J'arrivai comme une furie dans le salon, où Adam, le torse bandé, était allongé sur la table. Je m'approchai doucement, récupérant un vieux plaid au passage. Je déposai celui-ci sur Adam, lorsqu'il ouvrit les yeux.
— Depuis quand t'es attentionnée ? Chuchota-t-il.
— Arrête de faire l'idiot, le grondai-je.
— Noa, dit-il plus sérieux. Tu peux t'asseoir cinq minutes ?
— Bien sûr.
Je récupérai une chaise dont le dossier était à moitié cassé. Je me glaçai le derrière en m'asseyant. Puis, je tournai mon visage dans sa direction pour écouter ce qu'il avait à me dire.
— Bon, dit-il. Si je te dis tout ça, c'est parce que je sais que je vais probablement mourir, donc ne te fais pas des idées ma poule.
Je me contentai de soupirer comme réponse.
— Je vais être franc avec toi. Quand je t'ai vu pour la première fois, la première chose que j'ai pensée, c'est que j'te mettrais bien dans mon lit. C'était surtout pour faire enrager Maxime. Alors quand il est allé chercher les pizzas, j'ai joué de mon charme. Mais tu ne semblais pas convaincue. Et j'ai vu au fil des jours que tu n'étais pas intéressée, et ça m'a frustré. D'habitude, les filles tombent sous mon charme tout de suite. Je suis quelqu'un qui aime les défis, tu as dû le remarquer. Et en plus de ça, mes deux potes faisaient des batailles de regards pour toi, ils se défiaient pour savoir qui allait t'avoir. Bref en tout cas je t'apprécie peut-être un peu, donc je voulais m'excuser avant de clapser.
J'avais écouté sans broncher tout ce qu'il avait à dire. Même si certains passages m'irritaient quelque peu. Je pouvais comprendre qu'ils n'avaient pas l'embarras du choix niveau fille, mais je n'étais pas un objet.
— Je vois, dis-je simplement. À mon tour de te parler franchement. Je pense que tu es un petit con qui se croit tout permis, qui croit que tout lui ait dû. La première fois que je t'ai vu, je me suis dit que tu étais complètement fou. Ensuite, que tu étais un parfait connard avec ta boite de nuit bizarre. Et je ne comprends pas ce que tu veux dire quand tu parles de tes deux potes et de leur bataille de re...
— Arrête-toi Tigresse ! Me coupa-t-il. Ne me dit pas que tu ne t'en est pas rendu compte ?
— Mais de quoi ?! M'exclamai-je. J'avais pour priorité de sauver ma sœur !
Il se releva sur un coude, et je m'approchai pour lui faire signe de ne pas bouger.
— Déjà, ce n'est pas ta sœur, t'es consciente qu'en temps normal, tu serais poursuivie pour enlèvement ? Ensuite ne me dit pas que tu t'es pas rendu compte que Sacha en pinçait pour toi ?
Je me relevais irritée par ses paroles.
— On n'est pas en temps normal Adam. Les femmes meurent à cause d'un virus, l'état est corrompu, il y a une guerre civile dehors, elle n'a plus personne.
— Noa, tu me critique sur mes agissements, mais regardes un peu c'que tu fais ! Tu fais espérer un gars, tu enlèves une gamine. T'as cherché à savoir si elle avait de la famille au moins ? Je suis sûre que non.
— Je crois qu'on s'est tout dit. Je suis venue te voir parce que j'avais peur que tu meurs, mais même à deux doigt d'y rester tu restes insupportable.
Je commençais à vouloir partir, vexée, mais il me retint par le bras.
— Attends, désolé...
J'écarquillais les yeux. Le grand Zéro qui s'excusait ? Mais il allait pleuvoir des moutons ! Il remarqua mon expression sur mon visage et il détourna le regard.
— J'avais pas vraiment fini avant que tu me coupe, ajoutai-je. J'allais dire que depuis quelque temps, et notamment depuis le passage de la salle de bains, j'avais changé d'avis sur toi. Tu es tout ce que je déteste chez un homme et pourtant, tu m'intrigues. J'ai l'impression que ce n'est qu'une carapace que tu te donnes...
— J'ai froid, dit-il.
Il jouait aux idiots. A chaque fois que je lui parlais sérieusement, il changeait de sujet.
— Tu veux une couette ? Finis-je par dire.
— Non, aide moi à me lever, je vais aller m'allonger dans un lit, la table n'est pas tiptop.
Je soupirai, et l'aidai à bouger le plus doucement possible. Il ne devait pas faire sauter les points de suture que j'imaginais sous son bandage. Nous grimpâmes les escaliers à une lenteur extrême.
Arrivés en haut, Sacha nous fusilla du regard, mais nous aida néanmoins à bouger le blessé. Elisa nous suivait discrètement, elle croyait que je ne la voyais pas cachée derrière le mur. Nous déposâmes Adam dans le lit de la chambre où je m'étais retranchée un peu plus tôt avec Elisa et Kira.
La petite entra alors, suivit par les garçons. Elle s'approcha d'Adam.
— Tu vas aller dans le paradis ? Demanda-t-elle au bord des larmes.
— Je sais pas, répondit-il sans vraiment faire attention à elle.
— Si tu y vas, tu verras mon papa et la maman de Noa, murmura-t-elle.
Adam tilta et me regarda du coin de l'œil. Puis il regarda Elisa dans les yeux.
— T'inquiète pas choupette, c'est pas aujourd'hui que je vais partir.
— Bon, laissons-le se reposer, nous indiqua Sacha.
Nous sortîmes tous de la pièce et je vis Sacha qui me fit un signe de la tête. J'attrapai Elisa et lui demandai de rester avec Shark et Crash un moment. Je leur faisais confiance et je savais qu'ils s'occuperaient bien d'elle.
Sacha m'emmena dans la pièce adjacente, qui s'avérait être une salle de bains. Pourquoi diable est-ce que j'avais toujours de grandes conversations ici sérieusement ? Il se posa contre le lavabo et croisa les bras, la tête basse.
— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
— Rien de spécial, il m'a dit ce qu'il pensait de moi, et on s'est légèrement enguelés.
Il soupira.
— Je dois t'avouer quelque chose... Adam a changé dernièrement, sûrement à cause d'un pari stupide qu'on avait fait. C'était à celui qui tomberait le premier amoureux de toi, et si c'était le cas, on devait du fric à l'autre.
— Quoi ?! M'énervai-je. Les sentiments, ce n'est pas un jeu Sacha ! Non mais j'hallucine, depuis quand on fait des paris aussi stupides ? On ne joue pas avec l'amour, tu sais au moins ce que ça veut dire tomber amoureux ? Je ne pense pas si tu fais ce genre de jeu.
— Crois-moi, je sais ce que c'est.
— On ne dirait pas, si tu peux faire des paris d'argent comme ça...
— Mais calmes toi, dit-il. C'était pour rire.
— Ça me fait pas rire, imagine que moi je sois vraiment amoureuse de l'un de vous deux, et j'apprends que vous avez joué avec mes sentiments ?!
— Non mais Noa, le pari c'était celui qui tomberait vraiment amoureux de toi, celui qui aurait de vrais sentiments.
— Bien sûr, et qui a gagné l'argent ?
Il baissa la tête et retroussa ses lèvres.
— Franchement, je regrette l'admettre, mais je pense que mon compte en banque va recevoir quelques billets.
Je soupirai. C'était n'importe quoi. Je ne comprenais pas l'intérêt de faire une chose pareille. Et cela voulait dire qu'Adam avait perdu ? N'importe quoi, Adam n'était absolument pas amoureux de moi. J'avais l'impression de me retrouver en primaire, avec des enfants qui prenait ce mot un peu trop à la légère. Des gens qui tombent amoureux en quelques jours, c'était impossible. Je ne croyais plus au coup de foudre depuis longtemps.
— Bref, dès qu'Adam est rétabli, on part en corse. Et je vais être clair, je vais sûrement partir avec Elisa. Nos routes se sépareront certainement.
— Noa, dit-il le regard triste. Pourquoi ?
— Vous n'êtes pas mes amis de base. J'ai besoin de passer à autre chose, d'oublier un peu. Je veux partir sur de nouvelles bases, saines pour Elisa.
Il fronça les sourcils.
— Et Adam ? T'as écouté ce que je t'ai dit ?
Je secouais la tête.
— Quoi Adam ? Il s'en remettra, apparemment les filles tombent comme des mouches autour de lui. On sait tous les deux que ce n'est pas quelqu'un de fréquentable. Et je n'en suis qu'une parmi tant d'autres, il ne m'accorde pas tant d'importance que ça...
Il leva les sourcils, les lèvres retroussées et les yeux clos. Puis, Sacha se releva et s'apprêta à sortir, il se tourna au dernier moment.
— Ça, c'est ce que tu crois...