{Les Enfants des Fleurs sont les petits qui ramassent les cadeaux à la fin de la performance des patineurs.}
Je souris en clôturant mon programme court : je venais probablement de faire l'un des programmes les plus propres de ma carrière. Je zigzaguai entre les peluches qui pleuvaient sur la glace et enlaçai Brian qui me félicita.
-Je vais rejoindre Javi maintenant, me salua-t-il.
Je hochai la tête et m'assis seul sur le canapé du Kiss & Cry avec Pooh-san. Javi me salua d'un signe de tête en passant et en entrant sur la patinoire.
-Vamos Javi, lançai-je.
C'était l'un des rares mots espagnols que je connaissais, alors autant l'utiliser... Je reconcentrai ensuite mon attention sur l'écran, croisant les doigts. Lorsque le score s'afficha, j'écarquillai les yeux : le mois dernier au NHK, j'avais déjà battu mes deux records du monde sur le programme long et court, et voilà que j'avais réussi à le refaire pour le SP...
Le stade recommença son ovation et une fois le moment d'euphorie passé, je posai rapidement mon doigt sur mes lèvres pour que le public fasse moins de bruit et laisse Javi se concentrer... Après quelques mots de Brian, ce dernier me fit un petit sourire et un signe de la main.
-Tu peux le faire, criai-je rapidement.
En réalité, c'était plus une question ; est ce que tu peux le faire ? Est-ce que tu peux battre ce genre de score ?
-Bravo, se contenta-t-il de répondre avant de patiner au centre de la patinoire.
Je m'amusai à crier comme les supporters le temps qu'il se mette en place, redevenant sérieux ensuite.
Je décidai d'ailleurs de retourner dans les vestiaires dès que sa musique commença pour regarder son programme sans déranger : je devais analyser le futur deuxième au court, pour être sûr qu'il le reste jusqu'à la fin de cette compétition...
Le programme long devait être parfait si je voulais remporter ma troisième médaille consécutive au GPF. J'étais le dernier de mon groupe à passer : Javi était premier et Shoma deuxième. Pour l'instant.
Lorsque je frappai mon pied sur la glace pour conclure mon programme, je sus que j'avais réussi. Je patinai vers Brian et tendis mon doigt en l'air, un grand sourire aux lèvres.
-Tu penses être premier ?, sourit-il en m'accueillant.
-Je le sais, répondis-je.
Javi me donna raison avant le tableau des scores, grimaçant exagérément et se prosternant depuis la Green Room alors que Shoma essayait apparemment de comprendre ce qu'il se passait, aussi perdu que d'habitude. Quand les résultats s'affichèrent je sentis ma vue se brouiller...
-Tu viens de rebattre ton record du monde !, éclata de rire Brian.
-Pourquoi je pleure, ris-je en essuyant mes larmes.
Javi et Shoma me rejoignirent pour la remise des médailles et on échangea des félicitations.
-Tu comptes finir tes programmes en fusillant les juges du regard maintenant ? Ils vont avoir peur si tu fais ça, sourit Javier en m'enlaçant.
-Pas fait exprès Javi, mais ils ne pouvaient rien m'enlever de toute façon alors je peux rigoler un peu...
-Tss... Espèce de sale gosse, tu ne devrais pas être aussi sûr de toi !, me gronda-t-il en ébouriffant mes cheveux.
Chacun d'entre nous prit sa place sur le podium et l'habituel défilé des officiels vint nous remettre nos médailles. Javi et moi avions l'habitude et celui-ci échangea même quelques mots avec le président des sports de glace espagnol mais Shoma paniqua un peu lorsque l'un des hommes lui parla en anglais, se contentant de hocher la tête avec un sourire figé sans comprendre.
-Tu n'avais pas signé pour ça, n'est-ce pas ?, ris-je en le voyant se détendre au départ de l'officiel.
-Je n'étais pas prêt, j'ai paniqué, avoua-t-il.
Je ne sais pas si cette cérémonie le stressait mais il avait l'air complètement perdu, plus que d'habitude disons, et il enlaça maladroitement mon bras pour prendre la pose.
-Pas comme ça Shoma kun ! Pas le bras, le dos.... Non : regarde comment je fais avec Javi... Oui, voilà. C'est une remise de médaille, pas un mariage !, éclatai-je de rire alors que le plus jeune renvoyait un sourire extrêmement gêné aux caméras.
Il passa même devant le photographe après le tour de la piste en oubliant qu'il fallait encore faire des photos et cette fois-ci c'est Javi qui le rappela en premier.
-Il est amusant : c'était sa première remise de médaille ?, demanda-t-il une fois hors de la glace.
-Non... Mais sûrement la première de cette importance, il était stressé à mort, souris-je en me rejouant mentalement ses maladresses.
-En parlant de stress : ma famille est venue, je te les présente ? Ce n'est pas souvent qu'une compétition de patinage s'organise dans mon pays...
Je ne pus qu'accepter, mais m'inquiétai quand même : je savais qu'il n'y avait aucun problème avec Javi mais est-ce que sa famille m'en voudrait d'avoir gagné l'or à la place de leur fils ?
C'est avec crainte que je suivis mon partenaire d'entraînement dans les couloirs après nous être changés. Je vis un groupe de trois personnes s'approcher que je devinai être ses parents et sa soeur. Je m'arrêtai un peu en retrait et les vis féliciter chaudement Javi, l'enlaçant, parlant tous en même temps. Mon coeur se serra lorsque je me rendis compte que je n'aurais jamais ce genre d'accueil de ma mère, encore moins de mon père, et surtout pas pour une médaille d'argent...
Javi me désigna en parlant rapidement espagnol et je ne saisis que mon prénom (en entier) alors qu'il me fit signe de m'approcher. J'obtempérai timidement, hésitant sur la façon dont il fallait que je me comporte et décidant de faire la totale : je m'inclinai profondément et tendis la main en même temps, vers sa mère en premier.
-Quel jeune homme bien élevé ! Enchantée, je m'appelle Enriqueta. Javier nous a beaucoup parlé de vous, sourit la femme avec un accent très prononcé.
Magnifique, son nom était absolument imprononçable pour moi, ça commençait bien...
-C'est bien que les jeunes connaissent les bonnes manières. Je m'appelle Antonio, félicitations pour votre médaille d'or : vos programmes étaient magnifiques.
L'homme me serra la main et je le remerciai doucement, ne sachant pas vraiment comment enchainer.
-Javi... Je veux dire, Javier a de très beaux programmes aussi, répondis-je d'un air gêné.
-C'est vrai, mais en tant que famille, nous ne sommes pas très objectifs sur ce point, déclara la jeune fille. Contente de te connaître enfin, je m'appelle Laura.
Javi m'avait dit qu'il avait une grande soeur qui l'avait amené à patiner, j'avoue que j'avais été assez curieux à son propos, en tant qu'enfant unique. Elle lui ressemblait tellement qu'on aurait pu les prendre pour de faux jumeaux, et elle semblait parler anglais un peu mieux que ses parents...
-Ravi de vous rencontrer, souris-je.
Des petites filles passèrent devant nous en riant, probablement des enfants des fleurs, et je les vis glousser en nous regardant et en chuchotant des choses en espagnol.
-J'ai été surpris de voir le nombre de japonais dans la salle, mais apparemment vous avez des fans de toutes âges, rigola Antonio.
-C'est toujours comme ça avec Yuzu, peu importe le pays. Et ce ne sont pas celles qu'on pense qui jettent le plus de cadeaux..., sourit Javi en regardant les enfants s'éloigner.
-C'est normal voyons, ton ami est très beau Javi : pas étonnant que tu parles tout le temps de lui...
Je ne sais pas qui de nous deux fut le plus embarrassé de la remarque.
-Maman... Tu exagères..., marmonna Javi.
-Quand tu rentres à la maison, tu ne parles que de patinage et quand tu parles patinage, tu parles de lui. Je connais ses programmes mieux que les tiens !, le gronda sa soeur les points sur les hanches.
Je vis Shoma passer dans le couloir d'en face avec Patrick derrière lui mais lorsque je leur lançai un regard de détresse, le premier s'enfuit en voyant la situation et le deuxième se contenta de nous sourire et de lever son pouce d'un air encourageant. Pourquoi ?!
Heureusement, Brian arriva pour nous sauver et la famille de Javi prit congé.
-Merci Brian : je t'offre un restaurant quand tu veux, soupira celui-ci alors que nous nous éloignons.
-Tu ne les vois pas souvent et tu n'en peux déjà plus au bout de dix minutes ?
L'espagnol soupira en secouant la tête.
-Ils sont gentils Javi, pas de problèmes, le rassurai-je. Je n'ai pas grand chose à dire côté famille, donc c'était bien...
-C'était embarrassant quand même... Et je vais probablement en entendre parler pendant longtemps...
Je me contentai de sourire en suivant Brian qui zigzaguait entre les sacs plastiques remplis de peluches Winnies.
La conférence qui suivit immédiatement se résuma à Shoma dormant les yeux ouverts (oui, ce garçon était doué), Javi devant faire lui même la traduction des versions espagnols/anglais de ses réponses avec difficultés, et mes propres problèmes pour essayer d'expliquer à un journaliste français un centième de la signification spirituelle de la gestuelle dans ma chorégraphie de Seimei. Autant dire que j'aurais moi aussi préféré dormir, et je pense que Javi était d'accord...
La finale du gala se déroulait parfaitement bien, « Don't stop me now » résonnait dans le stade et en tant que musicophile, j'appréciais. J'en profitai d'ailleurs pour plaisanter avec Shoma en attendant de faire mon passage, imitant un rif de guitare en même temps que la musique et je manquai de peu de rater mon départ....
Alors que tous les patineurs faisaient un dernier tour de piste, le rif résonna de nouveau et je me détachai de la file, courant et glissant à genou pour l'accompagner. Javi rit en me poussant devant lui quand je le rejoins, même pas surpris.
L'un des ice dancers italiens, Luca, vint me voir à la fin pour « un petit quad » et je soupirai en m'avançant. Je me repris au moment de m'élancer pour ramasser les lettres gonflables qui auraient bloqué ma trajectoire et Javi s'occupa rapidement de l'autre tas. Ne manquait plus qu'à ne pas tomber...
Ce que je fis avec un soupir de soulagement avant de rejoindre les autres et en poussant Evgenia pour qu'elle prenne le relais.
-J'ai vraiment cru que j'allais partir en déséquilibre sur mon axe, ris-je en m'accrochant à Javi. Tu en fais un aussi n'est-ce pas ?
-Tu es fou, tu as vu comment je suis habillé ?!
-Ohh... Qu'est-ce que c'est que cette excuse ?... Tu as quoi en dessous ?, demandai-je en tendant la main pour baisser la fermeture éclaire de son sweat à capuche ( en effet pas le meilleur vêtement pour les sauts).
-Mais rien, justement !, s'exclama-t-il en m'empêchant de le déshabiller en public et en soulevant un peu le bas du sweat pour le prouver.
J'éclatai de rire en manquant de tomber par terre : c'est vrai que vu que son costume était toujours trempé, il devait finir le gala avec juste sa veste...
-Allez, va sauter !, le poussai-je. Au pire les gens profiteront de tes abdos !
-Mais c'est n'importe quoi !, protesta-t-il.
-Pour moi ?, proposai-je. Pour me faire plaisir...
-Tsss... C'est bien parce que c'est toi, grommela-t-il en commençant à s'élancer.
Pour la deuxième fois de la soirée, je dus chercher un appui pour ne pas m'écrouler de rire lorsque deux patineurs de pairs lui grillèrent le spot. Il finit quand même par sauter, transformant son quad loop en triple, très propre certes, mais en triple quand même. J'applaudis et il repartit pour un tour, bien obligé après les encouragements du stade entier, et je priai pour qu'il réussisse...
Il n'en avait cependant absolument pas besoin car il enclencha un quad loop parfait, même meilleur que mon précédent, et je fus celui qui applaudit le plus fort, riant en me prosternant sans oublier de collecter mon câlin quand il revint.
J'aimais vraiment les galas...
{Les deux SP, pas la meilleure qualité mais c'est la seule que j'ai trouvé avec juste Yuzu et Javi...}
{Gala final + quad battle avec Yuzu centre à partir de 6:50 + fanboying à fond pour Javi}
{L'explication logique du fanboyisme...}
{Nan, je plaisante...😂}