La Guilde Des Ombres

By LucilleCh

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A quinze ans à peine, Lyana est la meilleure tire-bourse de la Guilde des Ombres. Alors qu'elle se voit propo... More

Bienvenue
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 7

Chapitre 6

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By LucilleCh

Perturbée par ce nouvel entretien, Lyana ne se rendit pas compte que le garde l'avait menée, et laissée, dans le couloir des serviteurs. La jeune fille se mordilla la lèvre et regarda autour d'elle. Rien ne lui était familier, si ce n'était l'escalier emprunté quelques minutes plus tôt pour passer du rez-de-chaussée au premier étage. Et nulle trace de Maceo, qui devait pourtant s'occuper d'elle. Deux choix s'offraient à elle: retourner aux cuisines en espérant que quelqu'un la renseignerait, ou tenter de monter au deuxième étage dont elle était censé avoir la charge.

Le souvenir de la gouvernante débordée lui vint en mémoire, et Lyana choisit de ne pas aller la voir. Quelque chose lui soufflait que pour rester, mieux valait être autonome et débrouillarde au plus vite. Elle prit donc le risque de se diriger seule au deuxième étage.

Le second étage était tout aussi vaste que le premier. Heureusement pour la jeune fille, pas de gardes en vue, elle put donc éviter les remarques salaces et observer les lieux. Les tapisseries représentaient des batailles épiques et sanglantes, sans doute reproduisant de grands moments de l'histoire du royaume. Cela donnait un aspect lugubre au couloir qui lui déplaisait fortement. Elle avait beau faire partie des criminels de la cité, et se défendre quand elle se sentait en danger, la violence et les massacres la mettait mal à l'aise.

La voleuse soupira d'aise quand elle entendit du bruit derrière une porte. Elle la poussa, doucement, pour avoir le temps de fuir si elle tombait par mégarde sur un des maîtres de la demeure. Mais ce n'était que Maceo qui s'employait à nettoyer une chambre vaste. Elle s'approcha discrètement pour observer le moindre de ses gestes. Gracieusement, il agitait un plumeau sur les armoires, les étagères et les coiffeuses en bois pourpre. Sa précision et la rapidité de ses gestes témoignaient de l'expérience qu'il avait pour entretenir une maison. Un moment, la voleuse se demanda quel pouvait bien être son chemin de vie pour atterrir aussi jeune chez les serviteurs et être déjà aussi doué.

Le garçon se retourna soudain, probablement dans l'optique de passer à une autre tâche, tombant nez à nez avec les yeux brillants d'intérêt de Lyana. Il sursauta violemment avant de se reprendre en toussotant.

— Depuis combien de temps es-tu revenue ? Je ne t'ai pas entendu rentrer ! s'exclama-t-il, puis il secoua la tête de gauche à droite. Non laisse tomber, je suis agréablement surpris que tu sois si discrète, ça vaut mieux pour nous autres serviteurs ici.

Sans plus attendre, il lui mit le plumeau dans ses mains et posa ses mains sur ses hanches.

— Cela dit, il est hors de question que tu me regardes faire. Tu dois être autonome rapidement. Le plumeau se passe sur tous les meubles, tous les jours. Allez, je te regarde.

Le plumeau était l'étape la plus simple et Lyana s'y acquitta sans aucun souci. Venait ensuite la lourde et délicate tâche de battre les couvertures, ainsi que les coussins, par la fenêtre pour en extirper la poussière. Ils étaient très encombrants, ce qui valut à Lyana de belles frayeurs en les manipulant et beaucoup de sueur pour parvenir à ses fins. Pas une seule fois Maceo ne l'aida. A l'inverse, il ne cessa de lui parler d'une voix ferme.

— Le dimanche, quand nos maîtres sont de sortie, nous battons également les tapis et nettoyons le sol. Pendant ce temps-là, les blanchisseuses changent les draps. Cependant, si l'un des enfants rentre, le parquet devra être lavé tous les jours. Rassure-toi, ça ne risque pas d'être de sitôt. On ne t'aurait pas confié une tâche si ardue dès ton entrée.

Une fois la première chambre finie, ils firent de même avec la deuxième et la troisième. Alors que la voleuse s'était extasiée sur les superbes appartements des nobles, elle en vain à détester rapidement toutes ces fioritures encombrantes et lourdes qu'elle devait battre pour enlever la poussière. A la fin, les muscles de ses bras tremblaient tous seuls de fatigue. Elle était pourtant en bonne condition physique. D'un hochement de tête, et avec son premier sourire de la journée, Maceo la félicita.

— Tu es la première servante que je vois réussir à faire les trois chambres sans mon aide. Pour une fois, Diane a bien choisi. Si tu savais le nombre d'empotée que j'ai dû former !

Lyana ne put s'empêcher de pouffer en imaginant de jeunes femmes à la musculature délicate tenter de manipuler les couvertures monstrueusement grandes. Maceo l'accompagna un instant mais, à son grand étonnement, il s'arrêta rapidement et reprit un air sérieux et distant.

— Tes missions s'arrêtent là le matin, lui dit-il. A moins qu'un des maîtres ne rentre, l'après-midi tu es libre de vaquer à tes occupations.

La voleuse fronça les sourcils. Il était hors de question qu'elle reste tous les après-midis sans rien faire. On lui avait promis de travailler tous les jours, sauf sa demi-journée de repos.

— Je ne comprends pas, ne devrais-je pas poursuivre le nettoyage l'après-midi ?

— Je viens de te le dire : tes missions sont finies. Personne n'habite ces appartements pour le moment, il n'y a rien de plus à faire. Maintenant viens. Je vais te faire visiter tes nouveaux appartements et le reste de la demeure.

Lyana eut un mauvais pressentiment. D'abord les questions sur son intimité, et voilà qu'elle devenait une servante qui servait à moitié. Elle n'avait pas vraiment d'expérience dans ce domaine, mais personne n'employait quelqu'un s'il y avait aussi peu de travail à effectuer. C'était louche. Très louche même.

Elle se promit de poser des questions rapidement à ce sujet. En attendant, elle devait se concentrer et mémoriser les passages empruntés par le curieux serviteur. Il se coulait avec une facilité déconcertante dans son environnement, discret et silencieux comme une ombre. Il la guida à travers un passage près des cuisines et ils débouchèrent, sans passer par l'extérieur, sur les appartements des domestiques.

— Le bâtiment est coupé en deux, lui indiqua Maceo en montant un escalier qui craquait sous son poids. Nous sommes du côté des serviteurs. L'autre est réservé à la milice. N'y va sous aucun prétexte, à moins que les maîtres en personne te le demandent. Les gardes y sont très bruyants et oublient le sens des convenances dans un endroit pareil.

« Le rez-de-chaussée est réservé à Diane et aux cuisiniers. Ce sont les premiers levés et les derniers couchés. Si tu découches, ne reviens pas ici avant le lever du soleil. Tu les réveillerais en montant à ta chambre et c'est sans doute la pire idée au monde. Toi, tu loges au dernier étage, sous les toits. Il y fait chaud l'été et froid l'hiver, mais le matelas est confortable et tu as assez de couvertures pour combattre la fraicheur de certaines nuits. »

Après avoir grimpé trois étages, ils arrivèrent sous les combles. La porte du fond était destinée à Lyana. Elle ressentit une légère appréhension lorsque l'odeur d'humidité et de bois la prit au nez mais fut finalement surprise de trouver une charmante petite pièce avec une paillasse confortable, une petite commode et même un bureau.

— Nos maîtres considèrent que les servants sont plus efficaces quand ils sont bien traités et quand ils ont accès à la culture. La bibliothèque nous est ouverte sur nos temps de pause et nous pouvons emprunter n'importe quel ouvrage. Enfin, sauf ceux de la section interdite, mais ils sont cadenacés alors aucun risque qu'on les prenne. J'espère que tu sais lire. Mets-toi en livrée, je t'attends dans le couloir.

Lyana allait de surprise en surprise. Le savoir était une institution réservée aux plus grands et, si elle avait pu y accéder, ce n'était que grâce à la volonté du Faucon d'offrir à ses protégés un moyen de perfectionner leurs compétences. Qu'une famille aussi puissante que les Joras permettent à leurs serviteurs d'y accéder était étonnant.

La jeune voleuse songea à l'idée de fouiner dans cette bibliothèque pour y trouver peut-être un indice. Mais elle se doutait bien que ce qui l'intéressait, s'il se trouvait dans un endroit pareil, serait bien enfermé dans la section secrète. Il faudrait qu'elle trouve un moyen d'y aller.

Elle enfila à la va-vite sa livrée : une robe noire aux manches longues qui s'arrêtait aux genoux, des chaussettes blanches qui couvraient ses mollets assortis à un tablier piqué de dentelle de la même couleur, et une paire de souliers en cuir avec un léger talon. Il ne faisait aucun doute qu'elle était plus à l'aise dans ses habits de voleuse, mais elle n'allait pas s'en plaindre. Pour compléter sa tenue, elle refit sa queue de cheval et mit dans ses cheveux un serre-tête noir qui se trouvait là.

Maceo acquiesça en la voyant sortir et la fit à nouveau déambuler dans nombre de couloirs avant d'atterrir dans les écuries. Il salua deux garçons, caressa mollement un chien et repartit aussi sec. La jeune voleuse n'eut de choix que de le suivre, mais la proximité des animaux avait ravivé en elle une impression de douceur, de joie et de nostalgie, sans qu'elle puisse se l'expliquer. Enfin, le serviteur lui montra les jardins - véritables explosions de couleurs, de senteurs et de géométries complexes- et, au fond, un petit temple dédié aux sept Dieux. Lyana y entra, curieuse, et observa les sept sculptures devant elle.

La première représentait Yros, protecteur des Hommes et des Cieux. Chauve et barbu, ses yeux disparaissaient sous ses épais sourcils. Sa statue était au milieu, et les six autres dieux étaient de part et d'autre de lui. Jamais auparavant elle n'avait vu une représentation des dieux, puisque les bas-fonds ne leur accordaient aucune importance. Le seul qui s'en approchait et qu'elle connaissait était Elys, la légende des voleurs. Cependant, elle fit frappée par la solennité du temple et l'aura écrasante qui s'en dégageait. Quelque chose l'attirait dans ce lieu.

— Pour le salut de nos âmes, nous pouvons venir ici et remercier les dieux régulièrement. A mon sens, ce devrait être le devoir de tout serviteur qui se respecte.

Lyana leva un sourcil en entendant ces paroles emplies de jugement de la part de Maceo mais il n'en dit pas plus, se détournant enfin pour retourner vers les cuisines.

— Nous allons déjeuner et tu seras libre de vaquer à tes occupations ensuite, déclara-t-il. Demain matin, je te veux à sept heures tapantes dans la cuisine pour préparer le thé de maîtresse Alicia. Nous dinons à neuf heures le soir, après le service. Les bains sont ouverts de cinq à sept heures du matin puis de sept à dix heures le soir. Veille à te laver chaque jour.

En parlant de bains, il avait vaguement désigné une porte près des cuisines. La voleuse se demanda bien à quoi cela pouvait ressembler. A la Guilde, ils devaient tirer eux-mêmes l'eau d'un puit et la réchauffer s'ils voulaient se laver. Elle-même préférait l'eau glacée, elle avait bien trop peur de se brûler malencontreusement en chauffant trop fort l'eau.

En retournant aux cuisines, elle remarqua que l'atmosphère s'était détendue. Le service de midi avait été servi aux maîtres, et les serviteurs s'occupaient de la vaisselle ou de préparer les premiers plats du soir avec une rigueur et un sérieux notoire. Quelques-uns discutaient en chuchotant au-dessus des bruits des plats nettoyés. Lyana y trouva un endroit chaleureux et cela la fit sourire. C'était un lieu agréable, loin de la cantine un peu humide de la Guilde.

Maceo lui désigna une grosse marmite bouillonnante et un tas de petits pains posés sur le côté.

— C'est ici que l'on se sert à manger. Tu prends ta vaisselle dans ce petit placard et nous nous installons toujours sur la table dans le coin, pour ne pas gêner les cuisiniers.

Lyana hocha la tête et se servit une louche généreuse du bouillon. Elle ne prit qu'un seul petit pain, bien que son estomac grondait de faim. Ils s'installèrent l'un à côté de l'autre sur une immense table collée contre un mur. Il y avait deux autres serviteurs, mais Maceo s'était assis à l'opposé d'eux, le nez plongé dans son assiette comme s'il souhaitait être seul au monde.

La voleuse mangea assez rapidement son plat, par ailleurs délicieux, et croqua à pleine dent le pain croustillant, bien loin des pains rassis dont elle avait l'habitude. Une fois tout fini, elle remarqua que le silence à table était pénible. Elle n'y connaissait pas grand-chose en relations sociales, mais en s'ouvrant aux émotions de Maceo, elle le sentait mal à l'aise et renfermé.

— Et toi, que fais-tu l'après-midi ? s'enquit-elle.

— Je suis responsable du premier étage, répondit-il laconiquement.

— Ce doit être un sacré travail ! Tu y arrives seul ?

— J'ai une équipe avec moi. Je n'ai pas besoin de toi.

La réponse était nette et coupante, et a voleuse aurait dû se sentir attaquée. Pourtant, les émotions de Maceo racontaient tout autre chose. Il y avait à la fois une distance qu'il instaurait consciemment entre eux, et une grande méfiance sous-jacente.

— Je vois, répondit-elle simplement avec une voix douce pour tenter de le rassurer. Si tu as un jour besoin, tu pourras compter sur moi.

Sa méfiance prit encore plus de place et il lui jeta un coup d'œil dubitatif. Lyana baissa le regard vers son assiette vide, rougissant sans le vouloir. Elle n'était vraiment pas douée pour se faire des amis. Encore une chose que Finn pourrait lui reprocher.

Maceo prit rapidement congé et elle se retrouva seule, une pointe de désespoir au fond du cœur. Mais elle se reprit bien vite. Elle devait prouver qu'elle savait y faire comme maître-voleuse, elle ne se laisserait pas si facilement abattre. Elle débarrassa ses couverts et se dirigea vers les étables, bien décidée à se trouver du travail. 

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