Sous le sable, le bonheur

Av Cristeld33

37.5K 1.9K 130

Khalid a tenu sa promesse et a épousé Julie. Mais cette jeune femme que l'on lui avait décrite comme terne et... Mer

Prologue
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9

Chapitre 1

5.5K 293 11
Av Cristeld33


Dans ce jet qui me mène à Louxor, je ne sais que penser !

Je suis mariée !

La cérémonie a été rapide et réduite au minimum. Pas de fête, pas de robe, rien... expédiée sans paquet cadeau. Un morceau de papier signé, et un échange d'alliance.

Et paf, je m'envole vers mon nouveau destin.

Débarrassé d'un objet gênant.

J'ai cru comprendre que cette façon de faire les choses n'avait pas été du goût de ma belle famille qui aurait préféré au moins quelque chose de familial, et qui aurait voulu repousser le mariage pour que leur fils aîné et son épouse soient présents. Mais ils n'avaient pas eu leur mot à dire. De plus, j'avais aussi entendu des mots très durs au sujet de l'épouse de Kassem française et enseignante. Pour ma part je me rappelais une jeune femme jolie et aimable, très différente de la femme veule dont on dressait le portrait.

Les Ben Hamansin avaient conservé une grande politesse. Pourtant à voir la tête de l'oncle de mon époux, le chef de cette famille, il était de très mauvaise humeur, néanmoins envers moi à chaque fois qu'il m'adressait la parole, c'était toujours avec gentillesse.

Rahma n'avait vraiment pas apprécié, mais si elle n'avait rien pu dire, la froideur avec laquelle elle avait répondu à mon beau-père était révélatrice de ses sentiments.

Khalid avait été tel que je l'avais vu la première fois. Aussi gentil et prévenant. Lorsqu'il avait passé l'alliance à mon doigt, il m'avait souri gentiment.

Et il en avait été de même au Caire où nous avions passé une nuit dans la maison qu'il possédait, dont je n'avais pas vu grand-chose, car j'étais épuisée après toutes ces nuits blanches à penser à cette future nouvelle vie, et après tant d'émotion. Je n'avais même pas fini le repas que l'on m'avait apporté dans cette chambre aux coloris rose pâle et écru. J'y avais dormi seule ne sachant que penser de ce refus émanant de mon mari. Il y avait ensuite eu ce nouveau voyage en avion.

Je soupire, et pose ma tête contre le dossier.

― Tout va bien ?

Je me tourne vers la voix de ma belle-mère. Cette femme était vraiment adorable ! J'avais aussi compris qu'elle avait eu droit à un mariage similaire, mais manifestement cela avait abouti à une union réussie. C'est pour cela qu'elle était aussi compréhensive à mon égard.

― Oui, murmuré-je.

― Nous sommes bientôt arrivés. Tu pourras te reposer.

Elle avait opté directement pour le tutoiement à mon égard, souhaitant ici me donne une place dans cette famille. Et les deux sœurs de Khalid avaient vite fait de même. Elles étaient si vives ! Mon beau-père avait été choqué par leur comportement gai et turbulent qu'il avait jugé malséant. Pour moi elles étaient juste jeunes, et elles s'étaient vite calmées rien qu'à un regard de leur père. Pendant le voyage de retour elles étaient redevenues fidèles à elles-mêmes, toutefois comprenant ma lassitude, elles m'avaient laissée tranquille sur quelques mots plein de gentillesse.

Oh ! Ce n'était pas mon premier vol en jet, mais cette fois-ci c'était différent : j'allais vivre avec un homme que je ne connaissais pas, ou si peu, et dans un pays totalement inconnu, ne pouvant pas considérer que ma rencontre lors du mariage de Kassem m'en avait donné une connaissance précise.

À Louxor notre groupe se partage en trois : Sharif et son épouse partent dans un gros 4X4, mon beau-père et sa famille dans une limousine, alors que mon mari me guide vers un taxi, m'expliquant qu'ils ont des achats à faire dans la ville, mais je comprends qu'ils souhaitent également nous laisser seuls.

Et nous partons. Tous les deux ensemble pour la première fois.

En silence nous traversons la ville puis nous prenons une rue qui mène vers le désert. Les demeures qui nous entourent sont assez luxueuses. Et la voiture ralentit à l'abord d'un haut mur percé de moucharabiehs.

Comme Khalid m'avait expliqué que nous vivrions dans son appartement pendant le voyage , je suis assez surprise lorsque nous passons sous une arcade pour nous approcher d'un groupe de bâtiments très anciens, ocre pour certains, qui pour moi doit être la résidence, ou plutôt le palais de son père.

― Où allons-nous ?

― Chez mon père.

― Vous avez parlé d'un appartement !

― Tu as parlé... Il sera plus simple de nous tutoyer. Le vouvoiement me paraît un peu... obsolète dans un couple. Avec mon frère nous avons décidé, il y a quelques années, de transformer l'ancien harem, qui ne servait plus à rien depuis fort longtemps, en trois appartements. Nous occupons chaque côté et celui du milieu est réservé aux invités, ou à notre cousin.

― L'ancien harem !

― Oui, mon arrière-grand père ne l'utilisait déjà plus. Donc comme cela faisait un certain nombre d'années qu'il ne servait plus à rien, nous en avons fait notre lieu de vie. Kassem partage sa vie entre le désert, où il possède une oasis, et ici. Pour ma part, je possède aussi l'appartement du Caire dans lequel nous avons fugacement résidé hier soir. Nous y reviendrons la semaine prochaine, et tu pourras ainsi le découvrir plus amplement. Nous avions aussi envie de laisser notre père tranquille au palais, et puis nos petites sœurs sont adorables, mais parfois envahissante. Elles viennent nous voir, mais ici elles frappent !

― Je vois.

― Enfin, nous ne resterons que peu de temps au Caire. Les prochains mois j'ai des affaires à régler avec mon père.

― Pourquoi ?

― Mon père commence à partager ses biens. Alors nous devons régler cela avec mon frère. Sans compter qu'il faut que nous gérions aussi les parts que vont recevoir nos sœurs.

― Elles vont recevoir des parts ?

― Bien sûr ! Jihane sera majeure l'année prochaine. Et cela leur permettra aussi une indépendance financière lorsqu'elles se marieront. Leurs maris n'auront aucun droit dessus. Mon oncle a fait la même chose avec mes cousines.

La voiture s'arrête dans un immense garage où beaucoup de véhicules de toute sorte se trouvent. Avec surprise j'en aperçois une très différente de par sa taille et sa simplicité. Bleu marine et de marque française.

Comme il remarque que je m'attarde un moment dessus, il me demande :

― Qu'y a-t-il ?

― Rien, je me demandais juste à qui appartenait cette voiture, car elle est...

―... plus petite que les autres, c'est cela ?

Son ton est assez amusé lorsqu'il énonce cette question.

Je hoche la tête.

― C'est celle d'Annie. Kassem la lui a offerte avant le mariage. Il savait qu'elle ne voudrait pas d'une plus sportive.

― Ah, d'accord !

― D'ailleurs tu as le permis ?

― Non, mon beau-père n'a jamais voulu. Mais j'ai parfois conduis un peu, en cachette.

― Tu pourrais peut-être le passer ?

― Ce serait possible ?

― Oui, même si Djamel et Mourad, nos deux chauffeurs sont à ta disposition, ainsi que moi-même. Toutefois tu apprécierais peut-être de pouvoir de déplacer à ta convenance. Enfin, tu décideras si tu veux le faire. Cela ne s'apprend pas en un jour !

Nous traversons une grande cour grouillante de vie pour arriver devant un bâtiment assez ancien d'aspect, même si les ouvertures y sont récentes, ainsi que la porte devant laquelle nous nous arrêtons. L'homme, qui portait nos bagages, ouvre, et nous laisse passer, puis il se dirige dans un couloir. Lorsqu'il revient vers nous il s'incline devant mon époux qui le remercie. Khalid ferme la porte derrière nous.

Je regarde autour de moi.

Si le palais de son père est très grand, ici ce n'est pas le cas. Les carreaux d'époque ont été conservés, ainsi que les petites ouvertures et les moucharabieh donnant sur la rue, mais Khalid a opté pour un ameublement moderne et assez simple. Un ancien harem ! Cela me laisse encore pantoise, mais il est aussi assez rassurant sur la façon dont cette famille considère le mariage. Et cela ôte une part de mes craintes.

Je me sens de suite à l'aise. Il y a une grande pièce centrale, avec dans un coin un bureau et dans un autre un réfrigérateur sous une petite étagère pourvue d'une cafetière, d'une bouilloire et d'un service à thé, et je peux distinguer derrière un rideau pourpre entrouvert un long couloir avec des portes. Une main se pose dans mon dos, je tâche de ne pas réagir trop violemment.

— Je te conduis à la chambre afin que tu puisses te rafraîchir si tu le souhaite. Puis nous dînerons.

Il me guide vers la chambre, ensuite devant la porte il s'efface pour me laisser passer :

― À tout de suite !

La chambre est spacieuse et assez moderne, même si la table en cuivre, les rideaux chamarrés et les fenêtres à croisillons donnent une touche orientale. Il y a une odeur musquée agréable qui se dégage de ce lieu que je reconnais comme étant le parfum de mon époux. Le carrelage, avec ses arabesques qui s'entrelacent à des motifs géométriques, doit être d'origine, et quelques carreaux se retrouvent aussi sur les murs de la salle de bains, sans doute ceux encore intacts. Par contre le bassin qui se retrouve contre un côté devait déjà servir à l'époque, étant donné que marbre est visiblement ancien. La robinetterie est par contre très moderne, ainsi que le lavabo et la douche bleus qui sont placés à l'autre extrémité.

Je prends une douche rapide qui m'aide à me délasser, veillant à ne pas rester trop longtemps dessous, ne souhaitant pas faire attendre plus que nécessaire mon mari. La serviette bleue dont je m'enveloppe à la sortie est douce sur ma peau. Je m'assois sur un petit tabouret de bois, et respire doucement, l'appréhension au ventre, réalisant que je me trouve seule avec un homme que je ne connais pas, ou si peu, et qui a le droit ici de faire de moi ce qu'il veut. Je tente de me rassurer en me disant que jusqu'à maintenant Khalid a toujours adopté un bon comportement à mon égard.

Puis je rejoins Khalid qui s'est changé pour adopter une tenue plus traditionnelle. Pour ma part j'ai opté pour une robe occidentale que je m'étais achetée sur un coup de cœur. À l'encolure sage, elle possède une ligne fluide qui pour moi met en valeur ma silhouette, avec sa couleur rose pâle. Manifestement mon époux approuve mon choix, car le regard qu'il pose sur moi est admiratif, mais loin d'être libidineux, et inexplicablement j'en suis heureuse.

Sur la petite table qui se trouve devant le canapé en L, du même coloris pourpre que le rideau de séparation, je peux voir que le repas a été apporté. Et nous dînons tranquillement, Khalid me parlant de cette demeure qui a plus de cinq siècles, et qui a toujours appartenu à leur famille :

― J'y ai passé mon enfance avec mon demi-frère.

― Demi-frère ?

― Oui, Kassem.

― C'est ton demi-frère ?

― Mon père s'est marié deux fois. Sa première épouse était la mère de Kassem. Mais ils ne s'entendaient plus, ils ont divorcé. Et père s'est uni à ma mère.

― J'ai cru comprendre que ce deuxième mariage avait été... enfin...

Le mot a vraiment du mal à sortir de ma bouche.

― Arrangé ? Oui.

― Ah !

― Et maintenant ils sont inséparables.

Il prend ma main :

― J'espère que cela nous arrivera.

Je ne peux que hocher la tête, remplie d'émotions diverses.

Lorsque nous finissons, je m'aperçois qu'il est déjà assez tard, et la fatigue m'étreint. Lorsque mon mari me propose d'aller dormir, j'accepte. La journée a été suffisamment difficile.

Ce n'est qu'une fois rentrée dans la chambre que ce qu'il va se passer ce soir m'arrive à l'esprit comme une fulgurance. Mais j'essaye de ne rien révéler face à mon mari. Celui-ci va tranquillement prendre une douche.

Pendant son absence je regarde un long moment ce grand lit. Et finalement je m'assois au bord.

L'appréhension au ventre. J'ai entendu tant de choses. J'ai cru comprendre que Khalid n'est pas un homme méchant. J'ai aussi pu observer l'attitude de Kassem envers son épouse.

Mais là nous sommes devant le fait accompli. Qu'attend-il de moi ?

Le jet de la douche s'arrête, et Khalid sort, enveloppé dans un peignoir vert olive.

― Tout va bien ?

Je ne peux que secouer la tête.

Il s'agenouille devant moi, puis pose sa main sur une des miennes :

― Julie, écoute-moi. Et surtout regarde-moi.

Je lève les yeux vers lui.

― Nous sommes mariés, mais nous avons le temps de nous connaître, avant de... Enfin, nous allons dormir ensemble, car c'est aussi un moyen d'apprendre des choses l'un sur l'autre. Mais ce sera tout pour le moment. Je ferai tout pour que tu ne sois pas malheureuse, mais pour cela, il faut aussi je te découvre, que je sache ce que tu aimes... J'ai l'impression que ce que l'on m'a dit à ton sujet n'est pas tout à fait vrai.

― Comment cela ?

― On m'a affirmé que l'on souhaitait ce mariage parce que ton comportement était trop occidental ! Et comme tu n'avais plus de famille paternelle pour te prendre en charge, ils pensaient que ce mariage t'assagirait. Enfin, c'est ce que mon père a compris sur des allusions.

― Je ne suis que sa belle-fille. Et de toute façon, j'ai été en pension jusqu'à mes dix-huit ans. Mohammed n'a jamais cherché à me connaître, et les trois dernières années, j'ai toujours vécu en retrait. Je ne me suis jamais considérée comme arabe. Mon père était français.

― Je sais, tu l'a perdu assez jeune ?

― J'avais dix ans quand il a eu un accident. Puis ma mère a épousé Mohammed. Et notre vie a changé, surtout après la naissance de mes trois petits frères. Je ne préfère pas te cacher que j'ai toujours eu du mal à me plier à ses exigences, et j'ai toujours souhaité rester moi-même. J'ai un grand regret : celui ne de pas avoir pu faire d'études.

Il hausse un sourcil.

― On m'a dit que tu n'avais pas souhaité en poursuivre.

― Je voulais faire des études en histoire de l'art, mais cela n'a pas plu, alors on m'a tout fait arrêté.

― Eh bien !

― Je suis une femme...

― Tu sais, mon oncle Sharif a accepté que ma tante fasse des études d'économies qu'elle a toujours voulues, et à l'époque elle était enceinte de ma première cousine.

― Quoi ?

― Et oui ! Elle aimait cela, et elle avait envie d'aider son mari dans ses affaires. Alors, pourquoi pas !

― Mais en histoire de l'art, ce n'est pas sérieux ! Et cela n'a aucune utilité.

― Kassem a épousé une enseignante en littérature classique, et elle travaille à l'université du Caire, elle pourra peut-être se renseigner.

― Je ne sais pas...

Il sourit :

― Il est vrai que ce n'est pas une discussion pour une nuit de noces.

J'esquisse un sourire à mon tour :

― Non, en effet.

― Allez va te préparer. Et tout se passera tranquillement. Le voyage a été long, et la journée chargée d'émotion. Une bonne nuit de sommeil sera agréable aussi bien à toi, qu'à moi.

Je pars dans la salle de bains, encore surprise par sa proposition : il me sera possible de faire des études. Depuis le temps que j'ai envie d'en entreprendre. Je passe sous la douche, songeuse, puis je m'habille d'une chemise de nuit en coton longue qui m'appartient. Le trousseau que ma mère m'a constitué ne me plaît pas. Trop luxueux, et surtout les robes et autres jupes me vieillissent considérablement. Elle les a choisies avec l'idée que cela appuierait mon statut de femme mariée, sauf qu'à vingt-deux ans je souhaite porter autre chose de plus agréable. Et je me sens plus à l'aise ainsi. Je respire doucement et je sors.

Khalid est allongé dans le lit.

Torse nu.

Je ne peux le nier. Mon mari est trop beau.

Mais je ne le connais pas encore assez.

Je me dirige vers le lit qu'il ouvre avec un sourire gentil.

C'est étrange, je ne redoute rien de sa part. J'ai confiance.

Apprendre à se connaître, je suis assez partante !

Je me glisse sous la couverture qui retombe sur moi avec douceur.

― Je te souhaite une bonne nuit.

Il avance sa main vers moi pour doucement toucher ma joue. Je ne peux m'empêcher d'avoir un mouvement de recul, mais il ne se départit pas de son sourire. Toutefois il ramène sa main vers lui, se renfonce sous les couvertures. Regrettant d'avoir agi ainsi, je lui souhaite à mon tour bonne nuit dans un murmure, éteignant la lumière.

Plongée dans le noir, j'écoute son souffle.

Il est régulier.

Khalid tient sa promesse : il ne tente rien.

Alors, gagnée par la fatigue, progressivement je m'endors.





Fortsett å les

You'll Also Like

77.5K 3.8K 74
Aujourd'hui à Londres. La peur envahissait mon corps, celui qui m'avait kidnappé se trouvait maintenant face à moi. Ses yeux noirs ne me lâchaient pa...
43.8M 600K 83
« Y'a eu des bons moments mais beaucoup moins qu'ceux noirs » Chronique réelle avec des passages fictifs.
63.9K 4.4K 48
608K 13K 60
« 𝐈𝐥 𝐲 𝐚𝐮𝐫𝐚 𝐭𝐨𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐬 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐥𝐮𝐦𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐞́𝐜𝐫𝐢𝐫𝐞 𝐥𝐞 𝐟𝐮𝐭𝐮𝐫, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐝𝐞 𝐠𝐨𝐦𝐦𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐞𝐟𝐟𝐚...