C'était Nathalia, j'avais reconnu sa voix. J'avais eu l'impression de recoller les morceaux l'espace d'un instant, mais après avoir entendu cet enregistrement, j'étais plus confuse que jamais. Qui étaient ces gens qu'elle mentionnait ? Et à qui cet enregistrement était-il réellement destiné ? Qui était cet Alex ?
Aucun de nous ne comprenais vraiment, nous nous regardions tous les trois dans le blanc des yeux. Maxime passait sa main dans ses cheveux, ce qui signifiait qu'il était mal à l'aise. Zéro quant à lui me dévisageait, probablement en attente de quelques réponses.
Alors je décidais de tout lui raconter, pas en détails bien sûr, mais les grandes lignes. Cela permettait aussi à Maxime de se rafraîchir la mémoire sur Nathalia, puisque je ne lui en avais pas réellement parlé.
Zéro était quelqu'un d'intelligent, et tout de suite après mon histoire il élabora une théorie, rassemblant les morceaux du puzzle.
— Mhhhh... Marmona-t-il. Alors voici mon hypothèse : Cette Nathalia travaillait pour Heaven, elle l'a dit dans l'enregistrement, (Nous hochâmes la tête.) Mais apparemment contre son gré. Je pense aussi qu'elle pouvait rentrer chez elle contrairement aux autres femmes, puisqu'elle avait une fille dont personne ne semblait connaître l'existence.
— Jusque-là, je suis d'accord, lancé-je.
— Ensuite, reprit Adam, elle cachait le fait qu'elle faisait des recherches sur le virus... Mais pourquoi ?! (Il fit semblant de réfléchir.) Sûrement parce qu'Heaven ne voulait pas qu'on trouve un remède !
— Mais enfin c'est stupide ! Rétorqua Maxime.
— Laisse le finir... Dis-je.
Maxime souffla et s'affala dans le canapé. La théorie de Zéro m'intriguait.
— Donc, ça renforcerait mon hypothèse sur le fait que tout ceci était prévu. Si c'est eux qui ont lancé le virus, normal qu'ils ne veulent pas trouver un remède.
Il n'avait pas forcément tort, et puis ce n'était qu'une supposition de toute façon. Maxime lui, semblait néanmoins perplexe.
— Que sait-on d'autre ? Continua Zéro, quatres hommes sont impliqués. Le fameux Alex qui n'est apparemment pas au courant de tout ceci, puisque l'enregistrement est entre nos mains. Et un certain Robert, à qui elle aurait voulu donner l'antidote.
— Oui, je suis d'accord pour les hommes, répondit Maxime. Mais y'en manque deux.
— J'y viens. Ce Robert devait envoyer à la femme, deux hommes. Et toi Noa, tu as vu précisément deux hommes entrer dans la maison et tuer Nathalia ?
Je voyais où il voulait en venir.
— Tu penses que ce sont les hommes que le gars devait envoyer ? Demandai-je.
— Précisément.
Zéro n'avait pas forcément tort sur ça non plus. Tout coïncidait. Nathalia aurait été piégée par quelqu'un en qui elle avait confiance, un certain Robert ?
— Donc ce Robert, récapitulé-je. Il a fait assassiner la mère d'Élisa ?
— Tout porte à le croire, répondit Maxime qui s'était redressé. Enfin, c'est bien beau tout ça, mais, ça ne nous dit pas ce qu'on fait...
— Oui mais ça nous éclaire au moins un peu sur la mort de Nathalia. Et d'après ce qu'elle dit, ce Robert est un homme d'influence. Nous devrions nous méfier.
— Pour une fois, je suis d'accord avec Tigresse.
— Bon très bien, soupira Maxime. Et pour Elisa, on fait quoi ?
Adam souffla du nez en souriant. Il prit son téléphone et tapa à toute vitesse dessus. Puis, nonchalamment, il s'assit sur la table basse face à nous.
— Écoutez mes p'tits loups, je vais vous exposer le plan. Vous avez demandé mon aide ? C'est moi qui commande. Vous êtes pas contant ? C'est pareil, c'est pigé ?
Nous hochâmes la tête et nous nous concentrâmes. Nous n'avions pas vraiment le choix de toute façon.
— Bien, déjà il va falloir percer leur système de sécurité pour avoir accès aux caméras de surveillance, et voir un peu le terrain de jeu. Pour ça j'ai appelé des renforts. Vous verrez ils sont top. On enverra sûrement quelqu'un sur place pour pirater tout ça, on verra. Parce qu'à distance ça va être impossible. Ensuite, on va devoir trouver quelque chose qui contient un maximum d'informations sur Heaven, du type ordinateur, clé USB etc. Histoire d'accumuler des preuves.
— Et ma sœur ?
— J'y viens tigresse ! Une fois qu'on a un maximum d'informations, je vais pirater la télévision nationale, ce sera un jeu d'enfant. Et là, je balance tout ! Tous les pires trucs qu'on aura dénichés.
Zéro se leva et remit sur l'écran l'image du bâtiment Heaven. Il pointa du doigt l'entrée.
— Nous on sera par là. Quand je dis « nous », je dis mes petits soldats, moi je bouge pas d'ici. Les gens vont être tellement en colère qu'ils vont forcément se ruer ici, (Il pointait l'entrée du bâtiment.) Mes soldats leurs fourniront des armes, et moi en trafiquant le système je leur ouvre les portes.
— Et si personne ne se bouge ? Si personne ne se rebelle ? Demanda Maxime.
— Si jamais tu apprends que c'est le gouvernement qui a tué les femmes. Qui t'a pris ta mère, ta sœur, juste pour relancer l'économie ou je ne sais quoi ? Tu serais pas un peu énervé ?
— Moi je le suis, répondis-je. Et je vais aller chercher ma sœur, elle doit penser que je l'ai abandonné ! Elle est toute seule, je sais pas ce qu'ils lui font. Si ça se trouve elle est morte de trouille... Ma voix dérailla.
Maxime posa sa grande main sur mon avant-bras, le regard calme. Adam nous dévisagea. Je devais modérer mes petites crises d'angoisse. Pour le moment il n'y avait rien que je puisse faire. Je devais me contenter d'attendre, silencieusement, sans pouvoir rien faire. C'était quelque chose qui m'exaspérait au plus haut point.
Heureusement, un peu de changement allait arriver. Quelqu'un toqua à la porte, et Zéro esquissa un sourire. Il nous informa que c'était les renforts, et leur intima d'entrer. La porte s'ouvrit, laissant entrer un courant d'air frai. Je me tortillais sur le canapé, me dévissant le cou pour savoir qui s'était. Trois personnes entrèrent. Deux garçons et... une fille ? Elle bloqua un instant sur moi, comme si j'étais une extraterrestre. Ou peut-être était-ce parce que je la regardais de la même manière ? Elle s'approcha de moi pour me toiser du regard. Enfin quelqu'un qui avait une réaction normale à ma vue : j'étais une fille dans un monde où toutes les filles avaient presque disparue. Mais c'est alors que j'eu une révélation : c'était sûrement à cause d'elle qu'Adam n'avait eu aucune réaction à mon arrivée. Peut-être y avait-il d'autres filles ici ? J'en avait bien vu une dans la boîte !
Ce n'était pas le moment de tergiverser sur ça. Zéro allait nous les présenter. Il commença par un des garçons. Il avait des cheveux lisses, bruns et long jusqu'aux coudes, des yeux noirs et pétillants en amande. Son nez, droit et fin, surplombait une bouche aux lèvres minces et serrées. Adam nous indiqua qu'il s'appelait Crash.
Le deuxième était mat de peau. Les cheveux court rasés de près, le regard inexpressif. Il avait les mains dans les poches, comme s'il n'avait pas envie d'être là.
Il ne nous regardait même pas. Il était habillé d'une salopette en jean, et d'un T-shirt noir près du corps. Cela faisait ressortir les muscles de ses bras. Il n'était pas très grand mais il était bien baraqué. Il s'appelait Shark, enfin c'était son pseudo.
Vînt le tour de la fille. Une brune aux yeux verts. Ceux ne regardaient que Maxime, ce qui me mettait hors de moi. Pourquoi le regardait-elle comme ça ? Ils se connaissaient ? Sûrement puisque Maxime lui souriait comme un imbécile ! En plus, sa tenue n'était pas du tout appropriée à la situation. Un jean noir tout déchiré – autant ne rien mettre dans ces cas-là, un haut blanc à motif, (une tête de mort) qui ne cachait presque rien : on avait une vue imprenable sur le gouffre entre sa poitrine généreuse. Elle devait avoir mon âge peut-être un peu plus. Je ne l'avais vu que cinq minutes, je la détestais déjà.
— Bon, je la présente seulement pour Tigresse puisque Max tu la connais, voici Hydra.
— Bah alors mon Maxou, t'étais passé où ? J'ai cru que t'étais mort !
Alors, déjà elle allait vite se calmer. Mon Maxou ? Non mais j'étais en plein délire. Si soi-disant ils ne s'étaient pas vu depuis si longtemps, pourquoi redevenir aussi proche en un instant ? J'avais passé un mois et demi avec lui et je ne l'appelais pas par ce surnom ridicule ! Je bouillonnais de l'intérieur, et ça allait finir par sortir. Je n'en pouvais plus de leurs regards langoureux, de leurs sourires niais. Hydra mâchait un chewing-gum la bouche grande ouverte, ce qui me donnait envie de la gifler. Je me levai et sortis le plus vite possible de la pièce. Je me retrouvai dans la salle des centrales, dans un froid qui me frappa de plein fouet. Je déguerpis au plus vite, ne m'attardant pas à regarder si quelqu'un m'avait suivie. Je débouchai dans les couloirs de conteneurs, marchand au hasard. Bien sûr, je ne me rappelais pas du chemin vers la sortie, j'étais donc perdue. Bravo Noa, félicitation.
J'errais un peu sans savoir vers où j'allais. Je voulais sortir d'ici et aller chercher ma sœur moi-même. J'allais tourner à un carrefour de couloirs, lorsque qu'un colosse débarqua et s'avança vers moi. Un grand homme au crâne rasé, portant un débardeur beaucoup trop petit, prêt à craquer.
— Et dis donc toi, je t'ai jamais vue par ici ! Me lança-t-il.
Je devais jouer la carte de la courtoisie. Me faire broyer par ses mains colossales n'était pas dans mes plans.
— Je viens d'arriver avec un ami.
— Mais il est pas là, ton ami, t'es perdue ?
— Heu non, j'allais le rejoindre justement...
Le colosse se rapprocha de moi, m'obligeant à me coller au mur. Tout un tas d'idées traversèrent mon esprit. Comment allai-je me sortir de cette situation ? J'étais fichue. Des souvenirs refirent surface, des souvenirs dont je me serais bien passé à un moment pareil.
L'homme au crâne rasé se colla près de moi, prenant mes cheveux dans ses mains. Je n'osais rien dire de peur de l'énerver, je bégayais comme une idiote. Il commença à défaire la fermeture éclair de mon sweat. Les larmes vinrent d'elles-mêmes couler le long de mes joues. J'étais toute seule, avec un homme qui faisait deux fois ma taille et cinq fois mon poids. J'étais condamnée.
— Eh Sam, je peux savoir c'que tu fais ? Lança une voix d'homme.