Je suis allongée sur le canapé, Camille est sur un matelas à mes pieds, elle dort. Je regarde les lumières de la rue qui sont projetées sur le mur blanc du salon. Je réfléchis, je pense.
J'ai déjà vu pire. C'est rien. Je suis plus forte que tout ça. Ça va passer, la roue tourne. C'est qu'une mauvaise passe.
Soudain, Camille commence à gigoter, je ferme les yeux pour qu'elle pense que je suis endormie. Elle finit par se lever, puis elle se dirige discrètement vers ma veste. Elle fouille les poches, mais pas de chance, je n'ai rien d'intéressant, un briquet, un paquet de cigarettes et un ticket de caisse qui traîne. Elle s'approche d'une commode et ouvre les tiroirs, elle fait un peu de bruit, elle se retourne vers moi pour savoir si je dors toujours, puis continue sa fouille. Elle finit par trouver de l'argent, qu'elle commence à enfouir dans sa poche. Elle est pas sérieuse ?
Je me redresse dans mon lit.
- Pas très reconnaissante à ce que je vois.
Elle sursaute et lâche quelques billets par terre.
- Je pensais que tu dormais, dit-elle, gênée.
- Je ne dors jamais vraiment.
- J'aurai pas du, c'est débile, soupire-t-elle en reposant l'argent dans le tiroir.
- Donne moi une bonne raison de pas te foutre dehors, voleuse, lui demandé-je.
- Il n'y en a pas, me répond-elle.
- Qu'est ce que tu fouterai de cet argent ? Alcool ? Clopes ? Drogue ?
- Non, je ne suis pas comme ça. J'ai besoin d'argent, me dit-elle.
- Pour ?
- Pour mon frère.
- Pourquoi ?
- T'arrête quand de me poser des questions ? Je ne te connais même pas. Occupe toi de tes affaires au lieu d'empécher les gens d'en finir, déclare Camille.
- Tu sais quoi ? Je vais pas te lâcher.
Je me lève et attrape ma veste.
- Prends l'argent, je le rembourserai à Alex, et viens, on s'en va, dis-je avant d'ouvrir la porte d'entrée.
Camille s'exécute et me suit.
Nous arrivons sur la plage, je m'assois dans le sable. Je sors deux cigarettes et en tends une à Camille. Elle refuse en secouant la tête. J'allume la mienne et souffle un épais nuage de fumée.
- Je m'appelle Ange, je suis en terminale, je n'ai aucune passion, aucun rêve, ma vie est ennuyante et sans intérêt, à toi.
Camille est au début hésitante mais elle finit par prendre la parole.
- Je m'appelle Camille, je ne suis pas scolarisée, j'ai des passions, j'ai des rêves, ...
Elle n'a pas le temps de finir, car je la coupe.
- Et entre nous deux, c'est toi qui a voulu te jeter sur les rails du métro ?
Elle ne répond pas, et fixe le large. La mer est clame cette nuit.
Au bout de quelques minutes, elle recommence à parler.
- C'est plus compliqué que ça.
- Explique moi ?
Elle se lève brutalement, énervée.
- Mais c'est quoi ton putain de problème sérieux ! Lâche moi ! Je ne te connais pas ! Qu'est ce que t'en a à foutre de moi ou de mes problèmes ? crie-t-elle.
Je ne sais pas pourquoi, mais dès que j'ai vu cette fille, j'ai ressenti quelque chose, je l'ai directement repérée quand je suis descendue sur le quai de métro. Mais je n'ai aucune idée de pourquoi.
- Ecoute, j'en sais rien !
- Alors casse toi ! Laisse moi tranquille ! hurle de plus en plus fort Camille.
Mais soudain, j'aperçois des silhouettes un peu plus loin sur la plage. Je saute sur Camille et nous tombons dans le sable. Je colle ma main contre sa bouche.
- Tais toi. Tais toi.
Il y a une silhouette que je reconnais très bien. C'est celle de David, j'en suis sure. Camille tourne la tête vers ces ombres.
- Je connais ces personnes, et il vaut mieux qu'on ne les croise pas. Viens.
Je lui fais signe de me suivre, et nous nous dirigeons derrière une petite cabane de secourisme.
- C'est qui ?
- C'est mon ex, et il traîne avec des personnes pas spécialement sympas. Alors on attend là qu'il s'en aillent et on rentre chez Alex.
Je me penche et aperçois qu'Arthur est aussi là, mais il y a deux autres silhouettes que je ne connais pas. Camille se penche pour voir aussi.
- C'est un genre de gang ? demande-t-elle.
- J'en sais rien si on peut appeler ça un gang mais c'est pas des affaires propres d'après ce que j'ai compris.
- En même temps, qui fait des affaires propres sur la plage à deux heure du matin ? ironise-t-elle.
Nous continuons de regarder la scène, mais de trop loin pour que l'on puisse entendre leurs conversations. Je suis concentrée et regarde tous leur faits et gestes. Arthur a un sac dans les mains, de même pour un autre gars. David reste les bras croisés.
Mais tout à coup, on m'attrape par l'arrière de ma veste et on me fait tomber par terre. Camille crie. C'est un mec, je ne l'ai jamais vu.
- Qu'est ce que vous regarder ? demande-t-il d'un air menaçant.
Ni Camille, ni moi ne répondons.
Le garçon fait signe au petit groupe que nous observions. Ils ont été alerté par le bruit et commence à s'avancer.
- David ! On a de la visite ! crie le mec.
Je regarde Camille, et elle comprend qu'il faut qu'on parte de là. Elle donne un coup de pied entre les jambes du garçon. Ce dernier s'écroule par terre. Nous en profitons pour partir en courant toutes les deux.
- Elles se barrent ! alerte le mec à terre.
Je me retourne et constate qu'ils nous courent après.
- Cours Camille ! Ne t'arrête pas !
Nous courons sur la plage, puis nous rejoignons la rue. Je me retourne pour voir si le groupe est toujours derrière nous, mais je ne vois plus personne.
- Tourne dans cette rue, va te cacher derrière les poubelles, dis-je à Camille.
Je m'arrête quelques secondes et observe autour de moi. Personne. Je me retourne pour rejoindre Camille et tombe nez à nez avec un grand brun qui n'a pas l'air commode. Il m'envoie son poing dans le nez. Je tombe en arrière.