[Roman] Comment monter sa pro...

By JeremyDx

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JK est un jeune homme cynique et dépressif qui n'a pas la vie facile. Voguant de petit boulot en petit boulot... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24

Chapitre 19

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By JeremyDx


Quatre heures du matin. Paris. Une boîte chic dont vous n'avez pas besoin de connaître le nom, puisque vous ne pourrez jamais y foutre ne serait-ce qu'un ongle de doigt de pied. Carré VIP, bien entendu.

Les murs rouge grenadine de la salle flambant neuve vibrent au rythme des boom boom de la musique électro. Des couples officiels ou plus éphémères s'enlacent et se démènent dans des postures invraisemblablement érotiques. Quelques serveuses en tenue légère se faufilent laborieusement entre les danseurs afin de proposer des en-cas sophistiqués ou des coupes de champagne. Hé : V-I-P, qu'on vous dit.

Un dernier tek paf pour la route. Je caresse doucement le postérieur de ma fiancée s'enjaillant sur le dancefloor, et m'en vais évacuer ce qui doit l'être au petit coin. Sans oublier de tituber comme tout gentleman qui se respecte après avoir ingurgité beaucoup trop de verres d'alcool.

J'ouvre la porte desdits WC, me positionne face à l'urinoir, les jambes légèrement écartées, ouvre ma braguette, sors le monstre, et commence à soulager ma vessie. Naturellement, en prenant soin de ne pas en mettre à côté. Question de respect, vous savez. Bon, le respect est difficile, à trois grammes.

Enfin un peu de calme. Ça sent le vomi, la weed crapotée en cachette et les rapports sexuels non protégés sur un bout de chiottes, mais, après cette avalanche de sons plus tonitruants les uns que les autres, mes tympans sont aux anges. Namasté.

Petit jet timide, suivi d'un ruissellement plus honorable. Bien joué, chef, t'es le meilleur. Cependant, la satisfaction n'est que de courte durée.

* BAAAAAM *

- SALOPE, grommelle une voix éméchée, probablement à l'attention de la porte qui vient de claquer.

Un des aspects étonnants de la société humaine réside en sa faculté à s'organiser de manière spontanée.
Notamment, il existe une règle tacite, entre gens bien éduqués, qui énonce qu'on doit laisser une pissotière de libre entre deux messieurs nourrissant le désir ardent de s'épancher.
Il y a aussi les mecs qui s'en battent la nouille, et le gus qui vient de brandir la sienne à trente centimètres de moi semble bien faire partie de cette catégorie.
De surcroît, il me fixe un peu trop à mon goût. Je me concentre sur ma propre affaire, pour finir le plus vite possible. Pousse, pousse ! Mais c'est que j'en ai avalé, des litres de boisson.

- Hey mais j'te connais toi !, jette le glauque individu.

Super.

- Mon gars mais j't'ai vu à la télé ce soir ! T'as fait du bon boulot !

Ah, enfin terminé. Je range le matos bien au chaud en éludant les dernières gouttes, avec la solide intention de m'enfuir au plus tôt.

- Et toi, tu me reconnais pas ?

Mais c'est qui, ce type dégueulasse ?

- Gregorio. Gregorio Bolosovitch. On est collègues, toi et moi.

T'es sérieux, c'est un nom, ça ? Il me tend sa main droite. Merci mais non merci, pas sans une double paire de gants en latex.

- En fait, on est concurrents, plutôt, continue-t-il.

Des lunettes noires, une barbichette bien taillée, un corps athlétique, le tout affublé d'un costume de créateur hors de prix semblant vous réclamer de l'argent rien que pour le fait de l'avoir regardé. Il a un certain charisme, si on exclut son état pitoyable, ses basses manières et sa conception de l'hygiène visiblement assez libre.
Après réflexion, sa tête me dit quelque chose.

- Vous êtes également scienfitique... scientfifi... scientifique ?, demandé-je avec la grâce d'un mec presque pas bourré.

- Pas à moi, p'tit, m'prends pô pour un con. Einstein, c'est un scientifique. Tesla, c'est un scientifique. Toi et moi, on est des charlatans.

Il se tape sur le ventre d'un doigt persuasif.

- On profite de la stupidité des autres, t'vois.

- Si vous l'dites, lancé-je.

- Pfffft. M'enfin, c'est quoi, ça ? Faut pas avoir honte, t'sais. On est entre nous. L'humain est conçu pour ça. Dominer ou être dominé. Il y a les forts et les faibles. Nous sommes les prédateurs, et tant pis pour les autres. Mieux vaut vivre un jour comme un lion que cent ans comme un mouton. Voilà, c'est dit. Enfin, c'est pas moi qui l'dit : c'est la nature humaine.

Je me rappelle de lui, maintenant. Pour mon travail de documentation (oui, concevoir une secte, c'est un vrai job de thésard !), j'ai feuilleté un de ses bouquins.
Si mes souvenirs sont bons, son trip, c'est de promouvoir un régime dictatorial où ceux ayant le plus gros QI domineraient les autres. D'une manière générale, les gens seraient répartis en classes sociales selon leur intelligence supposée, avec des droits et des pouvoirs différents. Le tout mêlé à des préjugés racistes, liant couleur de peau et performances intellectuelles. Bonus : sélection des bébés à la naissance pour éliminer les "perdants", amélioration génétique des embryons, et plein d'autres jolies choses. Un vrai bon petit fils de pute comme on les aime.

Il lâche un pet bruyant et continue sur sa lancée.

- Il n'y a que dans le Pouvoir que l'homme se réalise. Celui d'agir sur son environnement, celui d'imposer ses quatre volontés aux autres. Et, surtout, le Pouvoir de laisser une trace dans l'Histoire. T'sais. C'est pas donné à tout l'monde. Toi et moi, on a une putain d'opportunité, on pourrait faire accoucher le monde d'une nouvelle humanité.

Ouais, bah, je serais le monde, vu la gueule du paternel, je me ferais avorter tout de suite. Au cintre rouillé, s'il le faut.

- On devrait travailler ensemble, t'sais. Ma force de frappe. Ta certaine, eum, repestacabilité dans l'opinion publique. Ouais. On pourrait faire de grandes choses.

Il me tend péniblement une carte de visite dorée aux bords argentés, que je m'empresse de glisser dans ma poche arrière droite. J'appelle cette poche "le Triangle des Bermudes", car tout ce que j'y mets finit invariablement perdu au fond d'une poubelle.

- Appelle-moi quand tu veux.

Le meilleur moyen de se débarrasser des relous est de leur faire croire qu'ils ont gagné. Ça fonctionne pour les démarcheurs, les dragueurs invétérés, les fans un peu trop fans, et probablement aussi pour les gourous alcoolisés.

- Très cher monsieur, je suis extrêmement flatté de votre intérêt, articulé-je en prenant soin de prononcer convenablement chaque syllabe. Soyez assuré que j'étudierai votre offre avec toute la sériosité qu'elle mérite. Merci beaucoup, c'est un honneur.

Il me toise d'un regard dominateur, et je profite de ce sentiment d'autosatisfaction pour quitter le pipi-room sur la pointe des orteils.

Mais quel monde ! D'une certaine manière, c'est rassurant. Quel que soit le niveau des mensonges que j'aurai à déblatérer pour garder mon entreprise vivante, il se trouvera toujours des énergumènes pour aller plus loin dans l'indécence.
Non, sérieusement. On ne joue pas dans la même catégorie. Ces L. Ron Hubbard, ces Gregorio Bolosovitch, ces Raël, ces Moon... Quel rapport avec nous ? Ils cherchent l'argent, le pouvoir, la maîtrise absolue. Ce sont des malades mentaux ivres de reconnaissance.
Alors, certes, nous profitons du système pour en vivre confortablement. C'est de bonne guerre. Mais notre objectif est louable, et les résultats sont flagrants : beaucoup de personnes ont une existence plus heureuse grâce à nous. La méthode est discutable, mais la déontologie est restée immaculée comme au premier jour.

J'exhibe mon bracelet à la tête-de-débile qui garde l'entrée de la zone VIP. Il grogne un truc et écarte son torse musclé pour me laisser passer. J'aperçois Gontran, Julianne, Monica et Gérald en PLS sur un canapé. Bande de fragiles. Ma femme, elle, est toujours en train de se dévergonder, sur ce qui semble être un mauvais remix dubstep du générique de Bob l'éponge. Sacrés DJs, toujours plus loin. Je m'en vais la rejoindre poncer allégrement la piste de danse.

Nos deux corps frémissent en harmonie avec le son puissant des gigantesques enceintes fixées au plafond. Tout est simple, naturel et jubilatoire. Je m'écarte pour contempler cette déesse qui est la mienne. La souveraine de mon empire.
Et c'est ce moment précis qu'un sombre connard choisit pour lui mettre les mains sur les hanches, en mode "lover de bal de camping". Elle le repousse vigoureusement, mais il essaye d'engager la conversation. Je l'interpelle d'un "HEY !" sans ambiguïté, il me fait signe de décarrer. Bordel, tu crois que tu vas pécho ma meuf ? Mon sang ne fait qu'un tour et je me rapproche pour virer cette merde.

J'ai une absence de quelques dizaines de secondes. Mes poings sont douloureux. Le type en question est maintenant allongé devant moi, la gueule en sang. Cunégonde fait une drôle de tronche. Tête-de-débile accourt en me hurlant une de ces magnifiques poésies dont seuls les videurs ont le secret.

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