je me penche à son oreille en arrivant par derrière elle.

Elle sursaute sur sa chaise.

- Non c'est les stats de cet après-midi. Mais, assez parlé de révision, elle m'attrape par le coude pour me faire assoir à côté d'elle. Je veux tout savoir de ton rencard avec le gars plus vieux.

- Je te rappelle quand même que j'ai fait le déplacement pour réviser pas pour bavarder. Et encore moins dans une bibliothèque, je baisse d'un ton pour ne pas déranger les autres autour de nous.

Ses yeux bleus me dévisagent d'impatience. Ricki est tellement belle et elle ne s'en rend pas compte. Ses longs cheveux blonds, qu'elle n'attache jamais tombent en cascade sur son dos et font ressortir son côté rock. A moins que ce ne soit son jean noir et le tee-shirt du groupe Thirty Second to Mars que je lui ai offert pour son anniversaire qui fassent ressortir sa beauté si légère.

Dans un soupir, je craque.

- Ca s'est bien passé.

- C'est pas suffisant, elle secoue la tête. J'ai besoin de plus de détails que ça. Il a été gentil ?

- Oui. Très avenant.

- Il te plait ?

- Il est mignon. On se remet au travail ? je cherche à changer de sujet.

- Et c'est tout ?

- Ce n'était qu'un premier rendez-vous. Tu ne croyais quand même pas que j'allais t'annoncer que je me suis jetée sur lui ?

- Même pas un petit baiser ?

Ricki ne sait pas ce que représenterait, ne serait-ce qu'un baiser. Elle ne sait pas à quel point le dilemme est grand en moi. Je n'ai jamais cherché à remplacer Thomas, ni son souvenir parce que je préférais être seule que d'avoir à revivre tous ces moments avec quelqu'un d'autre que lui. Mais maintenant il y a Julian qui montre de l'intérêt pour moi. Ça fait trois ans que l'on s'est séparé mais c'est encore trop tôt pour penser embrasser un autre que Thomas.

Je secoue la tête et Ricki fait la moue.

On se retourne vers la vitre pour se mettre au travail. Je relis mon cours, lignes après lignes. Mais tout ce qui s'ancre dans ma tête, c'est cette histoire de baiser qui n'a même pas eu lieu. Pourtant je ne peux plus m'arrêter de penser : et si Julian en venait à tenter sa chance ? Quelle serait ma réaction ?

Non, je ne peux pas me permettre de penser à ça. Julian n'a même pas évoqué le fait que l'on puisse se revoir. Finalement, je ne lui ai peut-être pas plu.


Après une matinée à réviser, on entre en salle d'examen avec de l'avance. Mais il y a déjà le petit groupe de Thomas et lui-même d'ailleurs. Stratégiquement, je choisis une place éloignée de lui. Je n'ai pas oublié la fois où il a voulu me faire passer pour une tricheuse pendant un devoir de maths en troisième. Je m'en étais sortie de justesse en démontrant que ce n'était pas mon écriture sur le bout de papier et on m'avait laissé repasser le test.

- Hey les gens ! nous interpellent Noémie, la plus bavarde de la classe. Il nous reste vingt minutes avant le début du devoir et j'en ai marre de réviser jusqu'au bout du bout. Ça vous dirait qu'on dise tous une vérité à quelqu'un chacun notre tour ?

- On ne se connait pas assez pour jouer à ton truc.

- Une vérité sur quelqu'un ou sur nous. Pour apprendre à nous connaitre justement.

Je jette un coup d'œil à Ricki. Elle hausse les épaules.

- Il lui sort toujours des idées tordues à cette Noémie, elle me chuchote à l'oreille.

- Tu as envie de jouer Ricki ? l'appelle Noémie qui a dû la voir se pencher vers moi.

- Moi je veux bien jouer, résonne la voix de Thomas.

Je me retourne vers lui. Il s'est redressé sur sa chaise. J'ai un mauvais pressentiment tout d'un coup. Quelques chaises devant lui, Noémie applaudit son initiative.

- A qui tu veux t'adresser ? elle lui demande.

- Béa.

Je sens ma main sur le dossier de ma chaise se crisper et mes ongles s'enfoncer dans le bois. Il m'est impossible de soutenir son regard et de faire face à ce sourire froid qu'il n'accorde qu'à mon intention. Tout le monde semble soudain suspendu à ses lèvres. Personne n'est passé à côté de nos chamailleries depuis le début de l'année. Alors à quoi doit-on nous attendre ? Une nouvelle salve de méchanceté ? Ou un brin de gentillesse ?

- Tu sais, je t'aime bien moi.

Ne monte à mes oreilles plus que le bruit de son crayon qu'il agite au-dessus de sa table, toujours au même rythme. Puis celui-là est dissipé par le son de sa voix qui prononce ses mêmes mots. Mais pas ceux de maintenant. Non ceux d'il y a trois ans. Quand il me les disait enlacés dans les bras l'un de l'autre.

Et je vois rouge. Sans laisser Ricki m'attraper par le coude, je me rus vers son bureau. Mais plus j'avance, plus je vois son sourire s'élargir. Il est content de lui, évidemment.

- Retire ce que tu as dit, je le menace.

Son rire résonne et il se met debout. Il me dépasse d'une tête mais je ne me laisserais pas faire cette-fois. Il n'a pas le droit de dire ça. D'utiliser ces mots qui avaient tellement de sens dans sa bouche à l'époque et qui n'en n'ont plus aucun aujourd'hui.

- C'est vraiment dommage qu'on en soit venu à ça tu ne trouves pas.

- C'est ta faute, je lâche entre les dents.

- Non vraiment, Béa, je t'aime bien moi.

Il les répète. Il lève même sa main vers ma joue et je les sens. Je sens ses doigts, son contact sur ma peau rouge de colère, qui dégage une mèche de cheveux de mes yeux. Je reste sans voix. Je n'arrive plus à parler. Jusqu'à ce que les mots franchissent ma bouche emplit de haine.

- Retire ce que tu as dit. Retire-le immédiatement Thomas, je crie.

Incontrôlable, j'essaye même de le frapper au visage mais il se recule juste à temps et à partir de là, Ricki s'interpose entre nous deux pour me fait reculer, aidé par d'autres camarades qui remit de leur surprise de me voir dans un tel état, se décident à intervenir.

- Tu n'as pas le droit de dire ça. Je te l'interdis.

Mais mes mots se perdent dans des sanglots de rage. Et Ricki referme violement la porte derrière elle. Je n'ai plus la force de tenir sur mes jambes. J'essaye de me retenir au mur. Les larmes coulent et j'ai envie de hurler ma haine et mon désespoir.

- Il n'avait pas le droit, pas le droit, je répète.

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Et voilà le retour de Dis-le  ! Qu'en pensez-vous ?



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