Chapitre 14

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- Tout le monde est bien attaché ?, m'enquière-je.

- Oui maman !, ricane Monica.

- On pourrait pas prendre une vraie voiture, pour une fois ?, demande JK.

- Si tu as une six places sous la main et que tu conduis jusqu'à Paris, pourquoi pas.

- Grmll, s'exaspère-t-il.

- A qui le dis-tu.

Moi, je le trouve super, notre petit van. La GontMobile, comme on l'appelle. Vous voyez le mythique Combi Volkswagen ? Eh bien, pareil, mais en modèle hybride. Comment allier style, praticité et conscience écologique.

- On met de la musique ?, s'impatiente Monica.

- Pas encore du fucking Reggae, sinon je mords !, continue Julianne.

- Mets la radio, ça changera un peu, réclame Gérald. Marre de vos trucs bizarres.

- Moi je m'en fous, tant que c'est pas trop fort, soupire Cunégonde. Malalatête.

- Un truc qui envoie un peu du steak, j'ai besoin d'être gonflé à bloc !, dit JK.

- Wowowo, c'est moi qui choisis. "Conducteur, Dictateur", comme on disait en Mai 68, m'imposé-je.

- RÉVOLUTION !, s'écrient-ils en coeur.

- Dans vos rêves. Aujourd'hui, ce sera du rock psychédélique. Il y a l'univers du connu et l'univers de l'inconnu ; entre les deux il y a : The Doors !

L'accueil est mitigé, mais je lance la playlist. Jim Morrison, bon sang ! Un rocker, mais aussi un poète talentueux, un conteur hors pair, un sex symbol, un écorché vif brisé par l'absurdité du monde, un révolté engagé, et, surtout, un esprit brillant et créatif qui croyait en son art comme moyen de changer la société. Plus qu'un artiste, tout un symbole.

- C'est mou, critique JK.

- Comme ta bite, lance Julianne dans un triste automatisme.

- C'est pas ce que me disait ta mère hier soir.

- Dites donc, vous pourriez témoigner un peu plus de respect pour les artistes !, m'offusqué-je.

- On les encule à sec, tes barbus !, me provoque l'ogresse.

- Si vous continuez, je vous punis, et Dieu sait combien mes punitions musicales peuvent être douloureuses...

Samedi dernier, je leur ai passé deux heures en boucle la même chanson de Justin Bieber, parce qu'ils avaient osé insulter Bob Marley. Ils frissonnent à l'idée qu'un tel châtiment puisse se reproduire. Instiller la terreur est le moyen idéal pour se faire respecter.

- Tu es une ordure, déclame JK.

- Moi aussi, je t'adore.

- J'aimais bien Justin, moi, couine Gérald, avouant surtout par ce biais son mauvais goût le plus total.

- Chacun ses préférences, pas de jugement ; tu as le droit d'être masochiste des oreilles, on respecte, gazouille Monica.

- J'aime la musique Pop, rien de mal à cela, se défend-il. "Pop" comme dans "Populaire" : si ça passe à la télé ou à la radio, c'est que ça plaît au plus grand nombre, donc que ça possède des qualités intrinsèques. Ne soyez pas jaloux de leur succès.

Je fais mine de m'étouffer. Ce qu'il ne faut pas entendre. La mode actuelle ? Des blaireaux incapables de chanter juste et qui abusent de l'autotune pour compenser, des mélodies toujours plus pauvres, des paroles déprimantes de nullité. De la daube formatée pour convenir à la masse moutonnière, sans aucune portée, sans aucune saveur.

[Roman] Comment monter sa propre secte dans son jardin ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant