PDV Olivier
J'entends cogner à ma porte et je me lève afin d'aller ouvrir. Je découvre ma petite sœur Kelly de l'autre côté qui me dit que mon père chercher à me voir. Je m'habille en vitesse et me dirige vers les quartiers de mon père. Je remarque que la porte de son bureau est entrouverte alors j'entre sans m'annoncer préalablement. À l'intérieur, j'y trouve mon père, le roi Phillip, ma mère Rose, ainsi que le premier conseillé de mon père, un dénommé David si je me souviens bien.
Le bureau du roi est un endroit que trop ordinaire à mon gout. On y retrouve une table de travail en bois massif derrière laquelle a été installée une immense chaise à roulette. Les murs sont entièrement recouverts de bibliothèque rempli de livre qui ne semblent pas avoir servi depuis des siècles. Deux petits bancs viennent compléter le paysage.
Je salue les personnes présentes d'un signe de tête avant de m'assoir tout près de ma mère. J'attends en silence que l'un d'eux se décide à m'annoncer la raison de ma présence ici. C'est ma génitrice qui prend la parole d'une voix douce :
-Olivier, dans un peu moins de 2 ans c'est toi qui prendras la place de ton père sur le trône d'Améstia, elle commence.
Encore un superbe discours sur mon rôle dans la vie et sur mon irresponsabilité, génial, j'avais vraiment besoin de ça aujourd'hui.
-Je suis parfaitement consciente du désir que tu as de poursuivre ta jeunesse encore quelques années, elle continue sans élever le ton. Mais nous avons réfléchi sur la question ton père et moi.
Ça y est, maintenant je commence à avoir peur de ce qu'elle va me dire. En règle générale je n'ai pas de problème avec ma mère, je m'entends même plutôt bien avec elle et j'ai toujours le sentiment qu'elle comprend et respecte mes choix. À l'instant, j'ai l'impression qu'elle vient de se liguer avec mon père afin de le seconder dans ses célèbres propos sur mes passe-temps.
Mon père semble perdre patience, alors que ma mère poursuit calmement ce qu'elle devait me dire.
-Ça n'a pas été facile, surtout pour moi, mais nous en sommes venus à la conclusion que, pour ton image auprès du royaume, pour te rendre plus mature, ainsi que pour te diriger vers la voie de la responsabilisation, la meilleure chose que nous pourrions faire pour toi est de te trouver une épouse.
Je reste sans voix devant ce que je viens d'entendre. Ils sont fous où quoi ?! Est-ce qu'ils comptent vraiment me placer dans la folie d'un stupide mariage arrangé ? Il n'en est pas question, s'il y a bien une chose que je refuse de faire c'est bien de me marier avec une étrangère. Seule ombre au tableau, si mes parents, y compris pas mère, ont décidé que c'est ce qui va se passer, ça ne risque pas d'être facile de contourner cette obligation, je vais devoir user de stratège.
Voyant que je ne réplique rien mon père ajoute :
-Dans exactement deux semaines, un bal se déroulera ici au château. C'est au cours de cette soirée-là que tu auras la possibilité de te choisir une femme. Tu y rencontreras les filles des plus hauts dignitaires de la région ainsi que plusieurs princesses d'un peu partout. Nous avons également invité les jeunes femmes du pays, mais ne te concentre pas sur elles lors de cette soirée. Si jamais, tu n'arrives pas à trouver chaussure à ton pied pendant ce soir-là, je me verrai obligé de te choisir moi-même une épouse dans un très courts délais, est-ce clair?
Je n'arrive pas à y croire, ils vont vraiment me faire subir ça. Je savais que je commençais à pousser à bout la patience de mon père, mais je n'avais définitivement pas imaginé qu'il se rende jusque-là en termes de moyen pour me faire revenir sur le « droit » chemin.
Je le regarde dans les yeux, résigné et quitte la pièce, un plan se formulant déjà dans un coin lointain de ma tête.
Je marche d'un pas rapide jusqu'à ma chambre, enfile un coton ouaté, une paire de jean foncé et des Vans noire avant de me diriger vers mon refuge.
Mon refuge est en fait constitué d'une petite cabane perchée dans un arbre derrière le château. Ma mère me l'avait fait construire lorsque j'avais huit ans et que je n'étais plus capable d'entendre les pleurs de ma petite sœur Kelly. Elle venait tout juste de naitre et elle accaparait toute l'attention de mes parents, à mon grand détriment, cet endroit m'avait permis d'avoir quelque chose à moi pour traverser ce moment. Avoir une petite sœur était plus difficile que ce que je pensais.
J'entre à l'intérieur et m'installe sur le petit lit de camp pour réfléchir. Il se trouve au milieu de la pièce, avec, à sa droite, une petite surface de travail et à sa gauche, un mur rempli de dessin d'enfant, les miens et ceux de mes sœurs.
J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, laissant ma tête se remplir par le son de la musique.
J'essaie de m'imaginer, au château, avec ma femme près de moi et un haut le cœur me prend, il n'est pas question que je laisse ça arriver.
Je prends le temps de faire le point sur mes options :
1) Je peux m'enfuir en courant le plus loin possible.
2) Je peux accepter mon sort et me marier avec la première fille qui me semble intéressante.
3) Je peux essayer de convaincre mes parents de changer d'idée.
4) Je peux trouver un moyen de reporter le délai qui m'a été donné pour me trouver une épouse.
La quatrième option est celles qui me parait la plus plausible étant donné les circonstances. Je choisi de mettre de côté mes tourments pour l'instant et d'aller me promener un peu en ville.
Mon père ne le sait pas, mais un de mes passe-temps favori est de faire le tour des quartiers de la ville afin d'observer les gens. J'aime savoir ce que les citoyens moyens de notre pays font de leurs journées et me retrouver pendant quelques heures à lire à la bibliothèque de la place. Ce n'est pas énorme, mais c'est ma façon à moi d'apprendre à connaitre mon peuple avant de le gouverner.
Chaque fois que je me retrouve en ville, j'ai peur que quelqu'un réalise qui je suis et que je sois pris pour ne plus y retourner, étrangement, ça ne semble jamais arriver, un peu comme si, sans tout le flafla de la voiture royale et du majordome, tout le monde me voit comme ce que je suis vraiment, un simple jeune homme de 22 ans.
Aujourd'hui, le soleil a choisi de se pointer le bout du nez et la journée est étonnamment bonne pour une date de mi-avril. Il faut dire que j'habite un endroit assez frais. Lorsque l'hiver prend place, de la neige on en retrouve partout, ces temps-ci, il n'y en a plus que par-ci par-là.
Je prends la direction du parc le plus près et en suis le sentier en écoutant les conversations autour de moi.
C'est quand même fou, commence une jeune fille, on va assister à un bal, au palais.
-Je sais, lui répond son amie avec un énorme sourire sur le visage. Mais je crois que le plus dingue dans l'histoire c'est que le prince va se choisir une épouse cette soirée-là, imagine s'il me choisissait moi, elle finit le regard rêveur.
Et voilà, première personne que j'écoute et déjà des discussions sur le bal, mais qu'est-ce qu'elles vont bien s'imaginer, disons qu'il y a très peu de chance qu'elle se retrouve princesse à la fin du mois, surtout considérant le fait que je compte bien ne pas me marier de sitôt.
Conversation après conversation, je me rends bien à l'évidence que le sujet de l'heure c'est le bal. Incapable d'en entendre plus, je replace mes écouteurs et monte le son de ma musique de manière à couvrir tous les bruits ambients.
Sur mon chemin, je croise un café-bibliothèque et décide d'aller y faire un tour. Je commande un bon vieux chocolat chaud, retrouve le roman que j'avais commencé à ma dernière visite et me plonge dans la lecture.
À quelque pas de moi, je vois une jeune fille qui s'énerve contre la personne au comptoir, je tends l'oreille, curieux de ce qui peux bien la mettre dans cet état.
-Ça va le faire avec ce fichu bal stupide, elle s'emporte. Pas moyen d'aller quelque part sans se faire demander si on compte si rendre, c'est la folie furieuse ou quoi.
Je ris intérieurement de ses dernières paroles, ravi d'avoir enfin trouver quelqu'un qui ne s'intéresse pas à ce que la population entière me donne l'impression de s'intéresser.
Elle s'installe dans une chaise et commence à lire sans quitter son air sur les nerfs. Je la vois marmonner dans sa barbe quelques fois, avant qu'elle retrouve son calme et se plonge complètement dans son livre. Je ne l'ai jamais lu, peut-être que je l'essayerai un jour.
Je ne regarde plus le temps passer et je termine les pages que j'ai entre les mains sans me rendre compte de tous les mots que j'ai lu. Lorsque je me lève, la jeune fille de tout à l'heure est toujours placée au même endroit, le regard bien pendu sur les lignes qu'elle lit.
Je sors de la bibliothèque, une idée en tête pour me sortir des prochaines semaines pénibles que mes parents veulent m'imposer. Ça va déjà plusieurs heures que je suis partie, alors je rentre au palais histoire de ne pas inquiéter personne.
Arrivé dans ma chambre, je trouve ma plus jeune sœur Anna qui m'attend couchée sur mon lit. D'ordinaire, elle utilise cette tactique lorsqu'elle a quelque chose à me demander, je me demande bien ce que ça peut être cette fois-ci.
À mon grand étonnement, elle n'est pas venue me voir pour me supplier de lui acheter quelque chose aujourd'hui.
-Olivier, elle commence d'une toute petite voix, est-ce que c'est vrai qu'une autre princesse va venir habiter avec nous?
Je ne m'attendais certainement pas à me faire poser cette question-là, ça c'est sûr, mais en même temps, elle m'ouvre une porte pour parler de mon plan bien ingénieux à elle et Kelly.
-Bien honnêtement c'est possible, je lui annonce en soupirant. Mais j'ai une idée pour que ça n'arrive pas, va chercher Kelly et je vous l'explique.
Un sourire lui fend maintenant le visage et elle court de la pièce pour y revenir une dizaine de minutes plus tard avec sa grande sœur. Je leur dévoile mon idée et on commence ensemble les préparatifs pour la mettre en exécution la soirée du bal.
Je savais que je pouvais compter sur elles, nullement question qu'une autre personne vienne habiter ici avec eux et qu'elle accapare, en plus, l'attention de leur frère.