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By jeanmaridor

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By jeanmaridor


Il se cogne aux angles des murs et scrute le moindre liseré de lumière sous les multiples portes des archives. Enfin, tout au bout d'un couloir, il aperçoit l'entrée d'un local de service. Une lueur claire et jaunâtre brille sur le seuil. Il pique un dernier sprint, dégaine haletant son revolver. Il ouvre violemment la porte d'un coup de pied. Une chaise placée juste derrière s'écrase contre une étagère métallique. Des produits d'entretien se déversent sur le sol.

Une scène dantesque s'offre à la vue de Ripper.

La première chose qu'il voit est le large et puissant dos de Bullit occupant la quasi-totalité de son champ de vision, tant la pièce est exigu. Puis Bullit se tourne et Ripper découvre alors Mallone et Finney en bras de chemise, dégoulinant de sueur et encadrant une forme sombre sur une chaise, un fantôme d'homme.

Les jambes d'Allistair sont ligotées aux pieds de sa chaise par du fil de fer. Son jean est maintenant sombre et collant. Le genou droit est littéralement réduit à l'état de bouillie. Une balle de gros calibre tirée presque à bout portant a déchiqueté les chairs et pulvérisé les os. Le sang s'épanche régulièrement, s'écoule le long de la jambe agitée de tremblements et disparait dans une grille d'entretien. Le tee shirt déchiré du militaire dégage un torse, couvert d'ecchymoses, qui se soulève et s'abaisse frénétiquement.

Le visage d'Allistair est invisible, dissimulé par une poche en plastique noir qui adhère aux parties saillantes et dessine un masque de souffrance ponctué de petits trous circulaires.

Cette forme humaine émet un son, un bruit effrayant, grave et caverneux. C'est une seule note, comme un jappement monocorde seulement rythmé par des spasmes de respiration. Comme un animal touché à mort.

Bullit se redresse et fait face à Ripper à quelques centimètres seulement du canon de son arme. La sienne repose tranquillement dans son étui. Il met ses pouces dans ceinture et le toise d'un air amusé.

– Ripper, vous me surprenez ! Quel bon vent vous amène ? Vous voulez vous perfectionner en technique d'interrogatoire ?

– Taisez-vous brute épaisse, répond sèchement Ripper en s'écartant de son collègue, la seule chose que vous allez réussir à faire c'est à tous nous faire tuer. Rangez-vous contre le mur avec vos deux acolytes et dépêchez-vous, ordonne-t-il. J'espère qu'il n'est pas trop tard.

Finney et Mallone s'exécutent, surpris de trouver une telle autorité derrière tant de froideur et de timidité. L'apparence de Ripper ne cadre pas non plus avec l'image habituelle qu'ils ont de lui. Transpirant, tentant de retrouver le contrôle de sa respiration, en chemisette et cravate débraillées, Douglas Ripper n'affiche pas la raideur légendaire et la mise impeccable qui font sa réputation.

– Vous aussi, obéissez ! répète-t-il à Bullit.

Celui-ci s'exécute après un temps d'arrêt.

– Vous Finney, prenez l'émetteur de Bullit et contactez immédiatement l'agent MacFerson sur la fréquence d'urgence. Dites-lui où nous nous trouvons et qu'il nous rejoigne le plus rapidement possible.

Finney s'exécute. Il pousse l'émetteur à son maximum et appelle à plusieurs reprises MacFerson. A la deuxième tentative, il répond :

– Finney ? C'est MacFerson qu'est-ce que tu me veux ?

– Je suis avec monsieur Ripper et il te demande de nous rejoindre au troisième sous-sol, au local de service du bloc B. Mission urgente.

Il y a quelques secondes de silence puis le haut-parleur crachote :

– Qu'est ce qui me prouve que c'est pas encore un coup tordu de Bullit ? Passe-moi monsieur Ripper.

Finney tend le talkie-walkie à Ripper qui s'en saisit rapidement.

– Allô MacFerson, ici Ripper. Message confirmé, retrouvez moi à l'endroit précisé le plus rapidement possible. Avez-vous ce que je vous ai demandé ?

– Affirmatif, j'arrive, je suis là dans moins de dix minutes.

La liaison est coupée.

– Qu'est ce tu viens nous emmerdez Ripper ? Ta croisade pour les droits civiques va coûter la vie à des centaines d'innocents dans moins de cinq minutes. Tu nous fais perdre un temps précieux.

Puis après un silence il ajoute :

– Si ces bombes pètent, même avec ton flingue tu pourras pas m'empêcher de faire la peau de ce salop.

Ripper le regarde méprisant puis lui lance le papier transparent qu'il tient toujours dans sa main gauche. Il est maintenant au côté d'Allistair.

– Qu'est-ce que c'est ? demande Bullit. Un mandat d'arrestation ? dit-il en ricanant.

– Ramassez-le et voyez par vous-même.

Bullit se penche sans quitter des yeux Ripper.

– Une radio des poumons ? Tu viens m'annoncer que ma compagnie t'as collé un cancer ? Ce serait la première bonne nouvelle de la journée : « le tabagisme passif tue un officier du FBI ! Vive le cancer ».

– Cette radio était dans le dossier médical de l'agent Garrett que l'agent spécial MacFerson est allé chercher à l'hôpital selon vos ordres...

Disant cela Ripper tente fébrilement d'ôter la cagoule d'Allistair. Mais au niveau du cou un adhésif empêche toute manipulation.

– Heureux de l'apprendre, au moins il ne s'est pas trompé de rue semble-t-il, ricane Bullit.

– ...mais le docteur de Garrett était absent, aussi c'est une infirmière qui lui a donné ce dossier.

– Et alors ?

Ripper s'énerve, incapable de défaire le ruban.

– Mallone ! Déchirez-moi cette merde et magnez-vous le cul, rugit-il. Et alors ? L'infirmière a mis dans le dossier tous les résultats des examens pratiqués une demie heure auparavant quand Finney et Mallone ont amené Garrett inconscient aux urgences. Mais Garrett n'était pas le seul aux urgences à ce moment-là, n'est-ce pas Finney ?

Celui-ci hésite, il ne comprend pas plus que Mallone et Bullit où Ripper veut en venir.

– Pourtant oui monsieur Ripper, on a dégagé tout le monde dès qu'on est arrivé et le toubib s'est occupé en priorité de nous. Même qu'il a insisté pour examiner Allistair parce qu'il était soi-disant salement amoché...

– Non de Dieu ! dit soudainement Bullit.

Il regarde le nom inscrit au stylo indélébile au bas de la radiographie : « Benjamin Allistair ». Il la soulève face à l'ampoule. Devant lui, apparaît une cage thoracique en négatif. Deux des côtes dans la partie basse du sternum sont cassées. Mais ce qui retient aussitôt l'attention de Bullit c'est l'image de l'estomac. Celui-ci n'est pas totalement représenté, mais Allistair s'est affaissé au moment de la radio et le radiologue a dû cadrer bas.

Très pâles, mais néanmoins nettement visibles, une trentaine de petites sphères se dessinent sur l'image. Au sein de chacune d'entre elles on peut clairement apercevoir de petites formes métalliques, comme des capsules oblongues : les détonateurs électroniques.

– Qu'est-ce que c'est cette merde ? dit alors Mallone.

Ripper, Bullit et Finney se retournent vers Allistair. Une purée verdâtre s'écoule de l'orifice pratiqué en face de ses narines et suinte également de la poche au niveau du cou.

– Salopard ! rugit Bullit en arrachant le sac poubelle d'un coup sec et en dévoilant le visage d'Allistair.

Il est méconnaissable. Son arcade dissimule maintenant totalement son œil droit. Sa peau tuméfiée et boursouflée fait de lui une vivante image de la souffrance. Son œil gauche reflète un regard fou, perdu dans le vague. Il est à demi inconscient. Il vomit par hoquet une bave verte, mélange de T-1O et de sucs gastriques.

Bullit prend la montre d'Allistair et lui agite devant le visage.

– Il nous reste sept minutes, on t'a baisé connard, tu m'entends ? On t'a baisé.

– Vous devrez vous aussi rendre des comptes Bullit. Vous êtes en état d'arrestation pour entrave à la bonne marche de la justice ;  coups et blessures volontaires à un témoin capital ; tortures et actes de barbaries ...etc. J'en passe et des meilleures. En attendant, soulevez ce qu'il reste d'Allistair avec vos hommes de main. Nous allons nous rapprocher de l'ascenseur pour perdre le moins de temps possible. Je ne serai pas rassuré tant que Clyde ne sera pas là et...

Allistair tremble et il sort de sa gorge une sorte de gargouillement sinistre. Il vomit vert.

– Chef, cet enfoiré rigole ! dit Mallone en s'écartant de lui.

– Qu'est ce qui te fait rire connard ? Tu crois que je vais pas te dessouder peut-être ?

Le rire étranglé s'arrête. Au prix d'un effort surhumain Allistair se redresse et, fixant de son œil unique Bullit alors tout prêt de son visage, il articule péniblement :

– Désolé, je retarde de six ou sept minutes...

 Le souffle de l'explosion, décuplé par le confinement des sous-sols, souffle l'immeuble du FBI comme un château de carte.




Fin

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