Chapitre 3

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— Non mais c'est pas possible ! pesta Finn, furibond. Comment a-t-il un seul instant pu penser que te donner le rang de maître-voleuse était une bonne idée ?

— Et comment a-t-il pu un seul instant penser que tu ferais un bon maître ? répliqua sauvagement Lyana.

— Utilise donc ton cerveau pour m'ouvrir cette fichue porte plutôt que pour chercher des répliques !

La voleuse râla intérieurement. Finn se révélait un bon professeur, elle avait fait de nombreux progrès en quelques heures, mais il était si irritable et irritant ! Se reconcentrant sur son jeu de crochets, elle tenta d'oublier les émotions de Finn. Non seulement il était désagréable, mais il était si tourmenté qu'il ne lui laissait aucun repos. Entre colère, tristesse, haine, désarroi et désespoir, elle ne s'y retrouvait plus et ses sentiments venaient la polluer. Elle tentait pourtant de repousser ses émotions, de ne pas les lire, mais essayer de crocheter ces fichues portes lui prenaient toute sa concentration, qu'elle ne pouvait alors pas utiliser pour se fermer à son agitation constante. Jamais elle ne s'était sentie plus maussade !

Pourtant, elle finit par entendre un clic libérateur et la porte sur laquelle elle s'escrimait leur offrit enfin une ouverture. La jeune fille ne put s'empêcher de pousser un petit cri de joie. Sa première serrure complexe crochetée avec succès ! Elle pouvait être fière, et une vague de joie et de soulagement l'emporta un instant. C'était sans compter sur son compagnon.

— Tu as mis dix minutes et trente-deux secondes, déclara-t-il en observant une montre mécanique qui valait une fortune. Un vrai voleur aurait mis moins d'une minute.

L'allégresse de Lyana retomba comme un soufflé. Finn n'était pas fier de sa performance, c'était un fait, mais qu'il l'accueille ainsi la mettait réellement en colère. Il avait beau se sentir mal, plein de rancœur, elle n'avait pas à être maltraitée comme ça.

— Peut-être que si tu arrêtais de me pomper l'air avec ton aigreur, je travaillerais plus vite, rétorqua-t-elle avec exaspération.

— Si tu n'étais pas une élève aussi bornée, nous aurions fini depuis longtemps !

Lyana poussa un grognement de frustration. Elle avait beau ressentir un peu de pitié pour le jeune homme, qui semblait avoir vécu un événement traumatisant, il n'en restait pas moins insupportable par moment. Et ils n'étaient ensemble que depuis cinq heures ! Comment ferait-elle pour survivre encore une journée et demie ? Pour travailler avec lui ?

— Nous réessayerons demain, finit par dire Finn. Tu n'es pas apte à continuer d'apprendre le crochetage aujourd'hui. Suis-moi.

La colère fit place au découragement, si bien que les larmes montèrent aux yeux de Lyana. Finn semblait penser qu'elle était le problème. Comme tout le monde dans la Guilde, excepté le Faucon. Mais elle était consciente de ses capacités, des erreurs qu'elle faisait et celles des autres. Elle n'avait jamais eu de formation de crochetage, juste quelques lectures bien loin de l'efficacité d'une expérience sur le terrain. Finn n'avait pas le droit de dire qu'elle était l'unique fautive. Ni même de le penser.

Avec difficulté, elle ravala ses propres émotions. Encore une fois, celles de Finn lui indiquaient clairement que sa colère n'était pas dirigée contre elle. Ne pouvant l'exprimer, il en faisait sa souffre-douleur sans s'en rendre réellement compte.

La nuit tombait tranquillement sur la ville, illuminant les bâtiments d'une vive couleur rose-orangée. Les rues, presque vidées de monde, prenaient alors un air féerique, enchanteur, qui apaisa Lyana. Un instant, pourtant, un frisson glacé la secoua. Certains reflets rouges et or lui rappelaient un feu. La vision d'un manoir dévoré par un incendie s'imposa à elle durant une fraction de seconde avant de disparaître, laissant derrière lui un goût de fumée et de peur qui secoua la jeune fille.

La Guilde Des OmbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant