Naïs
Est-ce que vous croyez au miracle ?
Vous ne vous êtes peut-être jamais posé la question. À vrai dire, moi non plus.
Jusqu'à ce soir.
Mon visage irradie de douleur et je tente de toutes mes forces de rester consciente, et cohérente. Ce qui n'est pas évident après les coups que je viens de recevoir. Du sang gêne ma vision, coulant sur mon œil gauche que je peine à garder ouvert. Mon arcade sourcilière a dû éclater sous l'impact de son poing. Quel connard.
Je me redresse sur les coudes, prends de petites inspirations pour ne pas m'évanouir alors que la salle tangue, et regarde autour de moi. Elles ont toutes l'air apeuré, se demandant si elles vont y passer aussi. Sauf la salope qui m'a entrainée ici et qui est visiblement satisfaite de mon sort. Elle, dès que je le pourrai, je lui rendrai coup pour coup.
Elle ne mérite pas ma pitié.
— La leçon est comprise ? crache l'homme qu'en ce moment je déteste le plus.
J'arrive à m'asseoir pour le regarder dans les yeux et ce qu'il voit le rend fou de rage. Il pensait que je serais comme sa femme et sa fille ? Tremblante de peur ? Résignée ? Il me connait mal. Ses narines s'écartent frénétiquement alors que sa respiration siffle dans la pièce silencieuse. Je passe ma langue sur mes lèvres sèches avant de lui sourire.
— Tu sais que c'est comme ça que ton frère a fini à l'hosto ? provoqué-je.
J'entends le hoquet effrayé de ma mère. Elle a raison. Je ne devrais pas le provoquer. Mais, contrairement à elle qui a très souvent courbée l'échine, je me suis jurée de ne plus jamais le faire. Je suis sincèrement navrée qu'elle assiste à ça car il aura peut-être raison de mon corps. Mon esprit, lui, restera libre, je me le promets.
— Répète un peu ça, trainée ! hurle-t-il en commençant à défaire sa ceinture de pantalon.
Il cherche à m'intimider. Je ne dis pas que ça ne marche pas. J'ai mal et je voudrais que ça s'arrête mais je ne plierai pas devant lui. Il me fait peur, sa ceinture qui se balance devant moi me fait peur, la douleur que je vais ressentir me fait affreusement peur mais je ne baisserai pas les bras. Je ne veux pas retourner en enfer.
— Avec plaisir, sifflé-je. Tu n'es qu'un sale porc qui se tourne les pouces toute la journée ! Fais gaffe à ton cœur, hein, l'exercice physique quand on n'en a pas l'habitude, ça peut être fatal.
La colère déforme son visage et ses pas se rapprochent de moi. Je vais jouer ma dernière carte. Parce que, franchement, je suis à bout de force. Avant qu'il ne soit sur moi, je déplace mes jambes, réussissant à me mettre à genou. J'ai le cœur aux bords des lèvres et un vertige qui me fait craindre un évanouissement mais je tiens bon. Je n'ai pas beaucoup de temps.
En appui sur mes mains, je me positionne, les pieds maintenant bien ancrés au sol. Je fixe ma cible : son énorme ventre rebondi par les années d'inactivité et d'excès. Alors que son ombre m'enveloppe, je me détends comme un ressort en poussant un cri de rage. Je donne tout ce que j'ai.
Ma tête s'enfonce dans son abdomen mou et lui arrache un gémissement de douleur. Son corps bascule en arrière et je n'ai pas la force de me réceptionner, je tombe avec lui. Mes dernières forces m'abandonnent. Ma vue se voile.
Merde, je perds connaissance.
Alors oui, je crois au miracle.
En fait, je l'attends.