Période d'essai (Terminé)

By VeroChelius

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De nos jour s pas besoin d'égorger un poulet à minuit à la croisée des chemins pour devenir un musicien de gé... More

II : Je peux te poser une question ?
III : Tu la veux ?

I : Depuis toujours

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By VeroChelius



Cinq heures du matin. C'est l'heure à laquelle je sombre.

Je sais pas pourquoi. Je l'ai jamais su.

Le sommeil me prend à ce moment là. Le temps de fermer la porte et je m'écroule sur mon lit ou sur le canapé. C'est selon cequi me reste de forces.

La guitare à la main.

Toujours.

Il n'y a que sous la douche ou aux chiottes que je la lâche, la guitare. Et encore. Des fois, je la pose même pas pour pisser.


Un jour, je me suis réveillé avec des fragments de mélodie qui tournaient dans ma tête. Il y a toujours des bouts de musique qui me trainent dans le ciboulot. Ceux là étaient du genre... pressants.Assis dans mon lit, j'ai commencé à jouer. Jusqu'à ce que les copains du groupe arrivent. Je tenais un vache de bon morceau. Ils m'ont pas écouté. Ils se moquaient de moi. J'ai compris au bout d'un moment qu'ils riaient parce que j'étais à poil.

Mon groupe : The blues knights (Les chevaliers du blues). On est des français mais on s'est dit qu'un nom anglais, ça sonnerait mieux. Pourquoi les chevaliers ? Parce que je m'appelle Tristan. Oui, comme dans Tristan et Iseut. Et que j'ai créé le groupe avec mon bassiste de voisin et ami d'enfance,Perceval. Ouais, Tristan et Perceval dans le même quartier. Ca s'invente pas. On joue le blues. Du plus lent, du plus larmoyant au plus rock, au plus violent. Mais du blues, toujours.

Dans le groupe, il y a aussi Marc, à la batterie et Nico au chant et à la guitare rythmique. Moi, je m'occupe de la guitare solo. Le grand type qui fait le pitre sur scène avec une guitare noire, c'est moi.

Nous sommes des amateurs. Ce qui veut dire que chacun de nous a son boulot. Marc est comptable, Perceval prépare un master d'anglais et Nico travaille dans une librairie. Ce qui veut dire aussi que nous volons des heures sur notre sommeil, nos week-ends et notre famille,pour ceux qui en ont, pour étouffer dans le garage de Perceval et répéter comme des malades. Et courir le cacheton d'un bout à l'autre de la région en attendant la gloire. C'est notre raison de vivre. Ce qui nous fait vibrer dans la vie.

Je suis le seul musicien professionnel du groupe. Enfin, si on peut parler de profession. Je bosse dans un studio dont les principaux clients sont des agences de publicité et de marketing.J'enregistre, pour l'essentiel, des spots publicitaires pour la radio ou des fonds sonores pour des sites, des magasins. C'est pas ce qu'il y a de plus fun mais il faut bien manger, payer les factures et boire des bières.

A force d'envoyer nos démos aux radios du coin, aux maisons de disques, à force de petits concerts et de festivals nous commençons à être connus. Articles dans la presse locale, fans qui achètent nos disques gravés sur l'ordinateur de Nico, page Facebook avec près de 500 abonnés. C'est un début. On y croit, de toutes nos forces.

Pour ce soir, je suis sur la scène de l'lndian Breakfast, un pub de la région. Chemise en coton et jean, trempés de sueur. Je me déchaîne sur ma guitare, les doigts en feu. Je bouge en cadence.

Dans la salle, j'ai repéré un mec qui a l'air de nous écouter avec le plus grand sérieux. Je l'ai déjà croisé celui-la, dans des festivals, ceux où on joue où ceux où on va, en simple spectateur. A force, j'ai fini par savoir qu'il est un découvreur de talents, pour une maison de disque, Blue Moon, je crois. Il s'appelle Jean-Michel Cardan, où un nom comme ça.

Nous donnons tout ce que nous avons. C'est peut être notre jourde chance, et je m'absorbe tout entier dans la musique. Des commelui, on en a déjà croisé. Souvent ils ont des entrées gratuiteset ne restent pas longtemps. J'essaye de ne pas me faire tropd'illusions. Mais à chaque fois j'y crois. Je sais, je suis tropcrédule. De nous quatre, je dois être celui qui a cru le pluslongtemps au Père Noël.

Pour l'instant je suis dans un solo, pas très dur, mais très démonstratif, je joue la guitare entre les jambes, avec des mouvements de hanches comme si je lui faisais l'amour. Il y a pas mal de filles dans le public, ça les fait hurler. Puis finir, je plaque un gros baiser sur la joue de mon pote le bassiste. Le morceau d'après je joue dos tourné à la scène en tortillant des fesses.Puis allongé sur scène. Je fais quelques pas en duck walk, la marche des canards inventée par Chuck Berry ou je joue avec la langue. A moi seul j'assure le spectacle. Bon, ok, des fois c'est un peu trop, mais j'aime ça, faire l'idiot sur une scène. Et ça nous fait une réputation sympa.

Le concert est fini depuis longtemps. La salle est presque vide.Nico et Marc sont rentrés chez eux. Retrouver femmes et enfants. Unefois le matériel rangé, je vais me fumer une clope dehors. J'avaispensé en profiter pour draguer une des serveuses, mais elle est déjàpartie. Lorsque je reviens dans la salle, je vois Perceval quidiscute ferme avec Cardan. Ma guitare est en bandoulière, elle penddans mon dos.

J'ai le cœur qui cogne comme un fou. Je les regarde un momentpuis je me dirige vers leur table. Tout en marchant je ramène maguitare sur ma poitrine joue un peu, la main crispée sur le manche,comme un talisman.

- Tristan ?

Un type m'accoste. De mon âge. Le cheveux très roux.

- Christophe Dubois, je suis journaliste pour Campus Mag.Je peux vous poser quelques questions ?

Wow ! Une interview ? D'habitude c'est Sire Perceval quiles donne.

Je joue quelques notes légères et ironiques. Le rouquin regardeen direction de mon ami, plongé dans sa discussion avec Cardan.

- Ils ont l'air d'en avoir pour longtemps, dit le rouquin timidement.

- Et toi tu veux rentrer chez toi je parie ?

J'éclate de rire, prends deux bières au bar et entraîne monjournaliste à une table. Un coup d'œil à mon ami, qui écoute, ceque Cardan lui explique. Il me voit. Me fait un clin d'œil. Lesbattements de mon cœur s'accélèrent encore, j'en suis presqueessoufflé. Euphorique. Ça y est, notre chance elle est là. Mesdoigts s'activent comme des fous sur la guitare.

Le rouquin m'explique qu''il est à la fac de journalisme. Lejournal est conçu et édité sur le campus universitaire. Ok, c'estpas encore Le Monde, mais c'est mieux que rien. Après m'avoirfélicité pour mon jeu, ma technique et mon phrasé, le journalisteme demande depuis combien de temps je fais de la guitare. Je jouel'intro d'un de nos morceaux, Prescilia, que Perceval a écritpour une de ses copines.

Je prends le temps de réfléchir à sa question. Aussi loin queje remonte dans mes souvenirs, j'ai toujours fait de la musique.J'avais une guitare d'adulte. Je jouais assis par terre parcequ'elle était trop lourde pour moi. Elle dépassait de partout etj'avais du mal à atteindre certaines notes. Quelques gorgéesde bière et je lance :

- Depuis toujours.

Il rit. Je vois dans ses yeux qu'il me croit pas, mais il al'air de bien s'amuser.

- Tu as appris au Conservatoire où avec un prof particulier ?

- J'ai jamais pris un cours dis-je tout en continuant àjouer.

C'est pas mes vieux qui m'en auraient payés, des cours. Ilsétaient pas méchants mais pour eux, la musique, c'était pasquelque chose de sérieux.

- Tu as du beaucoup travailler ?

- Non. Jamais.

D'accord. Je joue beaucoup. Le plus clair de mon temps, en fait.J'ai jamais joué les morceaux des autres, repiqué des trucs sur lesdisques ou regardé des vidéos pédagogique sur le net. Cam'intéresse pas. J'ai des trucs à dire, je les dis, c'est tout.J'ai pas à me creuser la tête pour savoir comment faire. Croyez-leou non, la technique, c'est un truc inné chez moi. C'est pas pluscompliqué que ça. Je lui improvise un petit solo. Je suis obligéde cogner sur mes cordes, une guitare électrique, sans son ampli, çane sonne pas très fort.

Le type fronce les sourcils. Il éteint le petit enregistreur poséentre nous et me toise avec reproche.

- Ecoute Tristan, je sais que tu aimes faire l'idiot, mais sois unpeu sérieux, tu veux. Je prends des cours de piano depuis quej'ai dix ans, la musique, ça s'apprend. Ça ne viens pas comme ça.

Il claque des doigts. Passablement énervé. Ben si, pour moic'est venu comme ça. Quelque chose me dit qu'il ne faut pas que jecontinue à être franc. Alors j'invente, je me crée vite fait unvoisin âgé et célibataire, ancien guitariste d'un groupe ayant eudu succès dans les années soixante. Je lui invente même un nom :Steve Jackson. Le journaliste a l'air absolument ravi.

J'en rajoute avec quelques anecdotes sur des témoignagesdirects de concerts mythiques genre Woodstock ou Altamont.L'enregistreur va être en surchauffe. Plus je le baratine et plusil a l'air heureux.

Puis le journaliste me demande mes influences. J'en ai pas.J'écoute presque jamais de disques. Je trouve que c'est uneperte de temps. En vrac, je cite Hendricks, Stevie Ray Vaughan, JohnLee Hooker, et Robert Johnson. Tu parles de références, destronches vues dans les journaux spécialisés qui trainent chezPerceval, de vagues trucs entendus chez des copains. Je seraisincapable de citer le moindre titre de l'un d'entre eux. Tout ceque je sais, c'est qu'ils sont tous morts. J'ai oublié de citer lesvivants, tous ceux que j'ai vu en concert, avec Perceval. Mais dansces moments la, j'ai surtout tendance à draguer les minettes quisont côté de moi. Je ne fais pas vraiment attention à ce qui sepasse sur scène.

Puis on parle du groupe, de ses projets, de son avenir. De nosrêves de gloire, qui nous permettraient de lâcher nos boulots pournous consacrer à notre musique, aux tournées. Peut être est-ce dela superstition mais j'ose pas lui dire que Perceval est peut êtreen ce moment même de nous cimenter la première marche, vers notresuccès et notre reconnaissance.

-Tu ne lui as pas sorti tes conneries au moins ? J'ai vuqu'il faisait une drôle de tête tout à l'heure, me ditPerceval alors que le journaliste viens de tourner les talons, suivitde près par l'homme de chez Blue Moon.

Je lui fais mon sourire en coin.

- Juste un peu.

Perceval hausse les épaules et lève les yeux au ciel. Il n'estpas dupe. Peu importe. Ca fera toujours une belle histoire àraconter, pas vrai ? Je me dis que quand nous serons célèbres,ce journal sera un collector très recherché.

- Ça a donné quoi, avec Cardan ?

Le visage de mon ami s'illumine.

- Le groupe a rendez-vous dans les studios de Blue Moon demainaprès midi pour une audition.


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