Je donnai le flacon à Derek et pris la clé en or. J'imitai ce que James avait fait le soir de notre agression et la porte s'ouvrit. Avant d'aller remettre le flacon à Ric, je partis vite chercher l'autre pomme et Derek en profita pour se changer.
Nous retournâmes dans le hall d'entrée où nous devions remettre la pomme à Ric qui marquerait dans un registre que nous avions rempli notre mission.
Beaucoup de binômes avaient fini leur mission et attendaient vers Ric. Je me mis derrière les autres, pendant que Derek s'asseyait sur les marches d'un des nombreux escaliers, regardant constamment sa montre comme s'il attendait quelque chose. Après dix minutes d'attente, il restait un groupe devant moi.
Soudainement, la porte s'ouvrit et James entra, plus pâle encore que ce matin. Il fut pris d'une quinte de toux et lorsqu'il enleva la main de devant sa bouche, la terreur se peint sur son visage.
— James, tout va bien ? demanda Ric.
— Bien sûr, pourquoi ça n'irait pas ?
Je n'étais sûrement pas la seule à avoir remarqué que même s'il essayait d'être enjoué, sa voix tremblait fortement.
Une nouvelle quinte de toux secoua James, qui, cette fois, ne mettant pas la main devant la bouche, cracha du sang sur le tapis.
Ric se leva précipitamment et alla vers son ami. James tomba subitement au sol, des convulsions agitant son corps et un filet de sang coulant le long de sa mâchoire.
Après environ une minute de crise, les convulsions cessèrent et James reprit connaissance. Il regarda autour de lui, complètement déboussolé.
— Qu'est-ce que je fais par terre ? demanda-t-il.
— Tu viens de faire une crise, intervint Ric. C'est la combientième fois que tu te réveilles par terre ?
James se releva et sembla réfléchir, puis répondit:
— Je crois la sixième fois depuis le début de la semaine.
— Autant ! Mais tes médicaments n'ont aucun effet. Attends une minute, tu les prends au moins ?
James se frotta la nuque avant de dire :
— Non...
Ric s'approcha de son acolyte qui semblait sur le point de s'évanouir après s'être relevé.
— Si tu n'étais pas dans un état pareil, je te giflerais !
James vacilla et Ric le retint en passant un bras autour du buste de son ami.
— AHHHH !!
James cria de douleur et repoussa violemment Ric, celui-ci attrapa le pull moulant de son ami au passage pour ne pas basculer en arrière et le déchira, laissant apparaitre la cicatrice que j'avais déjà vue, ainsi que trois nouvelles qui saignaient encore. Un peu au dessus du diaphragme, un hématome s'était formé. C'est seulement là que je remarquai à quel point il était maigre pour ses 19 ans.
— Tu as au moins trois côtes cassées ! Qu'est-ce que tu as foutu ? Faut que tu ailles à l'infirmerie !
— C'est hors de question ! Je ne suis pas faible à ce point !
Ric envoya un élève chercher Alexis qui vint en moins de deux minutes. Il ne chercha même pas à discuter avec James et lorsque le violet eut été maintenu par Ric, il lui injecta de la morphine. James tourna de l'oeil et Alexis l'examina sous le regard inquiet de tous les Traqueurs et de Ric.
— Il a cinq côtes cassées et sûrement l'estomac perforé, les entailles sont superficielles.
— Comment il a pu se faire ça ? interrogea Ric.
— Au vu des entailles, je dirais qu'on l'a agressé, peut-être avec un couteau ou un scalpel. C'est étonnant qu'il soit encore en vie, son manque de vitamines et son épilepsie l'ont vraiment affaibli.
— Son manque de vitamines ? releva Ric surpris.
— Oui, je lui avais prescrit un médicament en début d'année, mais il n'a pas dû les prendre. Lorsqu'il sera sur pieds, force-le. Et pour son épilepsie, il est préférable que le traitement soit par voie intraveineuse, sous pastilles, il ne les avalera pas.
Alexis rajouta qu'il irait chercher les médicaments dès ce soir et avec l'aide de Ric, ils transportèrent James, dans les vapes, à l'infirmerie.
Nous étions tous sous le choc, mais lorsque Ric et Alexis nous demandèrent d'aller au réfectoire, nous exécutâmes les ordres sans discuter. Je ne pensais pas qu'un Altéra pouvait souffrir d'épilepsie.
Je m'assis à côté de Jay qui me tenait la main. Gregory était assis à la table des Altéras, étrangement vide, il avait l'air lui aussi totalement bouleversé. Le boss monta sur l'estrade, mais ne parla à aucun moment de James, ce qui me surprit franchement.
— Vos chers instructeurs en formation ne vous ont pas précisé que chaque binôme devait dormir dans la même chambre, c'est important pour la cohésion entre eux. Un remaniement s'impose.
Dormir dans la même chambre que Derek : hors de question !
De son côté, mon acolyte brun semblait penser la même chose. Nous commençâmes à manger les plats que les elfes avaient amenés et je crois que si les yeux de Jay étaient des revolvers, Derek serait mort fusillé.
La porte de la salle s'ouvrit, alors que mon pied frappait le tibia de Jay, laissant apparaitre Alexis et Ric. Le boss se tourna vers eux et demanda :
— Comment va-t-il ?
Malgré son air froid, je suis sûre qu'il se faisait beaucoup de soucis.
— Il a cinq côtes cassées, confirma Alexis. Son estomac n'est pas perforé, mais il s'en est fallu de peu. Les coupures ne sont pas graves. D'ici une semaine ou deux, il sera à nouveau sur pieds.
Les deux Altéras allèrent s'asseoir vers Gregory sans rien rajouter. Le repas dura passablement longtemps et les Altéras furent les premiers à sortir.
Derek et moi nous étions mis d'accord pour que j'échange ma chambre avec Jay.
Quand nous arrivâmes à l'angle d'un couloir, Derek s'arrêta net et je lui fonçai dedans.
— Mais qu'est-ce que tu fiches ?
— Chut ! Écoute...
Je tendis l'oreille et en effet, j'entendis Ric et Alexis, qui étaient sortis de la cafète avant, parler.
— Deux agressions en quelques jours, ça fait beaucoup.
— Je confirme Ric. Je crois que James avait raison de croire Derek innocent. Les deux attaques sont sûrement liées.
— Le point commun, c'est visiblement Derek. Mais pourquoi ? Qui lui en voudrait au point de le faire accuser d'agression et de tenter de tuer la seule personne qui le croit innocent ?
Alexis réfléchit. À côté de moi, Derek s'était raidi à l'entente de son prénom. Nous attendîmes que la conversation reprenne, en espérant que personne ne vienne l'interrompre.
— Alexis, tu penses à quelque chose en particulier ?
— Ouais, mais j'en suis pas sûr... ce n'est qu'une théorie...et puis je ne vois pas le rapport...
— Je te fais confiance, dis toujours.
— Je pensais à la prophetia.
Il y eut un grand silence et mon coeur se mit à battre plus fort. J'en avais déjà entendu parler de cette prophetia, par les éducatrices du Domus Morbus, mais de quoi ça parlait ? Et quel était le rapport avec Derek ?
— Lorsque la plus pure des aigues-marines et la flamboyante tourmaline rose se rencontreront, la guerre entre le bien et le mal commencera. Le sang coulera et la lumière aura sa part de pêchés. L'amour sera la cause de tout.
Alexis récita ces quelques phrases.
— Alexis, jusqu'à maintenant personne n'a compris cette prophetia. On ne sait pas qui elle concerne et pourquoi la première Citadellis a écrit ça.
— C'est vrai, je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à ça.
— On est boulversé par ce qui est arrivé à James. Après une bonne nuit de sommeil, ça ira mieux.
— Probablement, mais j'aimerais quand même en parler avec lui.
Ric dut approuver et ils se souhaitèrent une bonne nuit.
J'étais scotchée et si Derek ne m'avait pas conduite jusqu'à ma nouvelle chambre, je serais restée là toute la nuit. Derek s'installa sur le canapé et prit sa tête entre ses mains. Je le regardai, moi aussi incapable de réfléchir.
— Qu'est-ce que j'ai à voir avec cette prophetia ? s'interrogea Derek désespéré.
— Sûrement rien, arrête de te miner pour ça.
J'allais m'asseoir près de lui et lui dis :
— Si tu veux, on fera des recherches pour percer le secret de cette énigme.
— Ouais...Merci, dit-il après un temps d'hésitation.
Je lui souris, mais avant qu'il ne puisse rajouter quelque chose, son téléphone sonna. Sur l'écran, un simple message s'afficha.
De Maman : Bon anniversaire mon chéri ! Gros bisous, maman.
Alors comme ça Derek était du 25 décembre, particulier comme anniversaire. Quel âge avait-il 16, 17 ans ? Je n'arrivais pas à savoir.
— Bon anniversaire Derek, dis-je avec un petit sourire. Ça te fait quel âge ?
— 17 ans. Tu m'excuses, je vais aller dormir, je suis crevé.
Je lui souhaitai une bonne nuit malgré le ton froid du jeune homme. Il devait juste être mal à cause de ce que nous venions d'apprendre.
Après avoir passé par la salle de bains, je retournai dans ma chambre et essayai de trouver le sommeil, alors que de nombreuses pensées se bousculaient dans ma tête.