Le lendemain matin, Sacha vint me réveiller avec une tasse de chocolat chaud à la main. Je bus le liquide encore fumant, tout en me réveillant lentement. J'avais les jambes au chaud sous la couette, et je n'avais pas réellement envie de bouger. Mais je savais qu'il le fallait. C'était aujourd'hui que j'allais peut-être découvrir la vérité sur Heaven, et trouver un moyen de récupérer Elisa.
Bien déterminée à les faire tomber, je me levai d'un bon. Non sans mal, je m'habillai, encore la tête dans les vapes. Une fois prête, je rejoignis Sacha. Il m'attendait dans le salon, assis sur le dossier du canapé. En me voyant, il enfila sa veste à capuche et m'invita à sortir. Pourquoi porter une capuche à l'intérieur ? Pour se donner un air mystérieux ? Je soupirai.
Nous traversâmes les couloirs frais et déserts. Il était encore tôt ce matin-là. Tout en baillant, je suivais mon guide. J'avais pris seulement un t-shirt et j'avais un peu froid, surtout lorsque nous traversâmes la salle des centrales. Je ne m'attardai pas dans la pièce et entrai rapidement dans le bureau d'Adam. Je découvris Maxime allongé sur le canapé, encore endormi. Adam quant à lui, était devant son ordinateur. Il aspirait un liquide au travers d'une paille, dans un grand gobelet noir, provoquant un bruit désagréable. Sacha s'approcha de lui, et tapota son épaule. Adam se tourna vers nous, et je pu observer deux halos violets entourer ses yeux rouges. Il n'avait probablement pas dormi de la nuit. Son regard malicieux en disait long, il avait découvert quelque chose.
Il alluma l'écran géant, ce qui illumina toute la pièce, mais ne réveilla pas pour autant Maxime. Adam afficha ce qu'il y avait sur l'écran de son ordinateur : des vidéos, des dossiers, des photos, des articles, tout un tas d'informations mélangées. Puis il nous demanda de nous asseoir. Nous nous exécutâmes rapidement.
— Bon, alors Maxime m'a assez cassé les pieds hier pour que je me bouge, donc je n'ai pas chômé.
— Tu as trouvé quelque chose d'intéressant ? Demandais-je curieuse.
— Si tu savais... marmonna-t-il. Bon, allons-y, j'ai pas mal de choses à vous dire.
— On t'écoute, répondit Sacha.
Adam s'assit en tailleur sur sa chaise de bureau, face à nous.
— Hier soir, avec Shark on a décidé qu'avant de nous lancer, il fallait qu'on étudie tout ce qu'on avait déjà. Alors on a épluché la clé USB de cette femme. Une mine d'or !
— Sérieux ? Demandai-je surprise. Je n'avais rien trouvé de spécial...
— Parce que tu n'avais pas bien cherché, me reprocha-t-il. Cette femme était plus douée que tu le pensais. Elle a caché tout un tas de dossiers sur cette clé. On s'en est rendu compte parce que l'espace de stockage était presque plein, alors que seulement deux vidéos apparaissaient.
— Et du coup, vous avez trouvé quoi ?
— Principalement des vidéos de surveillances et des mails. On a du tout visionner, je peux vous dire que c'était long, Shark vient juste d'aller se coucher.
Adam se retourna et afficha un dossier sur l'écran géant. On y voyait la miniature de plusieurs vidéos, il y en avait peut-être une centaine.
— Je vais pas tout vous montrer, continua Adam. J'ai fait une sélection de vidéos pertinentes, vous pourrez les voir tout à l'heure si vous le souhaitez. Bref, on a dû faire des schémas et écrire pas mal de choses pour nous y retrouver. Mais on a peut-être une bonne piste, avec preuves à l'appui évidemment, de ce qu'il se passe réellement là-bas.
Je sautillais sur ma chaise. Je n'en pouvais plus, il tournait autour du pot.
— Bon, alors, accouche ! Crié-je.
J'avais réveillé Maxime qui bougea sur le canapé, mais ne se leva pas néanmoins.
— Ok, répondit Adam. Alors voilà ce qu'on pense : lorsque le virus est apparu, les gouvernements ont mis en place Heaven. Soi-disant, ce bâtiment permettait de mettre toutes les femmes en sécurité, le temps de trouver un remède au virus.
— Ouais on connait la chanson, railla Sacha. On a assez vu de pub à la télé.
Adam hocha la tête, et continua.
— À partir de là, personne n'en savait plus. Sauf que nous sommes tombés sur un mail de la femme, expliquant qu'elle était reconnaissante du poste qu'on lui offrait, je sais pas quoi. Et on a trouvé des mails qu'elle échangeait avec le fameux Alex. Cela nous a permis de comprendre le rôle de Nathalia.
— Et quel était-il ce rôle ? Demandai-je.
— Apparemment, m'expliqua Adam, elle a falsifié ses résultats sanguins pour faire croire qu'elle était stérile. De cette manière, elle pouvait rentrer chez elle après le travail, puisqu'elle était d'aucune utilité pour la procréation. Donc je pense que les femmes stériles ou qui ne peuvent plus avoir d'enfants sont employées dans ce bâtiment. Cela coïnciderait avec ce qu'on voit sur les vidéos.
— Je vois, dit Sacha. Ça parait logique en effet, c'est très possible que tu aies juste.
— Oui, dis-je. Continu.
— Bien, dit-il en se tortillant sur sa chaise. Ensuite, on sait que Nathalia travaillait dans une sorte de laboratoire. C'est sûrement là qu'elle a découvert l'antidote, grâce au matériel qu'Alex lui aurait fourni. Venons-en maintenant au plus horrible.
J'avais peur, peur de ce que j'allais découvrir.
— Le bâtiment classe les femmes, dit-il d'un air dépité, en fonction de leurs âges. Les enfants ensemble, les ados, les femmes qui ont la trentaine, etc... Ensuite, on a remarqué qu'ils mettent enceinte les femmes dès qu'elles peuvent procréer. Les vidéos étaient atroces à regarder. Ils font ça avec la PMA. Ensuite, les enfants nées de ces femmes leur sont enlevées dès la naissance. Si ce sont des filles, elles sont envoyées dans un endroit du bâtiment, si ce sont des garçons, ils vont ailleurs.
— Oui, ce dernier point Nathalia l'avait mentionné dans la vidéo, dis-je. Ils séparent les filles des garçons.
— Certes, répondit Zéro. Mais ce qu'elle n'a pas dit, c'est que toutes les filles de moins de dix ans, je pense, approximativement, sont envoyé dans des classes. On a vu des vidéos avec des bureaux, des tableaux, des profs. Ils apprennent des choses complètement fausses aux gosses là-bas. Que plus tard, elles doivent avoir autant d'enfants que possible, etc. Enfin, je vous laisse imaginer l'horreur. On a aussi vu des classes avec des garçons, mais ils semblaient être d'âge différents. Ca devait aller de cinq à douze ans je dirais.
— Des garçons ? Répéta Sacha. Comment ça se fait ?
Adam haussa les épaules.
— Peut-être que ce sont les enfants des femmes qui ont été emmenée ? Et qui n'avaient nulle part où aller ?
— Peut-être, répondit-il.
J'étais perdue dans mes pensées. Elisa était là-bas, ils allaient lui bourrer le crâne de choses stupides et fausses. Le monde devait savoir ce que cette organisation était vraiment.
— Mais le pire ce n'est pas ça, renchérit Adam. Vous vous souvenez de Robert ?
Nous hochâmes la tête.
— Ils s'échangeaient des mails avec Nathalia. Elle lui a tout raconté, sauf pour sa fille. Leur conversation ressemblait plus à celle d'un patron et son employé. Nathalia lui a dit qu'elle avait attrapé le virus, et il l'a congédié chez elle. Plus tard, elle a renvoyé un mail pour lui dire qu'elle avait trouvé un antidote. Et Robert a répondu que c'était fantastique et qu'il allait lui envoyer deux hommes pour le récupérer.
— C'est ces hommes qui ont tué Nathalia n'est-ce pas ?
— J'en ai bien peur, me répondis Adam. On a regardé les dates, cela correspond. Vous ne devinez jamais qui est réellement Robert.
Je regardais Adam, il se tortillais dans tous les sens, surexcité. J'attendais la réponse avec impatiente.
— C'est le dirigeant d'Heaven, son PDG, intervint une voix derrière nous.
C'était Maxime qui avait parlé. Cette déclaration mettait un point final à notre hypothèse : HEAVEN ne voulait pas trouver de remède. Pour quelle raison, on ne le savait pas, mais tout ceci était suffisant pour créer une révolution. Tous ces hommes dehors, qui attendaient le retour de leurs êtres aimés, filles, mères, sœurs... Je venais de prendre une décision qui allait changer tout le dénouement de cette histoire folle. J'allais libérer non seulement ma Elisa, mais aussi toutes ces femmes, et peut-être répandre le remède. J'espérais simplement que les autres pays n'étaient pas des menteurs comme le nôtre, que leurs Heaven à eux cherchait vraiment une solution. Et surtout qu'ils comprendraient notre décision de réduire à Néant cette organisation.
— Noa, me demanda Adam. J'aurais besoin de toi.
Je le regardai, intriguée, que voulait-il de moi ?
— Pourquoi faire ?
— J'ai eu une idée. Nous allons faire une vidéo où tu parleras, et où tu expliqueras ce qui se passe, avec les vidéos de Nathalia en fond. Avec le groupe, on se chargera de la sous-titrer en plusieurs langues, et nous la diffuserons sur le net.
C'était une idée plutôt bonne. Mais c'était à double tranchant.
— Très bien, accepté-je. Mais d'abord on doit trouver un plan pour sauver ma sœur et ses femmes.
— Noa à raison, m'appuya Sacha. La priorité c'est la petite, et après on fera tout exploser.
Adam se leva devant tout le monde, fière comme un coq.
— Nous sauverons ces femmes, et cette vidéo sera comme une bombe qui fera tout voler en éclats.