Elijah
Il fallait se battre pour avoir ce qu'on voulait.
N'était-ce pas là ce que nous avait toujours répété Arkham ? Ce n'était pas une règle fondamentale pour les Chasseurs, mais pour Liam, Zarkan et moi, cette phrase avait été comme un leitmotiv, comme quelque chose qu'il fallait garder en mémoire à chaque instant.
Il fallait savoir saisir des deux mains ce qu'on voulait vraiment en faisant fi de tout le reste, en oubliant tout et tout le monde.
Les Chasseurs traquaient et tuaient.
Là était leur existence tout entière. Mais il arrivait que les règles changent.
Cette nuit nos proies ne seraient pas des loups, mais ceux de notre espèce.
Liam grogna et mit un genou à terre. Il était rare de le voir dans un tel état, rare de le voir se donner autant lors d'un entraînement. Il ne pouvait pas aller plus loin. Là était la limite de son corps, de son endurance.
Mais il s'en fichait. Il souriait.
Il était épuisé, mais exalté.
Il avait atteint Arkham deux fois. Deux fois pour des décennies d'entraînement. Pour un regard extérieur, ce n'était rien, mais pour Liam, pour nous, c'était énorme. Même moi j'étais euphorique, Arkham lui-même semblait content.
Il essuya le filet de sang d'un revers de main et tapa une fois dans ses mains :
— Bien joué, Liam.
Il écarta ses bras et éclata de rire.
Liam toussa et essaya de se mettre debout, mais il était trop faible. Ses jambes ne pouvaient plus supporter son poids pour l'instant.
Il avait réellement tout donné. Il avait réellement puisé dans ses réserves pour arriver à ça.
Je me déplaçai et me retrouvai à côté de lui. Il releva la tête et nos regards s'accrochèrent un instant.
Mon Aelis.
Je le saisis par le coude et le tirai vers moi. Il était pâle de près et son souffle était court.
— Tu ne nous apprends pas tout cela pour nous battre contre des loups, lâcha-t-il et je ne sus où il trouvait encore la force de parler.
— Ah non ? Sourit Arkham.
Le visage de Liam s'assombrit. Arkham était le seul Maître qu'il respectait et qu'il respecterait à jamais. Le seul devant lequel il savait fermer sa gueule et ça, ce n'était pas rien.
— Toutes ces techniques... tous ces conseils...
— La proie a changé, dis-je.
Les yeux d'Arkham pétillèrent. Tout cela lui plaisait. Tout cela l'amusait grandement.
— Et quelle est cette proie les garçons ? s'enquit-il prenant son air sérieux.
C'était cet air-là, celui qu'on connaissait bien ; quand il s'apprêtait à nous apprendre quelque chose, quand il s'apprêtait à nous mettre une bonne raclée.
Mais ça n'avait plus le même effet sur nous depuis longtemps maintenant. Tout avait changé. Rien n'était plus pareil.
Je lâchai Liam qui sembla reprendre le contrôle sur la fatigue, sur l'épuisement.
Un sourire monta. Un sourire mauvais, qui ne voulait jamais rien dire de bon.
— Les nôtres.
J'observai notre Maître. Il était calme, serein, mais quelque chose couvait dans son regard.
Il nous avait façonnés à son image, il nous avait conditionnés pour être ce que nous étions en ce moment même. Il nous avait conditionnés pour une seule chose : tuer les nôtres. Traquer des Chasseurs. Les acculés et ne leur laisser aucune porte de sortie.
Tuer les nôtres. C'est ce qu'il voulait qu'on fasse.
Et c'est ce que nous allions faire.
La main d'Amalia. Ses lèvres sur mon menton. J'aurais pu en ronronner de plaisir. J'aurais voulu avoir son corps tout entier contre le mien, prendre encore du temps pour le connaitre et pour tout savoir, mais nous n'avions plus le temps.
Il y avait quelque chose dans mon cœur.
Comme un regret.
Comme un remord.
Parce que je savais comment tout cela allait se finir et parce que je savais qu'à la fin, je ne serais plus là pour elle. Ou même pour Liam ou la meute.
Il y avait des choses qu'on ne pouvait changer. Il y avait des choses qu'on ne pouvait arrêter. C'était comme ça.
Je caressai sa joue, elle s'appuya contre. Si douce. Si chaude. Un rayon de soleil dans l'obscurité.
— Il faut y aller, souffla-t-elle.
Je le savais. Mais je ne voulais pas pour autant bouger. Qu'est-ce que représentait quelques minutes avant une grande bataille ?
Rien.
Je me penchai et m'arrêtai juste au-dessus de ses lèvres.
— Eli...
Un souffle.
Une demande.
Une prière presque.
Je l'embrassai et elle se laissa aller. Elle s'offrait tout entière à moi. Elle donnait. Elle donnait sans juger.
En bas, Nohlan nous appela. Il était temps de parler logistique. Il aurait été idiot de croire que seuls les Chasseurs prendraient part à la bataille ce soir.
Front contre front.
Aucune parole.
Aucun mot.
Je ne voulais pas parler.
Je ne voulais pas rompre cet instant. Il y avait quelque chose de puissant, de magique.
— Viens, finit-elle par dire.
Elle attrapa ma main et me tira à sa suite.
Dans la salle, tout le monde s'était plus ou moins installé. Les Chasseurs étaient tous d'un côté et Liam se tenait près de Kayla. Marina était vers Peython et son aura était d'une tristesse presque palpable.
Nohlan était au centre de tout ça et il attendit qu'Amalia et moi arrivions pour prendre la parole. Il allait donner ses ordres. Ce serait clair, net et précis. Chaque personne aurait un rôle bien spécifique et tout le monde prendrait part à la bataille, que ça plaise ou non à certains Chasseurs.
L'orphelinat était le premier endroit à protéger. Ainsi, des loups partirent presque immédiatement, même si Aaron, Khaleb et Aubrie étaient déjà là-bas. Lachlan, un des Chasseurs qui étaient avec nous depuis de nombreuses années devait s'y rendre lui aussi.
Les Patrouilleurs se chargeaient de prévenir un maximum de monde sur la toile de l'Éthérée. Dean et Curtis iraient sur le terrain eux aussi et au moindre gros souci, Dean pouvait demander à Tessa, sa compagne, d'envoyer du monde, ou à Allyson, qui restait la sorcière de meute.
— Alice va recouvrir la ville de son brouillard, ajouta Nohlan alors que personne n'avait bronché depuis tout à l'heure.
Un léger mouvement près de moi. Curtis était-il vraiment en train de lever la main comme un enfant ? Dean marmonna quelque chose et sa Main éclata de rire. La situation ne lui paraissait si grave que ça au vu de son comportement.
— J'veux pas dire, mais on y voit vraiment que dalle quand ta sorcière fait ça, Nohlan.
— Il n'a pas tort, grogna Amalia.
Je souris alors que Nohlan soupirait.
— Apprends à ouvrir tes yeux, répliqua-t-il et certains rirent.
— Le brouillard d'Alice sert à beaucoup de choses, finis-je par dire, sans élever la voix.
Je sentis les regards se tourner vers moi. Ceux extérieurs à la meute ne pouvaient pas le savoir, mais nous, nous avions tous déjà expérimenté.
— Les humains se trouvant dans les alentours sont plongés dans un sommeil léger et leurs présences même sont comme... annihilées.
Il ne fallait pas oublier que l'Éthérée comptait des humains ; des êtres éphémères de par leur nature. Alice ne devait pas protéger que la meute ou la toile de l'Éthérée, mais bien tout le Michigan. Elle travaillait avec beaucoup d'autres sorcières pour cela, mais elle restait la plus puissante.
— Et tous les loups deviennent invisibles. C'est comme s'ils n'étaient pas là.
— Bah en même temps si vos copains voient aussi peu que nous, normal, lâcha Curtis.
— Faut-il que je te musèle comme un enfant, loup idiot ? rétorqua Dean.
Je secouai la tête alors que je sentais Liam s'impatienter légèrement. Il se fichait des détails. Il se fichait de la logistique des loups et de la meute.
— Enfin, pour faire court, reprit Nohlan à ma place, vous n'avez pas besoin de vos yeux pour voir. Le brouillard d'Alice est un peu comme... une cible. Quand il devient plus opaque, ça veut dire que ce qui se trouve là n'est pas un loup, ni même une personne de l'Éthérée.
— Plus clair pour toi, la Main ? grogna Liam.
Il ne laissa pas le temps à Curtis d'en placer une et s'avança à côté de Nohlan :
— Il y a six Chasseurs qui se trimballent ici. Quatre sont des Aelis et ne fonctionnent qu'en paire. Vous n'avez aucune chance d'en croiser un tout seul.
— Essayer de les séparer serait peine perdue, ajoutai-je.
Je sentis la jubilation de Liam. Ici, nous étions les seuls à savoir comment Jasper, Chase, Jon et Neil évoluaient. Nous avions combattu à leur côté plus d'une fois. Et nous nous étions battus les uns contre les autres plus d'une fois aussi.
— Et qu'est-ce qu'on fait alors ? osa demander Amalia.
— Toi ? Tu t'occupes de ton copain. Si tu t'en sors vivante, peut-être que je te trouverais une occupation plus gratifiante.
— Liam, soupirai-je, déjà excédé.
— Trop aimable, ducon, raillai-t-elle, ne se laissant pas démonter.
— Une autre femme qui ne se laisse pas démonter par ton charme, Liam, ça se fête, dis donc, dit Kayla en éclatant de rire.
Marina ne bronchait pas. Je tournai mon visage légèrement vers elle. Dire qu'elle était inquiète était un euphémisme.
— Kayla et les trois autres, vous vous occupez d'Asher.
— En gros le meilleur est pour vous, c'est ça ? grogna Kayla, presque boudeuse.
Je sentis le regard d'Amalia.
Elle était en train de comprendre. À un moment donné de la bataille, nous serions séparés. Elle ne pourrait pas être mes yeux. Elle ne pourrait pas couvrir mes arrières.
— Je ne veux pas qu'Amalia soit seule, dit Nohlan, ou plutôt l'Alpha.
Que ce soit lui qui parle ne montrait qu'une seule chose ; qu'il considérait déjà cette dernière comme sa Main.
— Je peux...
— Et les vampires ? Demande à Gabriel de lui coller un de ces vamps au cul et...
— Les vampires sont notre effet de surprise si les choses se corsent, expliqua Nohlan. Ils n'interviendront qu'en tout dernier.
— Si Dean reste ici avec Nohlan, je veux bien aller avec elle, c'est une future Main, après tout non ? dit Curtis, curieux soudain.
— Je n'ai pas besoin d'un chaperon ou je ne sais quoi, cracha Amalia.
Je ne pus m'empêcher de la toucher pour qu'elle se calme. Ce qu'elle fit à moitié.
— Et tu ne serais qu'un boulet, marmonna-t-elle.
Il rigola :
— Promis je resterais derrière si tu veux faire mumuse avec ton copain Chasseur.
Je secouai doucement la tête. Y avait-il quelqu'un, dans cette pièce, qui prenait tout cela au sérieux ?
Oui. Il y avait bien quelqu'un.
Marina.
L'humaine parmi les surnaturels.
Des voix s'élevèrent et Amalia continua de se disputer avec Curtis. Nohlan ne broncha pas, regardant sûrement le spectacle d'un œil blasé. L'aura de Liam se déplaça alors et sa voix fut la seule que j'entendis distinctement dans tout ce brouhaha.
— Marina.
L'aura de la jeune femme ondula sous la caresse de la voix de son amant. Il dut y avoir un échange silencieux, car les deux disparurent à l'étage.
Il aurait du mal à la rassurer. Marina ne voyait pas la vie de la même façon que nous. Elle était humaine. Elle était fragile et trop douce. Trop mortelle.
Que Liam tombe amoureux était choquant en soit, mais d'une humaine était encore pire et pourtant... il aimait réellement Marina et rien ne changerait cela.
— Je n'ai pas besoin d'un petit chien derrière moi, espèce de cabot stupide !
— Les Chasseurs et leurs insultes... innovez un peu, Bon Dieu ! répliqua Curtis, amusé.
— Si tu me suis, je te ficelle et je te balance à l'eau, fulmina Amalia.
— Mon dieu, souffla Nohlan.
— Si l'odeur de chien mouillé ne te dérange pas...
Amalia cria d'agacement. Je me déplaçai à côté de Nohlan qui s'était reculé et qui observait tout cela d'un œil blasé, plus que probablement. Nous n'avions pas reparlé depuis notre conversation. Aucun mot n'avait été dit et quelque part... je n'aimais pas cette situation.
— Evan ne vous lâchera pas, Liam et toi, dit-il.
— Il ferait mieux de rester ici avec toi, dis-je.
— Il y a Eryn, répliqua-t-il.
En colère. Il l'était encore. Il n'avait pas digéré ce que je lui avais dit. Je soupirai. Quand Nohlan était en colère, il boudait. Et c'était par bien des aspects pire qu'exploser. Il pouvait rester ainsi des jours durant. Peython savait l'amadouer, mais il fallait avouer qu'elle avait les... moyens, les atouts pour. Et elle était sa compagne. Ce qui changeait tout.
— Nohlan, commençai-je.
La puissance de l'Alpha monta. Ce n'était pas écrasant, juste un peu étouffant.
— Pas d'excuses, loup. Tu vas aller te battre et tu vas revenir. Je ne veux rien entendre d'autre. C'est clair ?
Qu'est-ce que je pouvais dire à cela ? Nohlan était têtu avec les gens qu'il aimait. Trop parfois même. Et dire quelque chose ici n'aurait servi à rien.
Sa main se retrouva sur mon épaule et il la serra un instant. Son aura m'entoura.
— Fais attention, Eli, dit-il, plus doucement.
Et il me lâcha.
Sa voix couvrit celle des autres et en quelques minutes, le bar se vida. Ne restaient que les Chasseurs et les plus hauts gradés. Evan était dans mon dos, assis sur le comptoir. Il attendait patiemment. Il allait nous suivre à la trace, ou du moins essayé.
Liam revint, son aura plus noire, tinté d'autre chose que de la colère, de la haine et de la noirceur. Il posa lourdement au sol une grosse boite en fer et sembla l'ouvrir d'un coup de pied :
— Ravitaillement mes amis, prenez ce dont vous avez besoin !
Kayla rit. Liam s'avança vers moi. Il tenait mes armes dans ses mains. Il me lança mes lames l'une après l'autre et je les mis dans leurs fourreaux, là où était leur place. Leurs poids étaient rassurants.
Il se plaça devant moi et je sentis ses Ombres ondoyer tout autour de moi et ramper sur mon corps alors que les autres Chasseurs étaient en train de se servir.
Elles me recouvrirent et je frissonnai. C'était toujours une drôle de sensation, mais les âmes de Liam étaient presque une seconde peau pour moi maintenant.
Notre lien vibra tout doucement. Je le saisis par l'épaule et il fit de même. Le temps sembla s'arrêter un instant.
Il n'y avait plus que mon Aelis et moi.
Et puis je sentis Amalia dans mon dos. Elle effleura mon corps, me donna de sa chaleur.
Liam devant.
Amalia derrière.
Quelque chose d'étrange. Un sentiment de... sécurité.
Je souris doucement.
Nous étions prêts.
Prêts à nous battre pour ce que nous voulions.
Curtis se retrouva à côté d'Evan :
— On y va à l'odeur, nous, dit-il.
Evan rit.
La chaleur d'Amalia.
La jubilation de Liam.
— C'est parti.
Et tout le monde se dispersa comme un seul homme.
Amalia
Le brouillard d'Alice était déjà en place quand nous sortîmes tous dehors. Je plissai les yeux, par réflexe, puis abandonnai. Nohlan avait dit de regarder. D'ouvrir les yeux. Alors que Liam avançait, Elijah fit un pas en avant, peu sûr de lui tout à coup.
_ C'est un handicap, grognai-je, mécontente de ce brouillard.
_ Adapte-toi, souffla Eli avant de se mettre en mouvement.
Je clignai des yeux. Que venait-il de dire ?
_ Adapte-toi, Amalia, grogna Abbadon. C'est le but de cet exercice et tu es en train d'échouer.
Les Ombres autour de moi m'empêchaient de voir clairement ce qui se passait autour de moi.
_ Fais appel à tous tes sens, reprit Abbadon. Si ta vue est inutile, tu en as plein d'autres à ta disposition.
_ Amalia, m'appela la voix de Curtis.
Je clignai de nouveau des yeux, sortant de mes pensées. Ce n'était pas le moment d'avoir la tête ailleurs, bon sang.
_ Il faut bouger, souffla-t-il.
Je hochai la tête et me mis en mouvement à mon tour. Je rejoignis Elijah facilement, le suivant à la trace. L'énergie de Liam lui collait à la peau. Un sifflement retentit. Je bondis et poussai Elijah en avant. Il tomba à genoux alors que la flèche se plantait entre nous. Le souffle court, je la contournai et pris la main d'Elijah. Je me mis à courir. Elijah suivait chacun de mes mouvements, me faisait totalement confiance.
Curtis était sur ma gauche. Evan avait suivi Liam. Soudain, Elijah se figea me freinant. Il me tira en arrière d'un coup sec. Je rebondis sur son torse. Une flèche se planta devant nos pieds.
_ Il faut lui chopper son arbalète à ce con, cracha Curtis non loin de nous.
Le souffle, je regardai la flèche. Je la tirai du sol et observai la pointe. Ma louve paniqua. Je déglutis et fermai les yeux.
_ Elles sont en argent, souffla Curtis.
_ Ça reste du métal, murmurai-je, la voix froide.
Je levai une main. La flèche lévita.
_ À gauche, en hauteur, murmura Elijah.
Je lui fis confiance, naturellement. Mon bras se leva dans cette direction. La flèche partit. Un bruit retentit. Une nouvelle flèche revint. Je la repoussai d'une main. Le froid du métal m'envahit.
_ Bougez, souffla Curtis.
_ Je peux l'avoir, dis-je.
Elijah se figea.
_ Non, grogna-t-il. On reste ensemble pour l'instant.
_ Il est seul, soufflai-je.
_ Il n'est jamais seul, insista Elijah. On avance... ensemble.
Il se remit en mouvement, mais ses pas n'étaient pas aussi assurés que sans le brouillard. Je pris sa main et la posai sur ma ceinture. Ses doigts se refermèrent dessus. Il tira une lame de l'autre. Il hocha la tête. Je me remis à courir.
Alors que nous arrivions enfin à rattraper Liam. Quelque chose me heurta sur ma gauche. Je crus que c'était Curtis, mais ce dernier n'était pas visible avec le brouillard, même si je savais qu'il était là. Le brouillard s'épaissit un peu plus. Ce n'était pas un de nos loups. Je me redressai sur mes coudes. Elijah m'avait lâchée avant que je ne sois percutée, si bien que j'avais glissé au sol sur quelques mètres. Elijah s'était agenouillé, comme ce qui me semblait de Curtis. Ils offraient une plus petite cible. Je n'avais pas vu ce qui m'avait heurtée malheureusement. Je restai au sol.
Tant que je voyais Elijah. Tout irait bien.
_ Amalia ? souffla-t-il.
Je me redressai sur mes genoux. Rien.
Soudain, de légers bruits retentirent.
Je fronçai les sourcils... Des Flèches ! Et elles étaient nombreuses !
_ Courrez ! criai-je.
Je me relevai alors que Curtis et Elijah se dispersaient. Je me tournai vers le métal qui se jetait sur moi. Je levai mes mains, grognai d'effort. Mon magnétisme explosa autour de moi. Je rouvris mes yeux. Une vingtaine de flèches se trouvaient autour de moi. J'écartai mes doigts. Toutes les flèches repartirent dans le sens inverse. Un grognement retentit. Touché ?
Je pivotai et rattrapai Elijah. La panique monta. Je ne le voyais nulle part !
Alors que je repérai son dos, un coup de feu retentit. Mon cri résonna. Je vis Elijah pivoter vers moi, sa bouche ouverte m'appelant. Mais déjà, quelqu'un l'attaquait demandant son attention à un autre endroit.
_ Elijah ! hurlai-je.
Je voulus me redresser, mais la douleur m'en empêcha. Non, non !
Je jetai un coup d'œil à mon épaule. En sang. La balle avait traversé. Sauf qu'elle avait arraché pas mal de chairs. Ce n'était pas n'importe quelle balle.
Je devais bouger bon sang ! Aller ! Une petite balle de...
Quelqu'un me saisit la cheville et on me tira d'un coup sec. Des mains saisirent ma gorge avant de me frapper le crâne contre le sol. Le visage de Wyatt m'apparut.
_ Traitresse, grogna-t-il.
Sonnée une première fois, ma louve prit vie dans mes membres et le griffa, mais cela ne l'empêchait pas de frapper mon crâne au sol de nouveau.
Je grognai, mais des mains saisirent Wyatt. Curtis voulut le balancer un peu plus loin, mais leur combat démarra. Je tirai une dague de ma botte. Wyatt s'écarta de Curtis en le frappant, et lança sa propre dague sur moi.
Plantée dans ma jambe, figée dans le sol.
Soudain, des Ombres se lancèrent sur moi. Je criai un instant avant de sentir la sensation d'étouffement.
Je tirai la lame de ma jambe, et roulai au sol. Les Ombres eurent du mal à me suivre.
Asher.
Je fis appel à toute ma concentration pour bouger. J'échappai aux Ombres, trouvai Asher facilement. Abbadon m'avait appris beaucoup de choses. Surpris que je le trouve si vite, il se fit avoir.
Mes poings volèrent un instant et il tomba à genoux.
_ Tu as toujours été faible, crachai-je.
Je levai ma dague, prête à lui transpercer le crâne, mais il disparut.
Je criai de rage avant de me tourner vers Wyatt et Curtis. Le premier repoussa de nouveau Curtis et se jeta sur moi. Je réussis à esquiver ses coups.
Sa lame me toucha.
Il esquiva Curtis, mais pas moi. Je le frappai dans le plexus. Il eut le souffle coupé. Je pivotai, ma jambe bien haute. Il se prit mon pied dans le visage. Puis celui de Curtis dans les côtes. Il bondit en arrière, mais je le suivis dans son geste. Mon poing rencontra son bras, qui retomba le long de son flanc.
Curtis n'intervint pas alors que je frappai Wyatt, réussissant à prendre le dessus dans le combat.
Alors que mes poings étaient de plus en plus meurtriers, Wyatt tomba à genoux. J'avais les jointures en sang et mon visage portait quelques marques de la dague de Wyatt.
_ Il y a quelque chose que tu n'as pas eu Wyatt, soufflai-je.
Je me penchai sur lui, agrippai ses cheveux. Je lui murmurai le nom d'Abbadon.
Je fis jouer ma dague un instant.
_ J'ai toujours été la meilleure, grognai-je.
Soudain, un cri me figea.
Ma louve se rétracta en moi, la peur la traversant de part en part.
Elijah ? Elijah !
Ma louve frémit. Non ! Nous... nous devions le protéger !
_, Mais tu as perdu cette place, cracha Wyatt.
Sa main plongea dans ma cage thoracique.
Mon souffle se coupa.
Je tombai à genoux, le souffle court.
Elijah !
Ses doigts serrèrent mon cœur.
Jamais...
Je grimaçai.
Elijah !
Jamais ... Je ne pouvais pas l'abandonner...
Alors que Curtis se jetait sur nous, ma dague transperça le visage de Wyatt.
Traversant son menton, sa mâchoire, son palais, son cerveau, son crâne.
Ses yeux se révulsèrent. Je grognai et retirai son bras de mes côtes. La douleur était indescriptible.
Curtis s'agenouilla à mes côtés.
_ Va voir, murmurai-je.
Il secoua la tête.
_ Je dois rester avec toi, souffla-t-il.
Il fit rouler le corps de Wyatt et plongea son bras dans la cage thoracique de ce dernier. Il lui arracha le cœur. Pour être sûr. Je sifflai de douleur alors qu'il me remettait sur pied.
Ma louve était trop inquiète, trop perturbée.
Elijah ?
Non ! Ce n'était pas lui !
Ça ne pouvait pas être lui...
Ma louve était intenable !
Curtis s'arrêta alors que le brouillard s'épaississait sur notre gauche et sur notre droite. Il se figea. Je le repoussai doucement et tirai mes dagues doucement. Deux Aelis se firent enfin connaître. Je crois que le premier s'appelait Chase, l'autre, Jasper ? Je ne savais plus.
_ Le loup a fait des dégâts, souffla le premier. Tu seras plus facile à tuer.
_ Je n'en suis pas si sûr, souffla Curtis.
_ Toi, souffla Jasper, tu peux t'en aller. Nous ne voulons que sa mort à elle.
_ Alors, vous voulez la mienne aussi, rétorqua Curtis.
Je pris une longue inspiration. Ma louve avait presque réussi à me guérir entièrement. Wyatt avait quand réussit à m'amocher. Elle s'occupait essentiellement du trou dans ma poitrine et de la perte de sang.
Mais elle voulait avant tout savoir si Elijah allait bien. Elle n'était pas concentrée.
_ Nous t'aurons prévenu, souffla le premier.
Il se jeta sur moi. Jasper s'occupait de Curtis.
Les poings plurent. Je lâchai mes dagues, trop lente. J'étais trop lente. Soudain, Jasper et le premier échangèrent leur place comme s'ils ne faisaient qu'un. L'un d'eux réussit à mettre Curtis dans une mauvaise position. Alors que celui-ci tenait de reprendre le dessus, des Ombres l'enveloppèrent.
Asher !
_ Curtis ! criai-je.
Le poing du Chasseur éclata mes côtes. Je criai, mais déjà reprenais le dessus sur la douleur. Il tenta de trouver une brèche, mais rien. J'étais hermétique dans ma défense. Soudain, Jasper se joignit à lui.
Quoi ?
Je roulai au sol, attrapai mes lames. Je les fis voler et elles trouvèrent leur cible. Je courus vers Curtis, mais quelque chose me tira en arrière. Le fouet claqua de nouveau et me tira au sol. Je pivotai et levai les jambes. Je coupai le fouet et bondis sur mes pieds. Jasper essaya de tirer son katana. Je le frappai de mon pied et l'arme retourna dans son fourreau. Le Chasseur grogna alors que Jasper tenait de m'atteindre. Je me déplaçai rapidement dans leur dos et sautai sur ses épaules.
_ Jasper ! cria le Chasseur.
Jasper disparut soudainement. Je tombai à genoux au sol, criant de douleur. Quoi ? Encore disparu ? J'aurais pu le tuer bon sang ! Et merde !
Le premier Chasseur se jeta de nouveau sur moi, criant de rage. Alors qu'il commençait à prendre le dessus, je vis Curtis tenter de se débarrasser des Ombres. Je repérais le flingue du Chasseur. Il vit ce que j'avais vu. Il le tira avant que je ne puisse le lui prendre et me visa avec. Il tira sans se poser de question.
Les balles se figèrent autour de moi, déviées de leur trajectoire.
_ Je ne suis pas aussi facile à tuer, grognai-je.
Un seul mouvement de tête renvoya les balles dans l'autre direction. Le Chasseur les esquiva toutes avant de retomber sur ses pieds. Je courus vers Curtis et attrapai son bras qui dépassait des Ombres. Je tirai d'un coup sec. Il hurla et cligna des yeux. Les Ombres voulurent lui grimper dessus, mais déjà je le tirai derrière moi.
Je levai mes deux mains devant moi et fis appel à toute ma concentration.
Curtis apparut sur notre gauche et se mit à courir. Les Ombres suivirent l'illusion que j'avais créée. Je souris.
_ Qu'est-ce que... ? souffla le Chasseur.
Curtis sortit de derrière mon dos en sifflant.
_ Tu ne peux pas savoir faire ça, grogna le Chasseur. C'est impossible !
Curtis se changea en loup et se jeta sur le Chasseur. Je pivotai vers le toit, repérai Asher. Il fallait le chopper et lui faire bouffer ses mains.
J'allais bouger quand Jasper apparut devant moi. Son katana prêt à me transpercer. Mon magnétisme me sauva pour cette fois. Je regardai la lame se plier au fur et à mesure qu'il essayait de la planter dans mon cœur.
_ Essaye encore, soufflai-je en souriant.
Jasper eut un sourire à son tour.
Je fronçai les sourcils.
_ Amalia, nooooon !
Le cri de Curtis me parvint de loin.
Je sentis l'autre Chasseur dans mon dos.
Sa dague plantée profondément dans mon dos, frôlant mon cœur.
_ Alors, petite Chasseuse, on est invincible ? souffla-t-il contre mon oreille.
Je restai immobile. La douleur rampait en moi.
Ma louve se débattait.
Elijah !
Il fallait qu'on se protège.
Qu'on le protège.
Où était-il ? Est-ce qu'il allait bien ?
Il fit bouger la dague.
Je grimaçai, gémis de douleur.
_ Bouge le loup et elle est morte, souffla Jasper à Curtis.
_ Vas-y, soufflai-je, tue-moi... c'est ce qu'ils veulent n'est-ce pas ? Les Anciens ?
Soudain, la tête de Jasper se détacha de son corps m'aspergeant de sang.
Le bruit de la lame si familier à mes oreilles.
Le cri de son Aelis explosa dans mes oreilles.
Je tombai à genoux, le couteau presque planté dans mon cœur.
Je relevai mon regard.